Emploi IT : le secteur public fait de la résistance "Les différences de rémunération entre privé et public tendent à s'estomper"

Pour quelles raisons la fonction publique recourt-elle à des contractuels ?

L'appel aux contractuels est dû au gap technologique et aux évolutions du système d'information très importantes qui sont apparues ces dernières années et auxquelles trop peu de formations d'agents titulaires répondent.

Le secteur public apprécie donc de recruter des contractuels ayant acquis de l'expérience dans le privé, pour répondre à des problématiques de maîtrise d'ouvrage sur la partie fonctionnelle et à des architectes pour ce qui a trait à l'infrastructure technique.

Ce sont d'ailleurs dans les administrations centrales, là où les projets sont plus souvent complexes et ne disposant pas toujours des ressources suffisantes en interne, qu'on les retrouvent.

Où en est la politique de recrutement IT des collectivités territoriales ?

En ce qui concerne les collectivités territoriales, les recrutements se sont un peu plus stabilisés après avoir connu un boom sans précédent lors de la mise à niveau de leurs technologies Web. Pour autant, de nombreuses collectivités et conseils généraux ou régionaux continuent à investir dans ce domaine ou à optimiser leurs procédures en ligne et toutes les initiatives qui relèvent de l'e-administration.

Quels sont les principaux postes recherchés ?

Il y a un vivier assez naturel d'informaticiens issus du secteur privé pour occuper des postes dans la fonction publique territoriale, avec une demande particulièrement forte pour les ingénieurs qualifiés ayant un certain nombre d'année d'expérience.

Notamment dans le domaine de la mise en place d'ERP, autant dans les collectivités qu'en administration centrale ou dans les grands établissements publics où la culture ERP y est assez développée. Moins dans les plus petites collectivités où ce sont davantage les applications spécifiques qui sont présentes.

Les profils informatiques à forte dominante Open Source sont-ils demandés ?

Oui, mais tout dépend dans quel milieu on se trouve. Dans les collectivités territoriales par exemple, la tendance à orienter ses choix vers des technologies Open Source est assez marquée avec la volonté de gagner en indépendance par rapport à un éditeur de solution propriétaire.

"Open Source et décisionnel constituent également une dynamique en matière de recrutement

En administration, ce réflexe est loin d'être systématique, bien que les technologies de type J2EE et CMS Open Source sont tout de même assez présentes. Indépendamment du secteur, les ressources et compétences en matière de décisionnel restent très importantes avec un besoin grandissant en matière de mise en place de systèmes de pilotage, de tableaux de bord et d'indicateurs stratégiques. Il y a là une véritable dynamique d'emplois parce que le secteur public a pris conscience du fait que les systèmes d'information permettent de dégager des points de productivité.

Formation ou expérience : quelle facette du profil prime ?

En termes de recrutement, les profils recherchés restent assez ouverts, mais avec une demande avant tout de forte expérience et une bonne maîtrise en direction de projet et de MOA. Sur les fonctions plus techniques, les profils sont également traditionnels de type ingénieurs réseaux et télécoms avec plusieurs années d'expérience.

Qui de la rémunération ?

En matière de rémunération, les différences de salaires entre les informaticiens du public et ceux du privé tendent à s'estomper par rapport à ce qu'ils ont pu être auparavant. Les enjeux liés au développement des nouvelles technologies dans le secteur public sont telles que les collectivités n'hésitent plus à acheter les compétences au prix du marché, surtout pour des postes de contractuel.

"Un architecte contractuel peut espérer un niveau de rémunération moyen compris entre 60 et 70.000 euros par an"

Mais les hausses de salaires ne suivent pas une logique inflationniste car c'est plus un réajustement par rapport à un niveau tel qu'on le retrouve dans le privé. En tout état de cause, le salaire ne constitue cependant pas le principal levier de motivation des informaticiens qui viennent travailler dans le public.

En mode contractuel, un architecte technique pour une collectivité de 500 utilisateurs peut espérer un niveau de rémunération moyen compris entre 60 et 70 000 euros par an tandis que pour un chef de projet opérationnel, en fonction de l'expérience, se situera dans une fourchette comprise entre 45 et 60 000 euros par an. Ces niveaux de rémunération sont bien entendu liés à la taille des périmètres projets.

Quelles raisons peuvent pousser un informaticien du privé à s'orienter vers une carrière dans le public ?

Les opportunités de venir travailler dans le secteur public sont grandes pour un informaticien issu du privé. En tant que contractuel, il a déjà la sécurité de l'emploi par le biais de missions de 3 ans renouvelables qui, une fois recontextualisées dans une carrière professionnelle type où l'on est amené à changer de travail tous les 5 ans, apparaissent tout aussi protectrices qu'un CDI.

Ce qui pousse les informaticiens du privé à venir dans le public, c'est également la forte valeur ajoutée des projets et les responsabilités confiées qui donnent un sens au travail et participent à la valorisation personnelle de l'individu.

Etre informaticien dans le secteur public, c'est assumer une fonction dans laquelle les projets sont nombreux, variés et dans lesquels il est possible de s'exprimer professionnellement et ouvrant de réelles perspectives d'évolution. Pas plus, mais pas moins que dans le privé, et la césure entre le travail dans l'un ou l'autre contexte n'a donc plus lieu d'être.

Dans le contexte actuel, on observe cependant une certaine frilosité individuelle à vouloir bouger, ce qui se comprend assez aisément. Cela étant, les offres d'emploi informatique dans le secteur public sont bel et bien présentes, soutenues par un véritable enjeu de modernisation auquel il doit faire face.

Arnaud Bioule est directeur de la division public et parapublic chez Michael Page International.