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Interviews |
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Jérôme Jaunasse
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Directeur
général |
Business
Objects |
"Les
solutions décisionnelles sont présentes dans 10 à 15 % des entreprises" |
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Plébiscité comme un leader et un visionnaire sur
le marché de la business intelligence par de nombreux
analystes comme Gartner et IDC, Business
Objects se montre en même temps pragmatique, évitant
de tomber dans les sempiternels discours marketing. D'origine
française, l'éditeur fondé en 1990 par
Bernard Liautaud, son actuel dirigeant qui s'apprête à
sortir la traduction française de son ouvrage "e-Business
Intelligence", a depuis migré aux Etats-Unis. Aujourd'hui,
il déclare plus de 13 000 clients dans le monde,
un effectif de 2 000 employés dont le dixième
en France, ainsi qu'un chiffre d'affaires 2000 de 348 millions
de dollars. Jérôme Jaunasse, son directeur général
basé à Puteaux (92), explique comment les choix
stratégiques effectués par Business Objects peuvent
apporter des avantages non négligeables aux entreprises,
notamment dans la valorisation du capital client.
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Propos recueillis par François Morel le 17
mai 2001
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JDNet
Solutions : quel est votre positionnement sur le marché
des solutions décisionnelles ?
Jérôme Jaunasse :
Notre stratégie
s'oriente vers les applications analytiques, qui constituent
un sous-ensemble du décisionnel. Selon les domaines,
les acteurs du marché ne sont pas les mêmes. En
ce qui nous concerne, nous sommes positionnés sur trois
domaines principaux : l'intranet, l'extranet et les applications
analytiques. Du côté intranet, nous donnons la
possibilité à l'entreprise de partager l'intelligence
en interne. Et ce domaine regroupe à la fois des architectures
Internet et client/serveur. Ensuite, l'extranet donne aussi
la possibilité de partager l'intelligence, mais à
l'extérieur de l'entreprise, avec les clients, les partenaires...
Enfin, les applications analytiques entrent en ligne de compte
dès que l'on touche à l'analyse des données,
aussi bien dans un contexte interne qu'externe.
Une
différence fondamentale existe entre ces activités
?
Aujourd'hui,
les principaux domaines auxquels s'appliquent les technologies
décisionnelles sont la gestion de la relation client,
qui représente l'essentiel des investissements des entreprises,
l'optimisation de la chaîne logistique et parfois les
ressources humaines. Dans le domaine de la gestion de la relation
client par exemple, si l'utilisateur effectue des requêtes/réponses
pour sortir des lignes d'une base de données, cela rentre
dans notre activité intranet/extranet. Sur les applications
analytiques, nous nous attachons à l'ensemble des visions
de l'entreprise et non à un domaine particulier. Prenons
le chiffre d'affaires d'Axa, qui seul entre dans le domaine
des données. En matière d'applications analytiques,
il s'agira de savoir quels sont les clients qui ont généré
le plus de chiffre d'affaires.
Qu'évoque
pour vous le renouveau des plates-formes décisionnelles
?
Pour Business Objects, ce renouveau qui date de l'an dernier
se situe davantage sur un plan stratégique en terme de
positionnement. Notre marché historique est l'intranet,
d'abord en client/serveur, puis avec les technologies web et
plus récemment les accès mobiles. Et ceci représente
le premier axe du changement, qui permet à un nombre
de plus en plus important de personnes d'accéder aux
données. Ensuite, le deuxième axe est l'extranet,
et le troisième est représenté par les
applications analytiques.
S'agit-il
également d'un renouveau technologique, et va-t-il engager
un renouvellement des parcs installés dans les entreprises
?
Aujourd'hui, on peut considérer que les solutions décisionnelles
sont présentes dans 10 à 15 % des entreprises.
Certains clients comme Air France ont décidé de
redéployer Business Objects. Or, avant de parler de renouveau
ou de renouvellement, il convient de bien se focaliser sur le
déploiement en interne. Et dans ce cadre, il ne faut
pas oublier d'aborder concrètement les investissements.
Or, ces budgets sont assignés à des objectifs
de rentabilité. D'abord, une entreprise peut se contenter
de démocratiser l'accès à l'information
et de distribuer l'intelligence en interne. Et avant de se lancer
dans un renouvellement, un travail conséquent doit être
engagé, mais pas seulement sur le plan technologique.
D'abord, notre rôle est de développer des solutions
pour accompagner le client autour de l'achat des licences. Ces
solutions comprennent des services comme des formations adaptées
et une aide à la diffusion des informations. Il en va
de notre responsabilité, car notre objectif n'est pas
de générer du chiffre d'affaires pour du chiffre
d'affaires. La véritable question est de savoir comment
bien faire pour que nos solutions ne dorment pas sur des étagères,
et pour que si le client a été satisfait d'un
déploiement sur 2 000 postes, il en demande
3 000 de plus. C'est entre autres la raison pour laquelle
nous avons sorti récemment notre produit Auditor, qui
permet d'aider les utilisateurs de nos solutions dans la phase
de déploiement.
Lorsque
vous évoquez l'extranet comme l'une de vos trois grandes
activités, pourquoi le définir comme un ensemble
à part entière de la business intelligence ?
Concrètement, nous fournissons le même type d'applications
en intranet qu'en extranet. C'est à dire, pour l'essentiel,
notre produit WebIntelligence. Aux Etats-Unis, l'extranet est
un domaine qui fonctionne particulièrement bien, car
il permet à une entreprise de gérer ses affaires
avec ses clients. La grande différence tient dans les
services à valeur ajoutée, que l'on retrouve sur
l'extranet mais pas sur l'intranet. Parmi nos clients en France,
je peux citer les cas de la société Interleasing,
et du site Assurland qui regroupe de nombreux assureurs comme
la GMF et Axa. Les clients et les fournisseurs ont besoin d'une
information en permanence. Avec l'extranet, qui est un marché
dont la croissance est supérieure à 100 %,
nous commençons à aborder les applications analytiques.
L'entreprise déploie ses axes de fidélisation
auprès des clients, et revend à l'extérieur
l'information dont elle dispose en interne.
Par rapport à l'intranet, pour lequel le taux de renouvellement
tourne autour de 10-15 %, celui de l'extranet est de l'ordre
de un pour mille. Ensuite, les applications analytiques représentent
un axe de déploiement dont la croissance est de plus
en plus importante. Notre stratégie continue dans le
sens de l'intranet, s'oriente vers le développement de
l'extranet, et nous préparons l'avenir avec les applications
analytiques car nos clients le demandent.
Comment
déclinez-vous concrètement le fait que vous vous
déclarez comme un éditeur indépendant ?
Notre première volonté est d'être indépendant
vis-à-vis des fournisseurs. Et ceci engage un impact
fondamental auprès de nos clients. En matière
d'ETL (Extraction transfer loading), par exemple, certains de
nos clients ont choisi Ascential (ex-Informix/Ardent), et d'autres
ont opté pour Acta ou Informatica. Lorsque l'entreprise
a effectué un choix au préalable pour consolider
son entrepôt de données, nous nous devons d'être
indépendants sinon nous entrons dans une zone de conflits.
Car il n'est pas possible de remettre en cause de la sorte les
investissements existants. Sinon, cela implique une perte de
réactivité sur le développement de nouvelles
applications.
Alors si une entreprise choisit Oracle comme base de données
relationnelle, Informatica comme outil d'ETL et Business Objects
pour ses applications analytiques, chaque éditeur dispose
d'équipes formées pour apporter le meilleur dans
son domaine de prédilection. Derrière, évidemment,
chaque acteur est obligé de signer des partenariats technologiques.
Car nous avons le devoir de faire évoluer nos systèmes
de façon coordonnée. Mais pour nous, l'indépendance
est un choix d'entreprise. Et notre ambition est d'être
une couche transversale du système d'informations.
Qui
sont les partenaires avec qui vous avez signé des accords
d'intégration ?
En 2000, nous avons signé un partenariat CRM avec Siebel,
et plus récemment avec I2 Technologies dans le domaine
de la gestion de la chaîne logistique. Côté
ERP, nous nous interfaçons nativement avec SAP et Oracle
Applications. Tous ces accords restent conformes à notre
stratégie d'indépendance. Et il est important
de les signer tout en expliquant au client que la business intelligence
est une composante du système d'information.
Ensuite, sur la partie ETL qui se situe en amont de la chaîne
décisionnelle, nous avons notamment des accords avec
Informatica, Acta et Ascential. Dans le cas d'Informatica, leur
solution intègre des composants Business Objects. Mais
nous ne signons pas avec eux pour intégrer leur solution
à la nôtre. Aujourd'hui, nous observons un mouvement
des éditeurs d'ETL, en particulier les trois que nous
avons cité, vers les applications analytiques. De fait,
ceux-ci deviennent nos concurrents, mais à nous d'utiliser
au mieux les capacités de leurs outils pour faire mieux
qu'eux.
Allez-vous,
comme certains de vos concurrents, vous lancer sur le marché
des portails d'entreprises ?
Nous avons décidé de ne pas nous lancer sur ce
créneau, sauf en ce qui concerne les portails décisionnels,
par exemple à l'égard de sociétés
qui ont des difficultés à trouver des revendeurs.
En fait, nous avons tendance à aller là où
le marché nous guide, et nous évoluons en fonction
du regard que nous portons sur le monde dans lequel nous évoluons,
c'est-à-dire les systèmes d'informations. Nous
laissons les portails d'entreprise à d'autres, qui font
partie pour nous des applications transversales.
Quelle
place l'outil Set Analyzer tient-il dans votre offre d'applications
analytiques ?
Il permet de définir des ensembles, comme les bons ou
les mauvais clients, et de les suivre à l'aide de requêtes.
Dans ce cadre, nous ne dupliquons pas l'information et nous
apportons une vision naturelle de l'information. Il est également
possible d'interroger l'ensemble avec des outils statistiques
de data mining, mais la technologie n'est pas la même
que celle de l'analyse sur des cubes Olap. Il existe une complémentarité
entre la constitution de "set", ou de segments, et
l'habileté à partager. Dans Set Analyzer, le mot
important est "set".
Dans le domaine des applications analytiques, nous adoptons
une stratégie de type Build & Buy, afin
de donner à nos clients la possibilité de construire
leurs propres applications analytiques. Cette stratégie
a été lancée en décembre 2000, mais
Set Analyzer existait déjà auparavant. C'est pourquoi
nous avons déjà des clients en production, et
ceux-ci nous confirment que nous avons suivi la bonne évolution.
Ce qui est intéressant, lorsque nous apportons notre
solution à des directeurs marketing, est qu'ils ne nous
demandent pas le prix. Les informaticiens, eux, veulent tout
de suite connaître les coûts. Mais ce n'est pas
nous, en tant qu'éditeurs, qui allons définir
les paramètres de l'entreprise.
Voilà
pour la partie "Build". Et du côté "Buy"
?
A partir des technologies d'objets métiers Business Objects,
nous proposons une application CVM (Customer value management),
qui apporte des fonctions d'analyse dans le domaine de la valorisation
du client. Le principe est simple. Un client n'a pas commandé
depuis un mois, et le responsable du compte veut savoir pour
quelle raison. Car il existe des notions temporelles de changement
d'état à un autre. Et parfois aussi nous sommes
là, dans le domaine du "buy", pour fournir
un certain nombre d'indicateurs.
Parfois, en tant que directeur général, j'utilise
moi-même Business Objects pour construire des questions
du type "quels sont nos trois principaux partenaires sur
le trimestre ?". En 30 secondes, j'obtiens la
réponse. Rien que cela, en terme de renouveau, constitue
une évolution énorme. Et par rapport à
cette question, beaucoup en sont encore à l'âge
de pierre.
Quelle
part réelle la gestion de la relation client représente-t-elle
parmi les applications des technologies décisionnelles ?
Nous avons créé une application CVM car il s'agit
en effet d'un domaine porteur sur le marché. Pour cela,
nous avons effectué des interviews et des enquêtes
auprès des grands patrons européens. Dans le contexte
actuel de prudence des investissements, les directeurs informatiques
interrogés déclarent en majorité vouloir
préserver leurs investissements dans le domaine du commerce
électronique. Mais pour plus de la moitié d'entre
eux, les budgets sont confirmés dans la gestion de la
relation client.
Entre
client/serveur et web, quelle est aujourd'hui la répartition
des parcs installés ?
Depuis la mi-2000, le chiffre d'affaires de Business Objects
est supérieur sur WebIntelligence par rapport à
notre solution client/serveur. A présent, nous avons
véritablement basculé en environnement web. Et
nos clients qui sont équipés en client/serveur
ont la possibilité d'évoluer facilement vers le
web avec la même solution. Nous ne les incitons pas particulièrement
à basculer, car ils peuvent trouver des intérêts
au client/serveur. Lorsque le PC n'est plus relié au
réseau, par exemple, il est toujours possible de naviguer
de façon déconnectée. Ensuite, à
partir du moment où le choix s'est porté sur un
environnement web, l'utilisateur peut aussi bien travailler
en HTML figé que télécharger une applet
Java sur son poste, qui lui permet de bénéficier
du mode autonome. Mais d'ici quelque temps, il ne sera plus
possible de distinguer le client/serveur du web.
A
présent, quelles vont être les prochaines évolutions
de votre offre ?
Dans le domaine intranet, nous allons continuer à travailler
sur les aspects du déploiement, en vue de le faciliter
davantage et de multiplier les plates-formes sur lesquelles
Business Objects pourra être installé. Notre produit
Auditor est un exemple récent de cette tendance. Ensuite,
dans le domaine extranet, notre volonté est d'augmenter
le nombre d'utilisateurs simultanés. En externe, il sera
utile également de développer des fonctions adaptées
à l'intérieur de WebIntelligence. Enfin, sur les
applications analytiques, nous avons déjà avec
Set Analyzer des applications CVM chez le client. Et actuellement,
la priorité du marché concerne tout ce qui peut
toucher à la gestion de la relation client et aux ventes.
Mais je ne vous en dirai pas plus pour l'instant...
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Entré chez Business Objects en 1994 comme ingénieur
d'affaires, Jérôme Jaunasse, 39 ans,
en est devenu aujourd'hui le directeur général
des opérations en France. Entretemps, il a successivement
occupé les postes de directeur de l'Agence Régions,
puis directeur des ventes en 1997. Avant d'intégrer les
rangs de l'éditeur français, il était depuis
1989 ingénieur commercial chez Ingres, un éditeur
de bases de données relationnelles. Titulaire d'un diplôme
d'ingénieur en bio-industries obtenu à l'UTC de
Compiègne, il a démarré sa carrière
chez IBM en 1985 en tant qu'ingénieur commercial grands
comptes. |
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