Former la prochaine génération de femmes à l’IA

L’éducation des filles est la clef d’une amélioration à long terme de la société. Bien faite, cette éducation implique la combinaison d’un savoir-faire et même d’un savoir-être nécessaires à former une génération de techniciennes.

Bâtir des IA permet non seulement de déléguer certaines tâches mais aussi certaines prises de décision. Néanmoins, si les données grâce auxquelles les IA sont entraînées sont biaisées, celles-ci reproduiront et amplifieront certaines inégalités ; en premier lieu desquels le sexisme. Les ingénieurs qui programment les algorithmes sont aujourd’hui à très large majorité des hommes, qui transmettent un schéma de pensée problématique aux IA. Un exemple est à ce titre éclairant : confrontées à du harcèlement sexuel, les assistantes vocales Siri, Alexa et Google Home ont répondu soit par l’humour, soit par le flirt. Cela ne serait pas arrivé si des femmes avaient participé au design de ces IA. Pour ne pas être réduit au point de vue d’une seule moitié de l’humanité, il est donc urgent de former la prochaine génération d’ingénieures, afin qu’elles intègrent les équipes de développement des IA.

Des stéréotypes qui ont la vie dure

Les stéréotypes de genre sont à la racine de la sous-représentation des femmes en sciences et en ingénierie. Dès le plus jeune âge, les petites filles sont en effet conditionnées à avoir moins confiance en elles et, surtout, à ne pas prendre de risques. À plus ou moindre degré en fonction du progressisme de la société, les filles doivent se conformer à un modèle (tout comme il existe un modèle de garçon), transmis de génération en génération. On leur impose celui d’une personnalité douce et orientée vers l’affect. Au moment de choisir une voie, ce conditionnement les pousse donc davantage vers des études littéraires et sociales, et les détourne des STEM – acronyme anglophone de science, technology, engineering, and mathematics. 

Encourager les filles à suivre des études STEM

Déjouer ces biais passe par des programmes éducatifs, qui montrent aux jeunes filles leurs vraies opportunités de carrière, et les aide à développer les compétences adéquates. Cela nécessite de leur faire prendre conscience de l’existence de ces biais, qu’elles ont par ailleurs souvent intériorisés. Surtout, en les sensibilisant à l’importance de l’IA dans les années à venir, et au risque que présentent des sociétés technologiquement biaisées, elles mesureront par elles-mêmes l’importance de prendre part à cette révolution. 

Pour éviter de donner naissance à des IA sexistes, dont les conséquences seraient incalculables, il faut donc que les jeunes femmes grossissent les rangs des filières STEM. Cela passe, bien sûr, par des mesures incitatives, tel que leur donner des exemples inspirants qui les encouragent à poursuivre ces carrières – Katie Bouman, Claudie Haigneré. Mais aussi, plus simplement, en les renseignant sur le parcours à suivre, en amont et au moment du bac. Des associations s’y attellent aujourd’hui, à travers des workshops et des campagnes de sensibilisation. Il faut aussi saluer le travail de soft power fait au travers des médias et de la pop culture – séries, films – pour améliorer l’image des femmes scientifiques. La marque Mattel a ainsi lancé des modèles de Barbie astronaute, et Lego des séries sur les femmes astronautes qui ont fait l’Histoire. 

Développer la confiance en soi : un savoir-être essentiel

Au-delà de ce savoir-faire, il y a un savoir-être à développer pour les filles, au niveau de la confiance en soi. Difficile, en effet, de s’affirmer dans l’IA, et le monde du travail en général, lorsqu’on a une confiance en soi moindre que ses collaborateurs. Apprendre aux filles à oser prendre des risques et faire des erreurs est un travail majeur, qui commence dès le plus jeune âge. Déjouer la tendance des filles à se sous-estimer, et donc par la suite à s’autolimiter, relève du rôle des parents, à la maison, et des professeurs, à l’école. 

Il existe aujourd’hui des cours de prise de parole et de leadership qui s’y attellent, ainsi que des ateliers pratiques, où les aspirantes techniciennes montent et programment des robots. Ce travail de création est par ailleurs bien utile, car il donne aux filles un sentiment d’accomplissement et leur montre ce dont elles sont capables ; donc développe leur confiance en elles.

S’il faut beaucoup de courage pour tracer sa voie dans la vie, il en faut encore davantage lorsque l’on est une femme. Les femmes subissent en effet des biais implicites, qui les entravent psychologiquement, et des lois qui les restreignent explicitement, dans de larges régions du monde. Abroger ces lois misogynes passe par des révolutions sociales, pour faire émerger des démocraties ; révolutions qui pourraient bien voir le jour grâce à l’usage des technologies. Mais, pour que cela soit, les femmes doivent y prendre part, et donc déjouer les biais qu’elles ont intériorisés au fil des générations.