Emploi IT : le secteur public fait de la résistance "Pendant longtemps, les informaticiens ont été les mal aimés du secteur public"

La fonction publique est-elle un grand pourvoyeur d'emplois IT ?

Actuellement, le secteur public emploie entre 30 et 40 000 informaticiens en interne, avec des flux pour ce type de recrutements de plusieurs milliers par an. Mais alors qu'historiquement ce secteur faisait beaucoup moins appel que d'autres à la sous-traitance, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet, depuis le début des années 2000, le secteur public n'hésite plus à faire appel aux éditeurs et aux sociétés de services pour les accompagner dans leur démarche de construction de leurs systèmes d'information.

En revanche, il faut garder en tête que même si la part des informaticiens en interne dans le secteur public par rapport à d'autres secteurs est importante, il n'est à l'origine que de 16% de l'ensemble des dépenses informatiques françaises, loin derrière les secteurs de la banque ou de l'industrie. Cette dernière captant à elle seule près du tiers des dépenses IT en France.

Les postes recherchés sont-ils à faible ou forte qualification ?

Pendant longtemps, la part des emplois informatiques peu qualifiés dans le secteur public a été très importante dans les grands ministères, le secteur social ou encore l'hôpital Cela remonte à une époque où la présence de centres informatiques par départements était forte. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas et les centres informatiques sont fortement concentrés avec pour corollaire des besoins plus importants en termes de cadres informatiques, pour des postes de management et d'architectes.

"Auparavant, l'informatique de l'Etat était davantage constitué de petites mains"

Auparavant, l'informatique de l'Etat était davantage constitué de petites mains qu'aujourd'hui, où les qualifications sont devenues importantes. Ceci s'explique notamment par la montée en puissance d'SAP dans les ministères impliquant un besoin croissant en spécialistes dans ce domaine, principalement contractuels et fortement diplômés ou expérimentés. Mais d'autres besoins en matière d'e-administration et de télédéclaration génèrent également un fort mouvement de recrutements.

Qu'est-ce qui rapproche ou différencie un informaticien du secteur public et privé ?

Pendant longtemps, les informaticiens ont été les mal aimés du secteur public, mais la situation est très différente aujourd'hui. Quand on regarde de près le profil des informaticiens dans les ministères ou la fonction territoriale, on est surpris de constater que beaucoup sont issus d'autres branches et spécialités. C'est tout particulièrement le cas dans l'Education Nationale, où les deux-tiers des postes d'informaticiens sont tenus par des anciens instituteurs qui ont cessé leur activité pour se réorienter vers une fonction qui les attirait davantage.

Ensuite, il n'est pas rare de les voir repartir vers un poste opérationnel en dehors de l'informatique, une fois qu'ils ont gagné un échelon par exemple. Ce type de perspective d'évolution de carrière n'est pas un cas isolé au sein du secteur public, alors que dans le privé, elle reste très limitée.

Cela étant, que l'on soit dans le public ou le privé, le travail est identique, avec des compétences techniques qui se rejoignent. Cela étant, on trouvera dans le public une proportion beaucoup plus importante de connaisseurs de technologies Open Source. Cela s'explique par la nature même du mouvement Open Source qui a pris ses racines à la fin des années 90 dans les administrations, mais aussi par une volonté de certains hauts fonctionnaires, voire ministres, à s'émanciper de Microsoft.

Enfin, en matière d'informatique dans le domaine public, il y a clairement une frontière qui s'est établie entre les organisations riches et les autres, moins privilégiées. Par exemple, le Minefi apparaît clairement comme un ministère où le travail informatique est valorisant, car les informaticiens sont amenés à travailler sur des grands projets phares et de qualité, ce qui n'est pas le cas pour tous les ministères comme ceux de la Culture ou de la Justice. Et il y a encore de gros efforts à faire pour rétablir l'équilibre.

Jean François Perret est vice-président du conseil de surveillance de Pierre-Audoin Consultants.