Google Chrome : étape vers un poste sans Windows Tristan Nitot (Mozilla) :"Chrome est dirigé contre Internet Explorer et pas du tout contre Firefox"

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Tristan Nitot (Mozilla) © Benchmark group

Google a-t-il pris le Web par surprise ?

Non, cela fait longtemps que l'on sait bien que le navigateur est stratégique pour Google. Il faut se mettre à leur place : aujourd'hui leurs services web sont délivrés via un navigateur qui dans deux tiers des cas est Internet Explorer. Microsoft est en concurrence frontale avec Google et investit des milliards de dollars dans la publicité sur Internet et son moteur de recherche. C'est une situation inconfortable que celle de devoir s'appuyer sur le logiciel d'un concurrent pour pouvoir s'adresser à ses client, pire encore lorsque celui-ci n'est pas reconnu pour sa gentillesse.

Inévitablement, ce climat concurrentiel a donné envie à Google de faire son propre navigateur, d'autant qu'on peut constater qu'au niveau du développement, Internet Explorer a très longtemps stagné, et reste encore assez peu innovant pour les développeurs. IE 8 est certes un deuxième pas dans la bonne direction, mais la performance n'est pas encore à la hauteur de celle présentée par Firefox 3 ou Chrome. Et lorsque vous dépendez des performances des navigateurs pour délivrer vos services, ce doit être frustrant de ne pas avoir le contrôle sur cet aspect.

"C'est l'aspect moteur qui est essentiel pour Google"

Après des premiers tests, Chrome m'apparaît plutôt de bonne qualité, ce qui n'est pas très étonnant. Google dispose de bons développeurs et surtout, l'entreprise comprend bien le Web. Bien entendu, on remarque qu'il s'agit encore d'une version bêta dans la mesure où certaines fonctionnalités font encore défaut au navigateur, comme la gestion des RSS et les marque-pages. Pour l'instant, c'est donc plutôt une bonne surprise. C'est quoi qu'il en soit plus de concurrence, plus d'innovation et un utilisateur final qui en est le premier bénéficiaire.

Ne craignez-vous pas néanmoins de perdre du terrain au profit de Google ?

Je pense que Chrome est directement dirigé contre Internet Explorer et pas du tout Firefox, qui au niveau technique est très innovant, avec encore des améliorations sur la mémoire et le JavaScript, sans parler de l'ergonomie. En tant que développeur d'application, c'est l'aspect moteur qui est essentiel pour Google, et dans ce domaine Firefox constitue un allié de poids. De plus, Mozilla et Google ont récemment renouvelé leur contrat, pour trois ans. C'est un bon indicateur de la qualité de notre relation.

Chrome a-t-il des chances de bousculer Internet Explorer dans les entreprises ?

En termes d'adoption, elle est naturellement toujours plus fluide auprès des particuliers que des entreprises. Je pense aussi que ceux qui ont entendu parler de Firefox, sans l'installer, vont être intéressés par Google Chrome.

"Internet Explorer 6, toujours largement déployé dans les entreprises, paraît plus encore obsolète"

Si l'on regarde le marché actuellement, Opera, Chrome, Safari et Firefox ont en commun un meilleur respect des standards et apportent plus en faveur de l'innovation et de l'ergonomie. Internet Explorer 6, toujours largement déployé dans les entreprises, paraît plus encore obsolète, ce qui peut accentuer la pression pour upgrader à la fois les applications et le poste client.

Du côté de la fondation Mozilla, quelles sont les réflexions sur l'avenir du navigateur ?

Le concret et le prospectifs cohabitent. Vous avez ainsi du très concret avec l'amélioration du JavaScript par le biais de Trace Monkey qui intégrera Firefox 3.1 et qui permet déjà plus de rapidité que Internet Explorer 8 et même Chrome. Cela signifie que les applications complexes en Ajax, comme Gmail ou Google Maps, s'exécuteront bien mieux dans Chrome et Firefox 3, et peut-être aussi Safari grâce à SquirrelFish. IE 8 sera nettement à la traine. 

Mozilla travaille également à des développements novateurs comme le projet Ubiquity qui permet de commander le navigateur avec des commandes en langage naturel. Une première version est déjà disponible avec plusieurs milliers de commandes. Les labos Mozilla accueillent aussi ce que nous appelons une série des concepts ou les développeurs sont invités à présenter des concepts d'interfaces, comme Aurora.