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Solutions : Où les brevets logiciels sont-ils
aujourd'hui en vigueur ?
Cyril Rojinsky:
Pour le moment, le système des brevets sur les
logiciels est en vigueur aux Etats-Unis et au Japon.
Dans le reste du monde, notamment en Europe, les logiciels
sont protégés sur la base du droit d'auteur.
En France, la loi reconnaît que le logiciel peut être
une uvre de l'esprit protégée par les droits d'auteur
depuis 1985. Une directive européenne instaurant un
régime de droit d'auteur spécifique aux logiciels est
apparue en 1991, la France l'ayant transposée
dans son droit national en 1994. C'est un système
qui fonctionne à mon sens harmonieusement.
Pourtant,
le rôle de l'Office Européen des Brevets
(OEB) est actuellement contesté !
Effectivement, l'OEB a tendance - notamment
à l'occasion d'une affaire avec IBM en février 2001
- à octroyer des brevets européens pour
des programmes informatiques, pratique qui se rapproche
fortement de ce qui se fait aux Etats-Unis mais qui
s'éloigne de l'esprit et de la lettre de la convention
de Munich de 1973.
Cette convention stipule dans un de ses articles que
les logiciels ne sont pas brevetables "en tant que tels".
C'est dans cette expression que tout le débat
réside... car il est facile de raisonner a contrario
- comme les juristes aiment à le faire - et de
dire : les logiciels sont donc brevetables s'ils ne
sont pas "en tant que tels"... Une machine-outil
qui contient un logiciel embarqué peut ainsi, depuis
longtemps, être une invention brevetable. La limite
est ténue... les interprétations multiples.
"Seules
les plus grosses entreprises pourront se permettre
de dépenser les sommes nécessaires à la protection
de leurs inventions"
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Mais ce n'est pas parce qu'un
brevet est accordé par l'OEB qu'il passera systématiquement
le cap d'un contentieux en justice, où sa validité pourra
toujours être contestée. Certains se sont même amusés
à breveter des méthodes pour calculer les 35 heures
par exemple, et il est peu probable que les juridictions
les reconnaissent.
Quelles
sont les différences fondamentales entre droit
d'auteur et brevet ?
Le droit d'auteur protège une
forme originale. Une structure de logiciel par exemple
dont la forme et l'expression manifestent un effort
personnalisé de son auteur. Les algorithmes, les fonctionnalités,
les idées et concepts ne rentrent pas dans le cadre
des droits d'auteurs.
Le brevet, quant à lui, s'attache au procédé
technique, industriel, déployé pour arriver
à un résultat donné. Le brevet
ne protège pas le résultat, mais le moyen
pour y parvenir. Dans un logiciel, la fonction "copier/coller"
ne serait pas protégée en tant que résultat ; la protection
s'appliquerait seulement au procédé logiciel pour y
parvenir. Autre question, celle de la frontière entre
un procédé et un algorithme, une idée... La limite est
là aussi très difficile à tracer.
Le brevet a été conçu pour le monde
matériel, industriel, où la dissociation
entre le procédé et le résultat
est très facile à faire et où - pour
arriver à produire de l'électricité
par exemple - les procédés peuvent être
multiples. Le risque qui menace le monde informatique
et logiciel, dans sa dimension immatérielle, est que
pour arriver à un résultat donné, il n'y ait finalement
plus qu'une seule façon, celle qui aura été brevetée
en premier. Le brevet est en ce sens moins adapté à
l'immatériel qu'au monde industriel.
Quelles
conséquences l'adoption de la brevetabilité
des logiciels au
plan européen fait-elle
peser sur les entreprises ?
Des impacts financiers, car le coût de
la protection est élevé. Le droit d'auteur repose sur
le seul fait de la création, il n'y pas de formalité
; alors que pour les brevets, la formalité est constitutive
du droit lui-même. Seules les plus grosses entreprises
pourront se permettre de dépenser les sommes nécessaires
à la protection de leur inventions.
"Les
candidats à l'élection présidentielle française
se sont clairement exprimés contre le brevet logiciel..."
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Et
quels risques cela entraînerait-il pour l'industrie
du logiciel libre ?
Le schéma du libre s'appuie tout entier sur le droit
d'auteur, c'est grâce à ce droit que l'auteur peut imposer
dans ses licences un certain nombre d'obligations aux
personnes qui veulent utiliser son logiciel. Le monde
du libre a donc le sentiment d'être en danger si le
champ du droit d'auteur se trouve réduit.
Et plus il y aura de brevets, plus les éditeurs devront
vérifier qu'ils ne violent pas l'un d'entre eux lors
de la création d'un logiciel. La question sera alors
de savoir ce qu'il faut publier. Faudra-t-il par exemple
déposer tous les codes sources afin de permettre à chacun
de vérifier la nature de l'invention.
Quel est votre pronostic
?
Je ne me hasarderai pas à en faire. Je note simplement
que, l'année dernière, les candidats à l'élection présidentielle
française se sont clairement exprimés contre le brevet
logiciel. Sous la responsabilité de Michel Rocard, un
rapport de la commission des affaires culturelles du
Parlement Européen s'est également prononcé contre la
proposition de directive du 20 février 2002 qui introduirait
le brevet logiciel en droit communautaire. Mais l'assemblée
de Strasbourg n'a pas réussi pour le moment à se mettre
d'accord sur ce point.
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