INTERVIEW 
 
Président
Free Software Foundation
Richard Stallman
Je continuerai de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter le monopole juridique de Microsoft
Venu en France pour participer au jury des Trophées du Libre, à Soissons, Richard Stallman garde dans ses propos toute la véhémence qui a fait de lui le pourfendeur mondialement connu des brevets logiciels et des situations de monopole (entre autres...). Le fondateur de la FSF s'exprime ici sur le dossier des brevets européens et sur l'affaire SCO/IBM, sans manquer d'égratigner son ennemi juré : Microsoft.
27 mai 2003
 
          
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JDNet Solutions : que pensez-vous du projet de directive européenne sur les brevets logiciels ?
Richard Stallman. Les brevets logiciels sont un danger pour tout développeur de logiciel, qu'il soit libre ou pas. Ils servent les intérêts de ceux qui en détiennent beaucoup, donc des grandes entreprises. Une petite société ne peut, avec un brevet logiciel, lutter efficacement contre une structure plus importante qui dispose d'un arsenal de licences croisées et de gros moyens financiers.

Les brevets convenaient peut-être il y a un siècle à d'autres champs de la fabrication, quand un brevet était attaché à un seul produit. Mais les programmes sont aujourd'hui très complexes, ils utilisent beaucoup d'idées. Si chacune d'elles peut être brevetée, programmer ressemblera bientôt à la traversée d'un champ de mines, la probabilité de marcher sur un brevet sera grande ! Les PME ne veulent pas des brevets logiciels mais n'osent pas le dire car elles craignent les menaces des grands groupes avec lesquels elles traitent commercialement.

Est-ce la mort du logiciel libre ?
Ce qui fait la réussite du logiciel libre, c'est que nous n'avons pas d'argent à dépenser. Les développeurs du libre sont par définition des structures de très petite taille, sans beaucoup d'argent. Les conditions types des licences exigent par ailleurs un paiement à la copie. Même si je ne devais payer qu'un millionième d'euro par copie, je ne pourrais pas car je ne serais pas capable de compter ces copies !

Il est question de changer le texte de la directive car il y a manifestement triche ! Pour être brevetable, selon le projet de la directive, une invention doit revêtir une qualité technique, mais cela ne veut rien dire ! L'Office Européen des Brevets veut autoriser des brevets dont la valeur est sujette au doute. N
ous ne voulons pas bloquer la directive mais la remplacer par un texte plus clair !

Quelles actions menez-vous pour modifier ce projet de directive ?
J'ai participé à des conférences censées convaincre les membres du Parlement européen. Et je continuerai de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter le monopole juridique de Microsoft. Car si cette entreprise utilise une idée qu'elle a brevetée dans un format de fichier, dans un protocole de communication ou dans un langage, elle peut facilement en faire un standard. Et plus personne ne pourra utiliser le format, faire tourner le langage ou communiquer avec le protocole en question sans payer ! Avant que la durée de vie du brevet n'expire, c'est-à-dire 20 ans, un autre brevet aura pris la relève, qui forcera tout le monde à changer de protocole ou de standard !

Certains amendements veulent empêcher que des brevets ne gênent l'interopérabilité entre les systèmes. C'est très ambigu. Cela veut dire que je ne peux développer que des traducteurs, des connecteurs. Encore faut-il que les données et la façon de les représenter ne soient pas brevetées ! Et pour les langages, cela signifie que je dois développer un système de telle sorte que les programmes écrits dans ces langages fonctionnent sur ce système. Cela me fait penser à un blindage sur les mains et les pieds, mais pas sur le corps !

L'affaire SCO contre IBM est-elle le début de la guerre des brevets ?
Cette affaire relève en fait des détails des activités communes entre SCO et IBM. Et si SCO venait à gagner, le système GNU-Linux ne serait pas concerné car il existait avant ce projet ! Mais au delà, SCO menace aussi les utilisateurs qui ont du code copié d'Unix dans Linux. SCO profite en fait de la confusion qui existe entre GNU-Linux et Linux. Quand SCO parle de Linux, on ne sait pas de quel composant il s'agit. Il ne faut pas confondre le système entier avec le noyau, cela peut mener à des conclusions erronées. SCO profite de cette confusion pour diffuser une peur irrationnelle.

Et cela sert aussi les intérêts de Microsoft qui fonctionne selon le principe de la crainte, de l'incertitude et du doute [NDLR : FUD : Fear, Uncertainty, Doubt]. Dans cette affaire beaucoup de détails sont flous, il n'y a pas vraiment de sujet de procès, c'est uniquement fait pour répandre la peur. SCO vient d'ailleurs de distribuer ce même code sous licence de logiciel libre, donc tout le monde a le droit de le redistribuer.

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Quels sont vos autres chevaux de bataille actuellement ?
Je surveille de très près la législation américaine relative aux licences automatiques incluses dans les contrats internationaux qui peuvent imposer au consommateur des clauses qu'il n'aura pas négociées [NDLR : lois UCITA]. Tout acheteur d'un programme, par exemple un employé ou un programmeur, peut être considéré selon cette législation comme une "entreprise" car, là aussi, la définition du terme est très floue.

De ce fait, le territoire juridiquement compétent pour juger d'un litige pourrait être différent de celui du consommateur. Ce dernier n'aurait aucune chance de voir ses droits protégés car le pays désigné par les clauses du contrat serait un pays très favorable au vendeur. Le Traité de la Haye prévoit d'étendre la législation américaine en Europe, il faut y être vigilant et exclure de ce texte les "fausses" entreprises.

 
Propos recueillis par Fabrice Deblock

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