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Interviews |
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Olivier Huart
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Directeur
Général |
Cegetel
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"Nous
ne pouvons rester à l'écart du mouvement de consolidations" |
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Jeudi, l'opérateur privé de télécommunications
fixes filiale du Groupe Cegetel, et issu de la fusion
en avril 2001 entre le "7" et Cegetel Entreprises,
a commencé à dévoiler sa stratégie
pour l'année 2002. Nous en avons profité
pour interroger son principal dirigeant sur les différents
axes de cette dernière, notamment dans le domaine
des réseaux d'entreprises et du lancement un peu
tardif d'une offre de serveurs dédiés. Un
retard comblé par le rachat d'Interliant France,
filiale de l'américain touché par la crise,
en fin d'année dernière. Olivier Huart,
directeur général, répond à
nos questions. Et en dévoile un peu plus sur les
intentions de Cegetel,
le deuxième géant français après
l'opérateur historique.
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Propos recueillis par
François Morel le 24
janvier 2002
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JDNet
Solutions: Cegetel était jusqu'à présent
quasi- absent du marché de l'hébergement.
Pourquoi ce revirement un peu soudain avec le lancement
d'une offre de serveurs dédiés ?
Olivier Huart:
Tout simplement, parce que
nos choix par le passé ont été de
sous-traiter la partie hébergement à la
société américaine Interliant. En
fonction de son évolution en 2001, celle-ci a décidé
de se replier complètement aux Etats-Unis et de
se retirer d'Europe. Ce prestataire présentait
une approche orientée sur l'hébergement
complexe. En reprenant sa filiale française, nous
avons décidé de ne pas nous lancer sur ce
créneau. Car nous préférons négocier
la partie complexe avec des hébergeurs dont c'est
le métier.
En septembre-octobre, nous avons donc lancé notre
offre d'hébergement mutualisé, et les quelques
clients que nous avions sur serveurs dédiés
chez Interliant nous ont servi à amorcer la pompe.
C'est pourquoi nous initions aujourd'hui une couverture
de toute la gamme de prestations, sauf l'hébergement
complexe.
En même temps, l'accès à Internet
en haut débit a pris forme l'an passé. Nous
en avons donc profité pour lancer notre offre d'accès
à haut débit, sachant que de plus en plus
de synergies se créent entre l'accès et
l'hébergement de sites. Et en ce début 2002,
nous concrétisons cette ensemble sur une gamme
complète qui s'étend des réseaux
d'entreprise à l'hébergement, en passant
par l'Internet à haut débit.
Pourquoi
ne prenez-vous pas aussi position sur l'hébergement
complexe, comme se propose de le faire France Télécom
par exemple ?
Ce n'est pas notre métier.
Nous gérons tout ce qui peut être mutualisé,
qu'il s'agisse de la gestion des noms de domaine, de la
sécurité, du routage ou de l'hébergement.
Notre première offre couvrait déjà
tout cet ensemble. A présent, celle que nous lançons
en janvier s'étend aux entreprises, et consiste
à tout leur proposer sous forme dédiée,
sauf la sécurité ou le routage selon leur
choix.
Mais nous n'allons pas gérer pour le compte des
entreprises leurs choix en matière d'applications.
Cette démarche n'est pas assez industrielle et
nous demande trop de compétences éparses.
Nous ne pensons pas trouver l'équation économique
qui permette de rendre ce service à notre client.
Nous laissons cela à des sociétés
comme Atos ou Fluxus, par exemple. Et quand un client
nous le demande, nous l'orientons vers tel ou tel acteur
avec lequel nous entretenons des relations de bon voisinage.
Vous
évoquiez les réseaux d'entreprise. Disposez-vous
d'une infrastructure de tuyaux qui vous appartienne ?
Nous nous appuyons sur le
réseau de Télécom Développement
qui est franco-français (filiale commune entre
le Groupe Cegetel et la SNCF, ndlr). Nous nous fournissons
auprès d'eux pour ce qui concerne les artères
de transmission, et nous gérons nous mêmes
des éléments comme le routage et la sécurité.
Nous disposons ainsi d'un réseau de plus de 200 points
de présence avec des liens de raccordement pour
nos clients. Ce réseau capillaire couvre toute
la France, mais il reste français. Pour la partie
internationale, nous travaillons avec Concert qui a été
repris par BT Ignite, et nous n'excluons pas à
l'avenir de travailler aussi avec d'autres partenaires
européens.
Notre objectif est de pouvoir servir aussi bien les clients
grands comptes que les PME, et de pouvoir les accompagner
à l'international. En attendant, nous n'avons pas
pour objectif de servir tout particulièrement les
grands comptes internationaux.
Pourquoi
adoptez-vous cette stratégie nationale ?
Celle-ci est très liée
à notre structure d'actionnariat qui nous impose
de rester concentrés sur la France. Aussi bien
British Telecom, que Vodaphone et SBC nous imposent de
rester sur un plan national. Ceci dit, le potentiel de
développement est très important en France
et les attentes des entreprises françaises sont
loin d'être assouvies. C'est pourquoi nous anticipons
une forte croissance en France qui est notre priorité
numéro un. Par ailleurs, les modèles internationaux
me laissent dubitatifs. Qu'il s'agisse de Equant, Concert
et Worldcom, je n'ai pas la démonstration claire
de très grands succès. En attendant, il
y a de la place pour des acteurs internationaux au niveau
mondial, et pour d'autres sur les marchés domestiques.
Retrouvez-vous
en face de vous des opérateurs comme Colt Telecom,
qui tentent de cumuler une compétence internationale
avec une composante nationale très forte ?
Nous les retrouvons un peu
en frontal sur la voix, mais beaucoup moins sur la "data".
En dehors de l'opérateur historique et de Transpac,
les grands acteurs de ce marché des réseaux
d'entreprise sont plutôt Siris (Deutsch Telekom,
ndlr) et un peu 9Telecom (Telecom Italia, ndlr).
Bien sûr, tous les opérateurs tentent de
monter en puissance au niveau de la data, aussi bien les
Completel, que les Colt et les Kaptech. Mais pour eux,
cela se situe essentiellement au travers de l'accès
à Internet, et encore peu au niveau des réseaux
d'entreprise.
Pourriez-vous
nous détailler un peu plus votre offre en la matière
?
Pour faire simple, notre offre
s'appuie sur des classes de services qui nous permettent
de définir des priorités selon les besoins
de l'entreprise. Notre exploitation du standard IP sur
MPLS nous permet d'identifier des typologies d'applications
auxquelles nous pouvons attribuer différentes priorités.
Car les entreprises ont des priorités différentes
suivant trois axes majeurs : l'intranet web et la
messagerie, le client/serveur et les applications de gestion,
et le multimédia temps réel avec la voix
et la visioconférence. Nous avons donc monté
notre offre sous forme de "packs" pour tout
ce qui a trait à l'intranet, aux applications sur
IP, et au multimédia. Cela nous permet de gérer
la sécurité entre les flux, et de garantir
la qualité de service de bout en bout.
Comment
appréhendez-vous l'évolution de ce marché ?
Le marché des réseaux
d'entreprise est en pleine mutation technologique, c'est
à dire une migration des anciens protocoles Frame
Relay vers IP avec une souplesse dans la gestion des différents
sites et dans la gestion simplifiée du réseau.
Cette révolution a commencé en 2001 avec
un certain nombre d'acteurs qui se positionnent. Les réseaux
d'entreprise basés sur le protocole IP sont vraiment
l'avenir, et nous estimons que ce marché va doubler
tous les ans sur les cinq années à venir.
C'est pour cela que nous avons la volonté de faire
partie du train des réseaux d'entreprise basés
sur le protocole IP, et de prendre une part de marché
très forte.
L'opérateur historique commence à se lancer
lui aussi, mais son parc de clients sur les anciens protocoles
est plus important, donc ce sera plus dur pour lui de
faire évoluer ses clients d'un réseau à
l'autre. Là dessus, nous sommes très agnostiques:
nous supportons les deux protocoles et nous plaçons
l'essentiel de notre énergie dans la migration
des entreprises. Aujourd'hui, dans quatre appels d'offres
sur cinq, les clients nous demandent cette nouvelle technologie.
Mais
si je ne me trompe pas, Frame Relay s'accorde avec les
deux couches en dessous de IP et ce dernier est donc indépendant.
Auquel cas pouvez-vous être plus précis sur
les enjeux de cette migration ?
Nous pouvons proposer IP sur
Frame Relay ou faire de l'IP natif (et sur MPLS, lire
notre questions/réponses sur les protocoles réseaux,
ndlr). Vu du client, c'est un aspect important dans la
gestion des flux de trafic réseau entre ses sites,
car il n'est pas obligé de configurer quoi que
ce soit à l'avance. Avec nos solutions tout équipées,
il suffit de connecter un site, et c'est davantage au
niveau du logiciel que les connexions se font. Avant,
il fallait indiquer au préalable vers quel site
se connecter. A présent, un client qui a plus d'une
centaine de sites et qui doit gérer des modifications
de destination puisque cela se gère avec souplesse
sans interférer sur la qualité de service.
Les avantages des services IP/MPLS tiennent donc dans
une construction plus souple du réseau, une gestion
avancée des différents flux d'informations,
et une sécurité presque totale. Sur ce dernier
points, nous pouvons proposer des réseaux privés
virtuels étanches d'une entreprise à l'autre,
et une entreprise peut aussi isoler ses communications
les unes des autres.
Dans ce domaine, nous nous appuyons sur une grande expertise.
Nous avons plus de 500 grands clients, qui représentent
plus de 16 500 sites clients. Nous savons gérer
des configurations complexes avec plusieurs centaines
de sites, et nous savons aussi gérer de façon
industrielle avec une bonne qualité de service
toute une gamme d'accès à notre réseau
: des liaisons louées, de l'accès commuté
et les offres Turbo DSL de l'opérateur historique.
Nous pouvons exploiter de la fibre optique dans les principales
villes, et nous pourrons aussi proposer de la boucle locale
radio dès que celle-ci sera disponible, et que
nous nous serons assuré qu'il s'agit d'une solution
industrielle et économique.
Sur
quels points êtes-vous les plus compétitifs :
les tarifs ? la qualité de service ?
Bien sûr, nous sommes
compétitifs en terme de prix. Mais ce sur quoi
nous essayons le plus de nous battre est la qualité
de service, les engagements de qualité de type
SLA et aussi le service client. Gérer des réseaux
d'entreprises, cela signifie gérer des réseaux
pour des applications critiques. Par conséquent,
il faut impérativement garantir la qualité
de service, un niveau de sécurité adéquat
et un engagement de réponse en 24/7 en cas de panne.
Et là, nous nous engageons sur des garanties de
temps de rétablissement de 4h. En clair, nous nous
engageons à réparer tout problème
en moins de quatre heures, et nous subissons des
pénalités si nous ne respectons pas ce délai.
Pour résumer, nous apportons une économie,
mais surtout de la qualité de service et un bon
niveau de service client.
Quatre
heures, cela paraît beaucoup par rapport à
une heure dans l'hébergement... ?
Là il ne s'agit pas
d'hébergement mais de réseaux d'entreprises.
En terme d'hébergement, je comprend que ce soit
seulement une heure. Cela ne concerne pas du tout le même
type de services. Dans les réseaux d'entreprises,
nous gérons un transport des données, et
dans l'hébergement, tout est pris en charge dans
un lieu bien précis. Ce qui compte est de rétablir
le service en panne et d'intervenir très vite.
Sur un réseau physique, il ne faut pas oublier
que le problème peut intervenir en pleine campagne.
Je n'ai jamais entendu parler d'une GTR de 1h dans les
réseaux d'entreprises.
Et
au sujet de votre offre de serveurs dédiés,
quels sont vos tarifs et quelles sont ses principales
caractéristiques ?
En ce qui concerne nos tarifs sur l'hébergement,
nous commençons à proposer un mono-serveur
dédié avec un firewall mutualisé
pour 850 Euros par mois, ce qui convient tout à
fait pour un site Internet. Nous avons aussi une deuxième
offre plus évoluée qui peut être multi-serveurs
avec un pare-feu dédié, et nous ne mutualisons
que les parties liées au routage et à la
supervision. Celle-ci commence à partir de 1 530 Euros
par mois et est typiquement choisie par les entreprises
pour gérer des extranets. Le client peut organiser
comme il le souhaite son applicatif, sinon nous le faisons
pour lui.
Avec cela, nous couvrons l'essentiel des besoins des TPE,
des PME et une partie des grandes entreprises, soit respectivement
des structures entre 1 et 50 personnes, entre 50 et 500
personnes, et entre 500 et 5 000 personnes.
Le
marché des services sur IP est en train de se consolider.
Allez-vous procéder de votre côté
à une ou plusieurs acquisitions, après Interliant
France que vous avez déjà repris ?
Oui. Nous y réfléchissons
en ce moment. Nous ne pouvons rester à l'écart
de ce mouvement qui a déjà commencé.
Et nous regardons toutes les options possibles comme par
exemple 9 Télécom. Mais nous n'avons
pris aucune décision pour le moment. Certains domaines
nous intéressent, d'autres non. Les détails,
je préfère ne pas en parler actuellement.
Chacun finalise à sa façon.
Etes-vous
en train de développer des synergies avec SFR et
la téléphonie mobile ?
Pour l'instant non, mais nous
y songeons sérieusement. Ceci dit, il n'y a pas
encore d'offres annoncées. Nous réfléchissons
à des offres d'accès multiples aux réseaux
d'entreprises. SFR propose de son côté une
offre GPRS pour les réseaux d'entreprises. Nous,
nous sommes positionnés sur l'accès fixe.
Nous sommes donc en train d'y travailler, mais il n'existe
pas encore d'offres annoncées qui regroupent les
accès fixes et mobiles.
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Olivier Huart, 37 ans, est le directeur
général de Cegetel, la société
qui regroupe toutes les activités de télécommunications
fixes du Groupe Cegetel (Vivendi). Directeur de la règlementation
et des relations extérieures du groupe en 1996,
il est ensuite nommé directeur général
du 7 puis de Cegetel Entreprises (en 2000). Titulaire
de deux diplômes d'ingénieur (Polytechnique
et Telecom Paris) et d'un MBA de l'INSEAD, il a démarré
sa carrière chez France Télécom à
des postes de responsabilité au sein du marketing
et du développement des affaires. En 1995, il a
rejoint SFR, en charge de l'organisation de la politique
réglementaire et des relations avec les instances
publiques dans le cadre de la dérégulation.
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