L’homme de demain : mi robot, mi humain ?

Dans un monde de plus en plus tourné vers le high-tech, les scientifiques s'interrogent : dirigeons-nous vers une société human-driven, data-driven ou un peu des deux ? Qui contrôle qui ? Qui contrôle quoi ?

Et si un robot était capable de réaliser les tâches dont nous souhaiterions nous exempter ? Toutes ces actions répétitives, ennuyantes, sans valeur ajoutée, celles que nous faisons par obligation, celles que nous ne maîtrisons pas forcément… Et s’il les faisait à notre place, avec rigueur, justesse, fiabilité, rapidement, partout, tout le temps, en totale autonomie et qu’il apprenait de ses propres erreurs et s’adaptait à nos préférences et habitudes ? Accepterions-nous de partager notre quotidien avec lui ? Jusqu’où sommes-nous prêts à laisser la technologie, et plus particulièrement l’intelligence artificielle (IA), s’immiscer dans notre vie ? 

Les experts sont unanimes : l’IA va révolutionner la société entière. Pas seulement le monde du travail. Notre quotidien aussi. Les hommes créent aujourd’hui les algorithmes qui nous accompagneront tout au long de notre existence et qui influenceront nos prises de décisions, même les plus importantes. Devons-nous nous réjouir de cette tendance ? Devons-nous nous en inquiéter ? Devons-nous obligatoirement garder la main sur l’IA pour ne pas perdre le contrôle de notre pensée ?

Les données partagées au cœur des débats

Consciemment ou non, chaque jour, nous partageons sur la Toile une multitude d’informations personnelles. Ces données sont récoltées, analysées et exploitées par des systèmes intelligents que l’humain a créés et qui aujourd’hui le dépassent. Les scientifiques de la NASA alertent : "les algorithmes sont devenus si complexes que certaines machines prennent des décisions que l’humain ne parvient plus à expliquer." Bill Gates, fondateur de Microsoft, a récemment commenté à ce sujet : "je ne comprends pas pourquoi certaines personnes ne semblent pas s’en inquiéter." Si de nombreux individus sous-estiment l’impact réel que pourront avoir les algorithmes sur leur vie quotidienne, c’est parce qu’ils associent souvent, à tort, la révolution de l’IA à de la science-fiction alors qu’elle est bien réelle et qu’elle a déjà commencé.

Les algorithmes prennent le pouvoir

Il y a un passage des humains aux algorithmes. Cela commence avec des choses très simples comme par exemple donner des conseils ou des suggestions aux utilisateurs : "dans quel restaurant aller déjeuner cet après-midi ?", "quel film regarder ce soir ?" ou, tout simplement pour trouver son chemin dans la ville. L’humain fait plus confiance aux algorithmes qu’à ses pressentiments, jugements et expériences vécues. D’expérience en expérience, l’humain apprend à faire confiance aux algorithmes. Même si les algorithmes ne sont pas parfaits et qu’ils commettent des erreurs, pour générer de la confiance, ils doivent simplement être plus performants que la moyenne des humains. Et à ce jeu-là, le résultat est sans appel : technologie 1 - 0 humain.

En 2018, voilà où nous en sommes. Mais dans 20 ou 30 ans, des décisions plus importantes se prendront grâce aux algorithmes. "Pour qui dois-je voter aux présidentielles ?", "où dois-je étudier ?", "dans quelle branche dois-je me spécialiser ?", "qui dois-je épouser ?", "en qui puis-je avoir confiance ?"… Les algorithmes nous connaîtront mieux que nous-mêmes. Ils pourront prédire nos décisions et, s’ils sont placés entre les mains d’acteurs malintentionnés, manipuler nos désirs. Pour en arriver-là, trois éléments sont nécessaires : une bonne compréhension des neurosciences, beaucoup de données, et des machines avec une puissance de calculs hors-norme à disposition. A ce jour, personne ne remplit ces trois critères. Mais l’heure tourne… Nous devons nous protéger des forces que nous créons au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard.

La riposte attendue des hommes

A titre individuel, nous devons apprendre à mieux nous connaître. Cerner nos faiblesses (peurs, haines, inquiétudes, vices, etc.) avant que les algorithmes les détectent et les exploitent, est un premier pas… Mais cela ne suffira pas.

Les garants de l’IA – acteurs publics et privés – doivent coopérer davantage pour que l’innovation technologique au sens large ne leur file pas entre les doigts. Partager leurs craintes, doutes, observations, hypothèses, projections, solutions est de mise. Problème : dans un contexte géopolitique instable, nous détruisons les bases de la coopération mondiale au moment où nous en avons le plus besoin. Cela ne peut plus continuer ainsi. Agissons. Dépassons nos intérêts personnels. Voyons plus loin que le bout de notre nez. Menons plus d’actions collectives.

Le troisième point important sur lequel nous devons agir est la réglementation de la propriété des données et la réglementation du développement de l’IA à l’échelle internationale. Là aussi, il est évident qu’aucune nation ne pourra réglementer l’IA seule. Les Etats doivent se mettre d’accord sur des règles communes et sanctionner les pays qui ne se soumettront pas à ces règles de bon sens pour l’humanité.

Enfin, nous devons mettre un terme à la centralisation dangereuse des données. Aujourd’hui, on observe une lutte entre deux systèmes (occidental et oriental) pour pouvoir traiter des données et prendre des décisions. Avec la montée en puissance des algorithmes et de l’IA, cela devient de plus en plus efficace de concentrer toute l’information dans un seul endroit… Un vrai danger pour la démocratie. Si la grande majorité des données exploitables est stockée dans un pays ou dans un groupe de pays, toutes les décisions importantes seront prises depuis ces territoires et nous verront ainsi le globe se fragmenter en deux blocs : ceux qui actent et ceux qui suivent.

Plus qu’une affaire de nouvelles technologies, l’IA est une affaire politique. Le comprendre et l’accepter, c’est faire un premier pas dans le monde de demain.