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Avocat EY Law |
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Fabrice
Naftalski
La
propriété intellectuelle est un point sensible des contrats d'externalisation
Issue de l'alliance
d'HSD Ernst & Young et d'Archibald, EY Law est une société d'avocats
qui intervient dans de multiples domaines, notamment fiscaux. Avocat notamment
spécialisé dans les nouvelles technologies, Fabrice Naftalski revient
sur les points clés permettant de pérenniser un contrat d'externalisation,
tout en ménageant des portes de sortie acceptables par les deux parties
en cas de litige.
23
octobre 2003 |
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JDNet Solutions. Quelles sont
les principales difficultés rencontrées par les parties d'un contrat
d'externalisation ?
Fabrice Naftalski.
Les principales difficultés peuvent avoir plusieurs origines, comme par
exemple un dérapage au niveau des coûts, une insuffisance de dialogue
entre les parties qui débouche sur une incompréhension mutuelle
ou encore le non respect par un infogérant de certains engagements classiques
en matière de qualité de service ou de performances.
La sortie du contrat est également source fréquente de conflits
et peut s'avérer très coûteuse ou difficile à envisager
pour des raisons de dépendance du client vis-à-vis de son prestataire.
Quels
types d'outils juridiques préconisez-vous pour éviter ces écueils
?
Pour qu'un contrat d'externalisation soit le plus pérenne
et équilibré possible - à la fois pour le client et son prestataire
-, différents outils juridiques sont à prendre en considération,
dont les plus importants sont très certainement la définition des référentiels
contractuels, l'organisation de structures de suivi/pilotage de l'exécution du
contrat et des conditions de sortie anticipée du contrat avec la problématique
essentielle de la reversibilité.
Viennent ensuite des points un peu plus secondaires mais également importants
que sont les audits de suivi et les mécanismes de révision de prix et de sanctions.
Qu'entendez-vous précisément
par référentiels contractuels ?
Il s'agit tout d'abord des besoins du client, qui s'expriment traditionnellement
à travers un cahier des charges mais également la définition des services
(notamment, la possibilité de services complémentaires concernant la migration
des applications du client, la sécurité...). Ensuite, il faut se pencher sur les
niveaux de service que l'on souhaite atteindre. Plus ces documents sont précis,
documentés et rédigés en amont, plus la base même de la prestation est stable
et lisible.
Les référentiels contractuels concernent aussi l'environnement et les contraintes
matérielles (le réseau, l'espace disque...), applicatives, organisationnelles
et fonctionnelles de l'externalisation. Tout cela est essentiel : un contrat cadre
est parfois moins important que ses annexes ! Le client fonctionne selon
ses besoins et le fournisseur en fonction de son offre, il faut donc écrire
au contrat - et les décrire - des indicateurs précis qui permettront
à chacun de se positionner.
De se posititionner, mais aussi
de suivre ces indicateurs au fil de la relation contractuelle ?
Oui, et c'est tout l'enjeu des comités de suivi de l'exécution
du contrat. Le niveau zéro est de dire : "qui est le chef de projet
désigné chez le client pour suivre le prestataire ?".
Le niveau au dessus va être de créer des comités de pilotage,
à différents niveaux hiérarchiques et à différentes
fréquences.
Le niveau ultime est que le client parte du contrat que lui propose le prestataire,
se l'approprie, détermine lui-même les modes opératoires de
contrôle et de validation, en faisant référence à des
procédures d'exploitation précises et en prévoyant des processus
d'escalade. Et qu'il définisse aussi ce qu'il entend par un niveau de bonne
qualité. A ce titre, un taux de disponibilité de 97% sur une semaine
est beaucoup plus contraignant pour un infogérant qu'un taux de 99% sur
un an !
De plus, les comités de suivi sont bénéfiques au prestataire
car ils lui permettent de se faire communiquer toute information nécessaire
à la bonne exécution de ses prestations - notamment quand les besoins
ou l'organisation du client changent - et donc de proposer des diligences complémentaires
qui peuvent déboucher sur de nouvelles opportunités.
Comment procéder quand une contestation survient
?
Pour chaque référentiel contractuel - d'où
l'intérêt de bien les définir au préalable - et pour
chaque élément de l'environnement, il est parfois utile des procéder
à un audit de suivi. Cet audit peut être mené aussi bien à l'initiative
du client que du prestataire. Il peut être déclenché soit
pour avoir la certitude que les prestatations sont bien remplies (respect du plan
qualité et des procédures de sécurité, fourniture et actualisation de la documentation,
réalisation des sauvegardes...), soit en cas de crise. Il est important
que définir quand ces audits peuvent avoir lieu, qui les effectue (le client,
un tiers...) et qui les paie.
En cas de véritable problème, il faut aussi que le contrat définisse
très clairement les faits générateurs des pénalités,
leurs modalités de paiement (dans le silence du contrat, la compensation
peut être automatique en application de l'article 1291 du code civil), mais aussi
l'éventuel déclenchement de la suspension des paiements de la prestation
par le client ou de la résiliation anticipée du contrat. Les sanctions
ne sont pas forcément financières, elles peuvent aussi consister
en des validations automatiques ou des modes de facturation différentiés.
Par exemple, si un client ne respecte pas le calendrier
de remise d'un test, une application pourra être
considérée comme "recettée"
par le prestataire, qui pourra en conséquence percevoir
les "x" % du montant global de la prestation
prévus au contrat. De même, en cas de retard
du client, le prestataire pourra facturer ses charges
dues à la prorogation de mobilisation de ses ressources
humaines selon un mode particulier, prévu au contrat,
ce qui fera réfléchir le client, et notamment
son directeur financier, avant de prendre ce retard.
En cas de conflit avéré et de volonté
de changer de prestataire, que faut-il prendre en considération ?
En cas de sortie anticipée , il est crucial que le contrat détaille
là aussi les faits générateurs, les préavis, les modalités de l'éventuelle indemnisation
du prestataire mais aussi le maintien de certains engagements (non sollicitation,
confidentialité, non concurrence...). Un point essentiel est la clause de réversibilité
dont l'objectif est de permettre la réappropriation par le client de son système
d'information. Ses modalités et conditions financières doivent être prévues dès
la signature du contrat.
Un point trop souvent
négligé concerne la propriété intellectuelle des développements réalisés par le
prestataire. Ces développements sont normalement protégés par le droit d'auteur,
le client peut donc se retrouver dans l'impossiblité de "récupérer" ces outils
spécifiques, développés pour lui, quand il change de prestataire.
Cela peut coûter très cher
car bien souvent, le client devra renégocier une licence
contre redevance pour pouvoir continuer à utiliser ces
développements spécifiques (leur utilisation en fraude
des droits de l'éditeur constituerait un acte de contrefaçon)...
De même pour les licences négociées par le prestataire
avec certains éditeurs de logiciels clés, si le contrat
ne prévoit pas un transfert des droits et obligations
au bénéfice du client au terme du contrat.
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Propos recueillis
par Fabrice Deblock |
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PARCOURS
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Avocat au sein
du cabinet EYLaw, Fabrice Naftalski est spécialisé en droit des nouvelles technologies.
Son domaine d'activité appréhende principalement le droit informatique et les
questions juridiques liées à la dématérialisation (protection des données personnelles,
gestion des incorporels, signature électronique, contrats Internet ...).
Dans le domaine de l'infogérance, il intervient régulièrement pour assister ses
clients lors des différentes étapes de leur projet d'externalisation, que ce soit
en amont (audit juridique des contrats existants, rédaction et négociation du
contrat d'infogérance), pendant l'externalisation ("contract managment") ou en
fin d'externalisation, par exemple pour sécuriser une sortie en minimisant les
coûts techniques et financiers ou pour négocier des avenants.
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