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Solutions: Quel est aujourd'hui le positionnement précis
de PTC ?
Marc Vincent: En tant
qu'éditeur de logiciels, PTC se dédie
exclusivement au développement produits au travers
de trois domaines : Create, Collaborate et Control.
Sur la première partie, PTC est à l'origine
un éditeur de la CAO (conception assistée
par ordinateur), avec sa gamme Pro/Engineer. Partant
de là, nous avons étendu notre offre avec
un environnement de collaboration. Celui-ci implique
plusieurs acteurs internes à l'entreprise, mais
aussi à l'extérieur des bureaux d'études
et toutes sortes d'autres partenaires.
Les sociétés aujourd'hui ne vivent pas
de façon autarcique. Il faut savoir que sur des
marchés comme l'aéronautique et l'automobile,
80 % des composants qui servent à élaborer
le produit fini sont développés en externe.
Par ailleurs, les acteurs du développement produit
ne sont pas les seuls dans la boucle. Pour gérer
un cycle de vie complet des produits, il faut aussi
intégrer des acteurs du marketing, des ventes,
de l'industrialisation et de la production, ainsi que
de la maintenance.
Enfin, avant de pouvoir lancer les produits sur le marché,
il faut pouvoir contrôler le contenu et le processus.
Ici, nos outils ont pour but de structurer les informations
et le processus de développement produits.
Quelle
différence faites-vous entre un système
de conception assistée par ordinateur, et un
système de gestion du cycle de vie des produits
? Est-ce une question de collaboration ?
Le
logiciel de CAO est l'outil dédié à
la conception des géométries et des assemblages.
A côté, le logiciel de PLM va permettre
à l'utilisateur de la CAO d'aller rechercher
des composants dans des catalogues, et va proposer au
client un configurateur. Celui-ci pourra, par exemple,
commander des meubles qui seront adaptés à
la taille de sa cuisine. Le progiciel va donc prendre
ces données émises par le client final,
les remonter au bureau d'études, adapter la géométrie
du produit, et transférer toutes ces informations
à la production.
En même temps, le système de gestion du
cycle de vie des produits comprend un outil de collaboration
pour faire communiquer le marketing, la production,
l'industrialisation, la maintenance et le SAV, la logistique,
etc. L'objectif est que tous les acteurs ayant une influence
sur le processus, ou qui sont impactés par le
cahier des charges, puissent collaborer ensemble en
bénéficiant du même niveau d'informations
en temps réel.
De plus en plus d'éditeurs
d'horizons différents, en particulier ceux de
la gestion de la chaîne logistique comme I2, s'intéressent
au PLM. Comment expliquez-vous cet engouement ?
PTC a lancé une campagne "Product
First" en partant d'un constat évident.
Après l'éclatement de la bulle "dotcom",
tous les économistes se sont rendus compte que
l'avantage concurrentiel d'une entreprise est intimement
lié à la compétitivité de
ses produits et des services qu'elle prodigue à
ses clients. Que ce soit dans le domaine de l'aéronautique,
du meuble ou de l'électronique, ce constat simple
et pragmatique reflète la réalité.
C'est pourquoi les éditeurs de logiciels, les
cabinets de conseil, les intégrateurs et les
producteurs de contenus sont tous convaincus que le
marché du PLM va connaître une forte croissance
dans l'avenir.
Plus concrètement,
pourquoi ? Et quelles catégories d'acteurs sont,
selon vous, les mieux armées pour affronter la
demande du marché en matière de PLM ?
PTC est le seul éditeur sur le
marché à être positionné
uniquement sur la gestion du cycle de vie des produits.
Nous avons 33 000 clients qui sont autant
des grandes entreprises que des sociétés
de taille moyenne et des PMEs. Nous leur fournissons
des outils dans les domaines de la CAO mécanique
et du PLM. Tous font partie d'une chaîne de valeur
liée au développement produit, et tous
ressentent le besoin de créer et de collaborer
de façon contrôlée.
Pour répondre à votre question sur les
acteurs les mieux positionnés, je dirais d'abord
que ce sont ceux qui viennent de l'environnement de
la CAO, dont PTC, mais aussi EDS après son rachat
de Unigraphics, et SDRC. Ensuite, nous retrouvons Dassault
Systèmes et d'autres recouvrant uniquement la
gestion du cycle de vie des produits. Parmi ceux-ci,
citons Agile et MatrixOne qui se distingue par son approche
PDM (product data management), ou gestion des données
produits. Après, nous retrouvons encore d'autres
acteurs.
D'une manière générale, vous pouvez
dessiner quatre cercles sur une feuille de papier :
en haut le CRM (gestion de la relation client), en bas
le SCM (gestion de la chaîne logistique), à
droite les ERP (progiciels de gestion intégrés)
comme SAP, et à gauche la gestion du cycle de
vie des produits. Cette approche est un peu conceptuelle,
mais c'est une image de la réalité car
elle rend compte des quatre grands systèmes d'informations
de l'entreprise.
Certes, mais les progiciels
PLM proposés par des éditeurs aux positionnements
historiques différents répondent-ils de
la même façon aux mêmes besoins ?
Vous citiez I2 qui, par exemple, n'aborde
pas complètement le marché du PLM mais
doit s'intégrer au développement produit.
Leurs solutions sont davantage tournées vers
la logistique que vers une forte valeur sur du contenu.
Aujourd'hui, tous ces systèmes d'informations
doivent pouvoir communiquer, d'où l'importance
de l'interopérabilité.
Dans ce domaine, PTC a des accords avec des partenaires
de poids sur le marché, comme Siebel dans le
domaine du CRM, mais aussi EDS qui est un concurrent.
Nous avons procédé à un échange
de connecteurs API (Application programming interface)
car le maître mot d'un environnement de CAO est
l'hétérogénéité.
Et il faut donc permettre à l'entreprise de coordonner
les différents systèmes, les siens et
ceux de ses partenaires. De ce point de vue, nous avons
notamment signé un accord avec Tibco autour de
leur plate-forme EAI (Enterprise application integration)
qui nous permet de nous connecter à d'autres
systèmes d'informations.
Entre le PLM et les trois
autres piliers applicatifs que vous avez cités,
existe-t-il des noeuds d'intégration absolument
critiques et incontournables ?
Prenons par exemple le CRM. Imaginez
une société qui commercialise des équipements
servant à la production. Son client a besoin
des informations de maintenance et d'évolution
de la machine qu'il a achetée. Pour cela, il
appelle le revendeur dont le centre d'appels est géré
par Siebel. Si ce dernier est interfacé avec
notre produit WindChill, l'agent du centre va tout de
suite savoir qui est son client et faire basculer la
requête dans WindChill. Il pourra ainsi disposer
d'une vision concrète de la problématique
avec le prototype à l'écran. De plus,
il pourra le partager électroniquement avec son
client en ligne afin d'échanger des informations
pour mieux comprendre le sens de la question posée.
De quel type d'intégration
s'agit-il ?
Dans ce cas, ce sont des informations
comme des données géométriques
ou des graphiques. Il est important que le système
puisse fédérer des informations et les
mettre en forme de façon exploitable. Pour accéder
à ces informations, les utilisateurs dans les
entreprises vont utiliser différents systèmes.
Les personnes du bureau d'études vont principalement
se servir des outils de conception assistée par
ordinateur et de gestion des données produits.
Et Celles qui sont en charge de la gestion de la relation
client y accèderont à travers Siebel,
dans l'écran duquel une fenêtre va s'ouvrir
avec les données transmises par WindChill.
En parallèle, un autre noeud critique de l'intégration
se situe entre le système de PLM et l'ERP. Les
personnes dans les bureaux d'études vont devoir
transférer des informations à leur progiciel
de gestion intégré, comme par exemple
tout ce qui concerne la structure du produit. Du côté
de l'industriel, le produit aura une nomenclature telle
qu'il faudra transférer cette information du
module de gestion de production au sein du système
de PLM, dans l'ERP. Concernant l'intégration
entre la gestion de la chaîne logistique et la
gestion du cycle de vie des produits, enfin, il sera
important de pouvoir suivre la disponibilité
en stock de certaines pièces.
Vous avez évoqué
un exemple d'intégration avec Siebel. Cela fonctionne-t-il
de la même manière lorsque vous devez vous
interfacer avec des progiciels concurrents en environnement
hétérogène ?
C'est l'un des atouts de PTC que d'être
capable de gérer des données hétérogènes
au niveau de la CAO. Notre client peut visualiser dans
notre interface des modèles qui ont été
conçus avec les progiciels de Dassault Systèmes,
Unigraphics, etc. Nous donnons accès à
tous ces environnements à travers un navigateur
intégré, comme si ce dernier était
l'extension logique du poste de travail. Le client WindChill
est directement intégré à Pro/Engineer.
Mais si vous utilisez Catia de Dassault, nous fournissons
des interfaces qui permettent justement d'intégrer
les modèles de pièces et d'assemblages,
et les méta-données référencées
dans WindChill.
Ensuite, pour la relation entre la CAO et le PLM, nous
avons besoin d'une application PDM (product data management)
qui va prendre en charge la gestion des demandes de
modification, que l'on appelle les ECR (Engineering
change requests). Une fois approuvées, les ECR
deviennent des ECO (Engineering change orders). Dans
le PDM, nous retrouvons aussi la gestion de la configuration
avec des options variantes. Ceci est du PDM pur. Et
en aval du cycle de vie se trouveront toutes les applications
de maintenance, avec le SAV qui est une des composantes
du PLM.
...et aussi la gestion du
retour des produits en fin de vie, si je ne me trompe.
Comment gérez-vous ces aspects ?
Après, nous retrouvons en effet
le démantèlement. Et là, nous pouvons
utiliser de la même façon l'outil PLM pour
pouvoir définir les processus de démantèlement
et de stockage de toutes les données liées
à la fin de vie du produit et à sa traçabilité.
Parmi nos clients français, Air France Industries
utilise WindChill pour ses applications de maintenance.
Quand un avion rentre pour ce qu'ils appellent les "grandes
visites", il est complètement démonté
pour examen des composants avant d'être remonté.
Dans ce cadre, toutes les étapes sont gérées
et documentées dans WindChill.
Avec vos outils axés
"Collaborate", vous êtes un acteur situé
en amont de la gestion des relations fournisseurs (SRM).
De quelle
continuité l'entreprise a-t-elle besoin avec
la partie en aval de ce processus ?
Il doit forcément y avoir un lien
entre les deux, et nous nous devons de nous connecter
avec les systèmes de gestion de la chaîne
logistique. A côté, nous proposons aussi
des outils comme PartsLink qui permet aux sociétés
d'exploiter un catalogue dans lequel vont cohabiter
des composants standards et d'autres "semi-customisables"
(semi-paramétrables). Parmi nos références
autour de cet outil figure SKF qui fabrique des roulements.
Quand l'entreprise cliente de fournisseurs a trouvé
un composant dont elle a besoin, elle peut en télécharger
le modèle géométrique issu de la
CAO, et avec lui toutes les méta-données
qui caractérisent ce composant. Là encore,
il est important d'avoir un lien pour voir si le produit
est référencé aux achats d'une
part, et s'il est référencé aussi
dans le système de gestion de la chaîne
logistique.
Vous avez récemment
signé un partenariat avec Groove. Comment leurs
technologies de collaboration peer-to-peer se combinent-elles
avec vos produits ?
Cet accord permet aux utilisateurs de
notre logiciel Pro/Engineer de pouvoir travailler simultanément
et en temps réel à travers le web sur
un modèle CAO, que ce soit d'une pièce
ou d'un assemblage. Le peer-to-peer apporte un niveau
de performance qui est sans équivalent. Et quand
je dis performance, cela s'applique à la manipulation
de ces modèles géométriques.
A présent, quelles
orientations produits allez-vous poursuivre dans le
développement de votre offre ?
Aujourd'hui, nous proposons d'ores et
déjà la suite applicative la plus complète
du marché. Au premier niveau, nous travaillons
sur des solutions prépackagées comme PDMLink
qui est un ensemble compact dérivé de
WindChill à l'attention des industries manufacturières.
Nous y avons inclus par défaut des options de
demande de modification et de gestion de configuration
qui sont adaptées aux spécificités
du marché. Pour la gestion des demandes de modification,
par exemple, ce sont trois processus différents
qui sont pris en charge.
L'ensemble est combiné avec une offre de services
qui va nous permettre d'implémenter ce type de
solutions en cinq semaines, ce qui est extrêmement
rapide. Cela va nous permettre de répondre à
des besoins précis de la part de grandes entreprises,
mais aussi de nous adresser à des sociétés
plus petites. Et ce, tout en offrant un retour sur investissement
(ROI) et un coût total de possession (TCO) très
compétitifs. Maintenant, il faut bien comprendre
que ce type de solutions ne va pas combler de façon
globale les besoins d'une société comme
Airbus, mais répondre à des demandes spécifiques
ou à des attentes de PMEs.
En parallèle, nous travaillons aussi sur les
aspects qui ont trait à la conduite du changement,
avec de grands cabinets de conseil. Nos partenaires
ont ici pour noms Accenture, Cap Gemini Ernst & Young,
CSC, PricewaterhouseCoopers, Deloitte et Andersen. Pour
nous, c'est une orientation très importante car
nous sommes un éditeur indépendant. Et
travailler de concert avec des sociétés
de conseil nous permet d'apporter un meilleur service
à nos clients.
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