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08/11/2007

Jean-Pierre Corniou (EDS Consulting Services) : "Le fournisseur, pas plus que le client, ne sera vertueux tout seul"

Gouvernance, urbanisation, grands chantiers informatiques, etc. Ancien DSI de Renault et ex-président du Cigref, le P-DG d'EDS Consulting Services a répondu aux questions des lecteurs.
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Jean-Pierre Corniou (EDS Consulting Services)
 
 
 

Selon vous, est-ce que l'innovation reprend dans les DSI ? Et si oui, dans quel domaine ?

Le paysage est contrasté ! Ce qui tire aujourd'hui est la nécessité de toucher le client final avec des sites Web performants. Mais le fond d'activité reste la rationalisation des coûts.

On a beaucoup parlé des déploiements d'ERP et de la BI, sur quels types de projet se focalisent désormais les grandes entreprises ?

La première vague d'ERP est déjà bien installée dans la plupart des entreprises... On commence à parler d'ERP "orientés services" avec des offres balbutiantes, mais cela va venir... Et quand on a une base installée ERP, on cherche naturellement à en tirer profit pour prendre des décisions, d'où l'enjeu du BI !

De plus en plus, on trouve des applications Open Source dans tous les domaines, infra, BI, gestion de contenu, ERP... Quel est le point de vue des grands DSI sur la question ?

Prudence.... encore, mais ça bouge car le rapport coût/valeur devient franchement attractif... Le libre a perdu son caractère déviant... et c'est tant mieux !

Quels sont les grands leviers d'économie dans les DSI aujourd'hui ? Le principal d'entre eux est-il toujours l'externalisation ?

L'externalisation, oui, et surtout l'offshore apparaissent comme les leviers les plus "classiques"... Pour ma part, je pense qu'il faut d'abord faire un inventaire lucide de la valeur du patrimoine applicatif avant de faire quoi que ce soit. On ne peut externaliser que ce qu'on connaît !

L'externalisation ne peut s'effectuer dans tous les domaines. Où placer le curseur ?

L'externalisation n'est pas un procédé aveugle qui s'applique à tous les problèmes. Il faut soigneusement analyser la situation de l'entreprise, du parc applicatif, des infrastructures et adopter une stratégie cohérente : qu'est-ce que je fais moi-même, qu'est-ce que je fais faire, par qui, avec quel contrôle...

 
Photo Cécile Debise © Benchmark Group
 
"Je suis un ardent partisan des référentiels !"

Que pensez-vous de l'offshore ? Le nearshore en France ou dans des pays proches, comme le Maroc n'est-il pas un bon compromis ?

Restons dans le même fuseau horaire... et la même langue car c'est un processus suffisamment complexe pour ne pas accumuler les handicaps.

Au lieu de s'appuyer sur des prestataires pour l'offshore, les grandes DSI n'ont-elles pas intérêt à bâtir leur propre centre ?

C'est une vieille question qui renvoie par exemple à la filialisation interne. Le problème est d'atteindre une masse critique suffisante en compétences, de garder les talents, mais aussi de savoir les renouveler. Faire tout seul ne donne pas nécessairement l'optimum technique et en compétences...

Je suis DSI d'une société de 3 000 salariés dans le domaine industriel. J'étais présent à la dernière conférence itSMF pour jauger un peu ITIL. Que pensez-vous de ce référentiel ?

Je suis un ardent partisan des référentiels !! Avec le CIGREF, nous avons lancé l'institut français de la gouvernance des SI. Il faut industrialiser nos pratiques et disposer de référentiels apporte de la fiabilité, de la cohérence et aussi de l'auditabilité... ITIL est un excellent départ car on touche les infrastructures et c'est un domaine critique oû l'improvisation n'a pas sa place.

J'ai beaucoup de soucis pour faire collaborer mes équipes de développement avec la production. Quels sont vos conseils ?

Vieux sujet aussi ancien que l'informatique ! D'abord éviter toute forme de hiérarchisation entre les deux.. La pensée systémique impose de considérer de façon équitable tous les éléments d'un système. Ensuite faire de la cross-fertilisation en ayant des groupes de progrès communs aux équipes. Fêter ensemble les succès et surtout ne pas chercher de bouc émissaire.

Certains projets peuvent être piloter par la Production, d'autres par les Etudes, d'autres encore directement par une direction métier. Comment arbitrer ?

Penser globalement ! Qu'est ce qui compte : le résultat final qui permet de soutenir les processus opérationnels de l'entreprise. Et c'est une œuvre collective. Faire de l'informatique c'est transformer du rêve en code, et c'est une alchimie complexe qui implique des méthodes, des outils, des process, du respect et de l'humilité...

Quels sont les conseils que vous pourriez nous donner pour bien gérer la relation avec les gros fournisseurs ? Quelles sont nos marges de manœuvre ?

Devenu fournisseur moi-même, je commence à connaître les contraintes de part et d'autre. Il faut à tout prix à éviter le rêve - le tout, tout de suite, pas cher - et la complaisance. Construire une vraie gouvernance des fournisseurs est essentiel. Le fournisseur, pas plus que le client, ne sera vertueux tout seul. C'est une affaire d'équilibre, de rigueur, d'objectivité, avec les métriques qui vont bien et les processus de correction. Différencier, en bon ITILisateur, les difficultés et les problèmes !

On peut parler aussi de gouvernance des prestataires. Quels sont les points à exiger d'un contrat d'infogérance : une certification ISO, des contrats de service ? Jusqu'où peut-on aller ?

 
Photo Cécile Debise © Benchmark Group
 
"J'ai créé en 2000 chez Renault une direction de l'urbanisme et de l'architecture fonctionnelle. C'est un socle indispensable d'une politique SI efficace"

Il faut travailler ensemble sur un "plan qualité" commun... Car le résultat est le fruit d'une coopération rigoureuse. Il faut travailler les SLA et l'idéal est effectivement de partager un langage commun, ITIL, CMMi ou ISO. Il faut s'entendre sur le référentiel choisi.

Que pensez-vous des solutions d'automatisation des développements ? N'est-ce pas un moyen de développer la productivité ?

Là aussi, c'est un vieux rêve... Bien sûr, on aimerait bien partir de l'idée pour construire l'application et la mettre en production dans la foulée... C'est moins simple à faire et l'histoire de l'informatique est un cimetière d'annonces fracassantes dans ce domaine. Mais on peut travailler sur des sous-ensembles, c'est bien la logique de SOA.

L'arrivée de la VoIP redessine les compétences de l'informatique et ouvre de nouvelles perspectives applicatives. Comment bien aborder ce chantier majeur ?

L'arrivée de la VoIP est déjà bien engagée... Skype est un bon exemple, les entreprises sont à la traîne sur le sujet. Je pense qu'il n'y a plus grand risque à s'engager profondément dans cette technique, économique et désormais fiable. C'est un chantier comme les autres : que cherche-t-on ? Economie, services, productivité, rationalisation ?

Je rebondis sur l'automatisation des développements. L'architecture de services et l'urbanisation sont également un levier de productivité. Quel est l'état d'avancement des grands groupes sur cette question ?

J'ai créé en 2000 chez Renault une direction de l'urbanisme et de l'architecture fonctionnelle. C'est un socle indispensable d'une politique SI efficace. Et je lui ai confié l'approche SOA qui implique d'y voir bien clair dans les objets métier et les cohérences inter-projets. On ne peut progresser que dans une vision précise et méticuleuse, même, du métier et de sa traduction informatique. Les équipes projet doivent pour cela accepter de se soumettre à une discipline collective et ne pas inventer leurs référentiels à chaque projet. La BI impose par exemple que les données soient claires, bien traitées, avec un dictionnaire unique d'entreprise.

Quelle doit être la marge de manœuvre des urbanistes vis-à-vis des directeurs et chefs de projets ?

Pour moi les urbanistes, comme dans la ville, doivent s'imposer par rapport aux projets.. Le bon moyen est d'ailleurs de les faire tourner pour éviter la coupure dangereuse entre le " législateur" lointain et l'opérationnel de terrain...

L'offre ASP est-elle actuellement suffisamment mure pour percer dans les PME ne pouvant s'offrir les services d'un administrateur ?

Oui, cela commence vraiment ! A commencer par la première de toutes les applications, le courriel ! On voit apparaître des applications métiers intéressantes, comme Salesforce.com. Le Web pousse en ce sens.

Que pensez-vous des coach pour DSI ? Avez-vous déjà eu recours à cette méthode ?

 
Photo Cécile Debise © Benchmark Group
 
"Un coach peut rendre d'immenses services au DSI pour (ré)apprendre à se connaître et mieux naviguer dans la complexité. J'ai eu recours à cette solution avec beaucoup de bonheur ! "

Le DSI est ballotté entre des contraintes multiples, le court et le long terme, la technique et les coûts, le client et le fournisseur... Ce n'est pas un métier facile et on n'a pas grand monde à qui en parler en entreprise... Il faut éviter de se plaindre, mais les pressions et tensions sont nombreuses et il faut savoir trier et décompresser pour garder le moral, le tonus et son efficacité. Un coach peut rendre d'immenses services pour (ré)apprendre à se connaître et mieux naviguer dans la complexité. J'ai eu recours à cette solution avec beaucoup de bonheur !

Quel est le meilleur profil pour devenir DSI ? Venir du métier ou de l'informatique ?

Les deux ! Je crois qu'un DSI est un dirigeant comme les autres. Cela rassemble beaucoup de "propriétés" que l'on retrouve dans toutes les spécialités et métiers... Il faut comprendre la réalité systémique de l'entreprise, ne pas être allergique à la technique (sans tout connaître !) avoir de solides qualités relationnelles et un sens de la négociation. Il faut regretter que beaucoup d'informaticiens n'aient pas l'occasion de développer ces aptitudes, ce qui les met en concurrence avec des nouveaux venus dans la profession. Mais il faut travailler sur le leadership.

Si vous deviez résumer les 3 ou 4 grands défis actuels auxquels sont confrontés les DSI, quels seraient-ils ?

Je vous renvoie - pub - à mon blog où j'ai fait un long papier là dessus. En synthèse : 1/ bien comprendre les ressorts du business
2/ anticiper sur les évolutions de l'informatique, notamment grand public, car ce sont là les clients
3/ veiller à développer des compétences nouvelles dans les métiers de la DSI
4/ communiquer.

Rationalisation des coûts... l'enjeu est de taille. Les DSI nous parlent beaucoup d'infogérence, notamment en termes d'impression... Pour vous, est-ce un effet de mode ou bien les DSI vont-ils rapidement en venir à ce type de solution ?

L'infogérance est une technique... Elle a ses vertus et ses limites ! Je pense que les métiers de base, comme l'impression, ont une vocation naturelle à être traités par l'extérieur, ce qui ne signifie pas qu'il faille s'en désintéresser. Au contraire, il n'y a pas de détails et c'est justement les fonctions les plus banales qui peuvent se révéler les plus agaçantes pour les utilisateurs et donc sources de mécontentement. Là aussi, il faut bien préparer ses contrats, ses coûts, et les SLA.

Les grandes DSI ont-elles du mal à recruter aujourd'hui certains talents ?

Oui... Il y a pénurie de compétences, notamment dans des métiers comme architecte. Les jeunes se détournent un peu de l'informatique, qui n'est plus pour eux glamour, et ils cherchent toujours une nouvelle frontière. N'est pas Google qui veut pour attirer les talents !

Quelle est votre vision sur la consolidation du secteur informatique ? Est-ce bon ou mauvais pour les entreprises ?

Inéluctable ! Le choix se raréfie dans les logiciels : SAP, Oracle, IBM, Microsoft... Pour les PC, il n'y a plus grand choix... En télécommunications, c'est la même chose. C'est un processus normal lié à la maturation du marché, à l'émergence de standards qui sont bien pratiques pour l'interopérabilité... Moins de choix ne veut pas dire moins de créativité. Simplement elle se déplace vers l'usage et c'est là où les DSI doivent désormais être imaginatifs. Ce n'est pas parce qu'on utilise tous Word qu'on a pour autant le Prix Goncourt !

 
Photo Cécile Debise © Benchmark Group
 
"C'est une politique globale de valorisation de la recherche qu'il faut encourager !"

Quels sont les freins dans notre pays à l'émergence de startup à la Google. Ne faut-il pas redonner à nos ingénieurs leurs lettres de noblesse en favorisant les carrières techniques ?

Oui, oui, oui ! Nos ingénieurs français sont aujourd'hui en Californie ! Il faut innover, reconnaître et valoriser les start-up (notamment avec un Small Business Act). L'INRIA est un bon exemple d'essaimage. C'est une politique globale de valorisation de la recherche qu'il faut encourager !

Quels sont vos derniers gros contrats signés, et les missions dont vous pouvez parler ?

Nous travaillons beaucoup actuellement en France dans le conseil sur le transport et la chaîne logistique, domaines où l'informatique est un vecteur considérable de performance. Beaucoup de sujets aussi autour de la dérégulation de l'énergie, la transformation des banques.

Lorsque vous êtiez DSI de Renault, que vous a apporté votre implication au Cigref ?

Beaucoup d'échanges avec les collègues dans un cadre ouvert et dépourvu d'enjeux de pouvoir, avec des gens ouverts, dynamiques, pouvant comprendre tous les problèmes. On parlait de coaching, et la relation entre pairs est aussi un bon moyen de tester ses solutions avec des amis compétents.

Pensez-vous redevenir DSI un jour...

C'est une question intéressante.. J'ai fait ce métier pendant 16 ans dans de très belles conditions. J'adore le conseil. Et si je décide de changer un jour, ce serait pour être DG, mais d'une PME innovante !

Merci à tous, l'exercice est passionnant et j'ai eu beaucoup de plaisir à partager avec vous mes expériences et convictions. RV sur mon blog.

 


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