Le rôle du directeur informatique en période de rigueur

La rigueur est sur toutes les lèvres et la croissance économique dans la plupart des pays développés est en berne. Dans ce contexte, les directeurs informatiques jouant la carte de l'audace ont assurément tout à gagner.

Tout le monde a peur d'une deuxième vague de récession. Sans oublier les déficits historiques des Etats entraînant des réductions sans précédent des dépenses publiques. Les premières réactions à cette situation pourraient être : une réduction drastique des budgets et des départements informatiques, exigée par les instances dirigeantes des entreprises. Sans compter un report sine die des projets ambitieux jusqu'au retour de conditions économiques plus clémentes.

Fin 2009, le Gartner prédisait un léger rebond des investissements informatiques, d'un déclin de 5% en 2009 à une modeste croissance de 3% en 2010. Cette prédiction était probablement un peu trop optimiste. L'horizon s'est depuis assombri, et l'incertitude s'est encore accrue ces derniers mois.

Mais il semble que ces conditions économiques difficiles soient justement l'environnement idéal pour les directeurs informatiques audacieux. Ce sont précisément les entreprises qui osent innover, tant pour optimiser leur fonctionnement que pour développer et lancer de nouveaux produits, qui se distinguent. Dans toute organisation où la technologie est un facteur stratégique, le rôle de l'informatique dans la conduite du changement est fondamental.

Voici cinq principes à suivre par tout DSI :

•    Un investissement informatique sans justification forte est voué à l'échec. Un projet doit soit faire gagner de l'argent, soit en économiser, soit éviter à quelqu'un des poursuites juridiques. Une évidence certes, mais à ne jamais oublier. Tous les participants du secteur, fournisseurs inclus, ont leur part de responsabilité quand il s'agit de justifier un investissement.

•    Pas question de repartir à zéro. Les nouveaux logiciels et matériels doivent fonctionner avec les actifs existants autant que possible. Cela protège d'une part les investissements précédents, mais signifie également que l'accent est mis sur l'optimisation des structures existantes afin de créer de la valeur ajoutée.

•    Identifier les projets courts et à fort impact. Qu'il s'agisse de réduction des coûts ou d'accroissement des revenus, les délais doivent être de l'ordre de quelques mois. Les projets plus longs doivent rester au placard pour le moment.

•    Fournir aux utilisateurs et clients des systèmes plus réactifs et des informations plus pertinentes. Les applications et systèmes existants disposent le plus souvent de leurs propres outils de reporting. Très bien. Mais la réelle valeur ajoutée consiste à combiner toutes ces informations en une vue unique consolidée. En règle générale, les exceptions sont plus simples à traiter, et les opportunités plus faciles à exploiter, lorsqu'elles sont identifiées rapidement. D'excellents "projets de rigueur" peuvent être relativement courts (de l'ordre de quelques mois), peu onéreux et, en cas de succès, fournir des résultats tangibles et une valeur ajoutée aisée à démontrer.

•    Décomposer les silos et modéliser les processus de bout en bout. Et oui, c'est un fait, les processus et les informations sont soit complètement isolés, soit peu accessibles, entraînant ainsi des réplications, un mauvais service client, et une faible productivité. L'exemple des télécoms est en ce point frappant : la vitesse de changement de l'environnement (par exemple, le trafic mobile est supposé doubler tous les ans sur les quatre prochaines années) et les nombreuses fusions et acquisitions mettent en péril la bonne marche des services client dans la mesure où les opérateurs ne sont pas capables d'intégrer efficacement les divers systèmes de CRM et de gestion des commandes dont ils disposent. Casser les frontières entre les silos est essentiel pour correctement modéliser et surveiller les processus.

Il existe bien sûr des alternatives - le Cloud Computing est ainsi un bon moyen de réduire les coûts et de faire rapidement des progrès significatifs en termes de fonctionnalité ou de facilité d'utilisation. Il est intéressant de consulter en interne les salariés et utilisateurs afin d'en recueillir les bonnes idées. Et les périodes de tension comme aujourd'hui permettent de plus facilement justifier une réorganisation. Se mettre d'accord avec les autres responsables, notamment le P-DG, est essentiel. De nombreux patrons d'entreprises ont fait des déclarations remarquées illustrant la valeur stratégique de l'informatique.

L'austérité n'est finalement peut-être pas une si mauvaise chose. La loi de Moore, et des équipements toujours moins chers, ont laissé grossir le logiciel plus que de raison. Une période un peu longue de retour aux vraies valeurs sera probablement bénéfique à tout le monde. Comme l'a dit récemment The Economist à propos de la techno-austérité : "la frugalité est la mère de l'invention".