Les
outils de TCAO (Travail Collaboratif Assisté
par Ordinateur) ont-ils révolutionné le
travail des grand comptes ?
Stephen Brown.
Quand je place mon regard au plus haut niveau de décision
de ces entreprises, je constate que ces outils ne constituent
pas une bonne approche. Lorsqu'il s'agit de se mettre
d'accord sur les orientations générales
d'un produit futur, par exemple, la meilleure solution
est de réunir les hommes dans une salle et de
les laisser débattre. L'erreur à ne pas
faire, c'est de laisser un groupe de décideurs
définir les grands axes par échange écrit :
ils mettront dans ce cas énormément de
temps à s'accorder. L'écrit favorise les
épanchements narcissiques, surtout dans les cultures
latines - comme ici en France. D'ailleurs, rappelez-vous
que les outils de TCAO viennent de l'université,
qui est un monde très différent de l'entreprise.
Dans la recherche universitaire, on a énormément
de temps pour parvenir à un résultat :
l'objectif, c'est la vérité scientifique.
Ce
n'est pas le cas en entreprise ?
Non : en entreprise,
la bonne pratique est différente. Il faut prendre
des risques, trancher sur des hypothèses incertaines.
Rien ne remplacera jamais la réunion, qui est
souvent agitée, et qui permet par conséquent
à une tendance de l'emporter. Et ne me parlez
pas de visio-conférence : je ne compte plus
les salles de visio dans lesquelles la poussière
s'accumule.
Et
si l'on quitte la sphère des décideurs ?
Une
fois les orientations stratégiques arrêtées,
le TCAO peut se révéler très utile.
Ces outils ont une grande vertu : ils permettent
d'accélérer les projets. Mais on n'incorpore
jamais le TCAO dans les grandes décisions organisationnelles :
elle vient toujours au dernier stade, pour fignoler
l'efficacité des processus. Dans ce but là,
les workflow peuvent être d'un grand secours.
Mais attention, dans un grand nombre de cas le TCAO
peut aussi faire perdre du temps. Il faut savoir n'en
retenir que le meilleur.
Quels
sont les avantages des bons outils de TCAO ?
Accélérer
et rationaliser la collaboration entre les employés.
Accélérer car les outils de TCAO sont
capables de raccourcir les cycles de validation et de
prise de décisions. Et rationaliser car il est
beaucoup plus difficile - voir impossible -
de se soustraire aux étapes imposées par
un logiciel lorsqu'il est programmé pour gérer
un projet. Toutes les actions d'un contributeur sont
tracées, et on peut donc vérifier qu'il
est intervenu au bon moment en épluchant les
logs. De même, il est possible de l'empêcher
d'intervenir sur un autre projet s'il n'a pas livré
sa contribution en temps et en heure.
A
ce sujet : les outils de TCAO ne sont-ils pas justement
trop contraignants ?
Assurément, et c'est le pendant
de la rationalisation. Prenons un exemple : l'une
des raisons pour lesquelles les consultants de KPMG
acceptent de travailler plus de dix heures par jour,
c'est parce qu'ils peuvent voyager. C'est un avantage
en nature qu'ils apprécient beaucoup. Ils n'ont
donc aucun intérêt à se servir d'outils
qui permettent de travailler à distance. Deuxième
exemple : tous les consultants de KPMG sont des
"machiavelliens". Lorsqu'ils se déplacent
à l'étranger, ils ont un planning officiel,
mais aussi souvent aussi un planning secret. Si leurs
moindres faits et gestes sont organisés par une
machine, ils ne peuvent plus se rendre à leurs
entretiens officieux. Les outils d'agenda partagé
ont donc un côté policier : on ne
peut leur faire faire que ce pour quoi ils sont conçus,
et ils gênent par conséquent les agendas
cachés.
Conseillez-vous
souvent des outils de TCAO ?
Quasiment
jamais. Je fais en sorte de m'appuyer sur l'existant :
si une entreprise utilise couramment des outils de workflow -
comme Yves Rocher par exemple qui est équipée
en Notes -, je peux m'appuyer sur ses outils de
TCAO pour améliorer l'organisation de l'entreprise.
On peut bricoler pas mal de choses intéressantes
avec les logiciels que l'on retrouve dans la plupart
des grands comptes - Notes ou un Outlook. Par contre,
si mon client est en retard sur le plan technologique -
comme c'est le cas pour La Poste -, je dois m'adapter
à ses pratiques et raisonner sur la base de la
communication par papier.
Pour
quelle raison ?
Pour une raison simple :
mon métier est de conseiller des changements
organisationnels. Si en plus de bouleverser les façons
de travailler des employés je leur impose un
nouvel outil informatique, je dois m'attendre à
une forte réaction de rejet.
Deuxième
partie: Examen
des différents types de solutions
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