|
|
|
|
Membre du conseil d'administration APRIL |
|
Benoît
Sibaud
Gouvernements
et administrations vont de plus en plus s'intéresser au logiciel libre
L'Association
pour la promotion et la recherche en informatique libre (APRIL) oeuvre pour la
démocratisation et le développement de l'informatique libre. Elle met notamment
en place des groupes de travail intervenant depuis la conception jusqu'à la distribution
des logiciels libres.
Benoît Sibaud revient sur l'année 2003 : brevets logiciels européens,
informatique de confiance, restriction des libertés, rachats, etc.
19
décembre 2003 |
|
|
|
JDNet Solutions. Que retiendrez-vous
de l'année 2003 ?
Benoît Sibaud. Je retiendrais tout d'abord le
lobbying intense des grandes sociétés et des cabinets en propriété intellectuelle
pour faire avancer la brevetabilité des logiciels. Ces acteurs sont également
pour l'adoption en Europe de lois de type DMCA (Digital Millennium Copyright Act),
dont la transposition se fait notamment par la directive EUCD (European Union
Copyright Directive), la directive IPR Enforcement et un certain nombre de lois
restreignant la liberté. C'est selon moi le plus marquant dans le contexte politique.
Dans le contexte économique, il n'y a pas eu de gros changements. Les sociétés
qui étaient en difficulté ont été rachetées, elles sont donc toujours
là et un certain nombre de petites sociétés de service ont fait leur apparition.
Les SSII plus grandes ont montré un intérêt croissant pour le logiciel libre.
Je note par ailleurs que le réseau libre-entreprise
continue de se développer.
Quel
devenir pour le vote en première lecture de la directive européenne
sur la brevetabilité ?
Le vote en première lecture [lire notre
article] a montré que la majorité des parlementaires était contre la
brevetabilité. Le lobbying continue de part et d'autre... On a même constaté
que des déclarations de commissaires conseillaient de contourner ce vote et que
de grands cabinets d'experts suggéraient de passer à coté du choix du Parlement.
Ce vote a été l'événement majeur de l'année 2003 pour les logiciels
libres et pour l'industrie informatique.
En 2004, tout dépendra de comment vont s'équilibrer les lobbying respectifs.
Un petit nombre d'entités est capable d'aligner un grand nombre de lobbyistes
professionnels et de l'autre côté, une multitude de petites sociétés et d'utilisateurs
continue de s'opposer à ce projet. Cela se joue et se jouera aussi dans les couloirs
à Bruxelles et à Strasbourg, on est à un moment crucial sur ce sujet, il ne faut
pas se démobiliser.
L'année 2003 a été riche en événements
liés à la sécurité, qu'en pensez-vous ?
La multiplication des attaques par vers de réseau a effectivement
marqué l'année mais la plupart de ces attaques informatiques concernaient
des systèmes propriétaires et en situation de monopole. Les logiciels libres font
tourner de nombreux éléments d'infrastructure (pare-feu
), ils n'ont donc pas
été concernés directement.
Mais quand on parle de sécurité, il faut aussi noter l'apparition
des notions d'informatique de confiance, avec notamment TCPA (Trusted Computing
Platform Alliance) - initié par Intel - et le logiciel Palladium de Microsoft.
Cela pose des questions de défiance par rapport à des machines qui pourraient
être contrôlées par une seule société et agir contre la volonté de l'utilisateur.
Si des matériels et logiciels forment un système de contrôle capable de
demander à un ordinateur de faire quelque chose sans qu'il n'y ait de vérification
sur le fait que la personne y est autorisée et sans que l'utilisateur ne puisse
s'y opposer, c'est aussi un problème de sécurité !
En 2003, ces termes ont été renommés, TCPA est devenu TCG
et Palladium est devenu NGSCB. Cela soulève des inquiétudes sur
les libertés individuelles, sur les risques de solutions techniques qui favorisent
les monopoles et pose la question de l'indépendance technologique des Etats et
des personnes.
Que vous inspire le rachat de Suse par Novell ?
Novell essaie de prendre pied dans le marché du logiciel libre
et je pense que ce rachat n'est pas décorrélé de l'affaire SCO.
Quelles grandes tendances pour 2004 ?
Les textes de lois visant à renforcer
les droits sur l'immatériel, la directive IPR Enforcement, tout cela arrive...
mais d'un autre côté, les gouvernements et administrations s'intéressent
de plus en plus au logiciel libre. Trois pays asiatiques ont récemment
choisi Linux pour créer leur propre distribution, l'initiative IDA (Interchange
of Data between Administrations) de la Commission européenne a créé
un guide de migration vers les logiciels libres... sans parler des projets de
l'Unesco ou des choix de la ville de Munich... Tout cela va s'accélérer en 2004.
On devrait également voir arriver une conclusion
à l'affaire SCO, obtenir des éléments concrets, en dehors
des discussions par presse interposée. IBM a obtenu une injonction pour obtenir
ces éléments et déjà, en Allemagne, un juge a estimé que SCO tenait des propos
diffamant et a fait fermer leur site Web.
Enfin, on va beaucoup parler du noyau 2.6 de Linux en 2004 et des offres en suites
bureautiques qui vont continuer leur croissance, renforçant les offres
existantes dans les systèmes d'exploitation.
|
|
Propos recueillis
par Fabrice Deblock |
|
|
|
|
|
|