JDNet Solutions. En quoi
consiste ce projet de GPA et quelle est sa genèse ?
Isabelle Bellaïche.
Le projet a démarré fin 1998 où un pilote a été
lancé avec l'enseigne Carrefour. A ce moment là, Carrefour avait
sélectionné - parmi ses plus gros fournisseurs - une liste d'entreprises
pour initier ce projet.
Pour Coca Cola Entreprise, cela consistait à prendre directement en charge
le stock de ses propres produits chez le distributeur et à gérer à distance
l'approvisionnement et la mise en linéaire des nouveaux produits dans les meilleurs
délais. Après une phase de familiarisation, le projet a pris chez Coca
Cola de nouvelles orientations et le système a été déployé
auprès de quatre autres enseignes de la grande distribution.
En
quoi cette façon de fonctionner constitue-t-elle une rupture ?
On est passé avec la GPA de la réception traditionnelle
d'une commande passée par un client (le distributeur) à un processus
de réapprovisionnement en continu. Pendant la nuit, les distributeurs nous
communiquent par EDI l'état de leurs stocks ainsi que les sorties consolidées
vers les points de vente, les encours de livraisons et ce que nous appelons les
"manquants", c'est-à-dire les produits en rupture de stock, qui
peuvent être assimilés à des ventes négatives.
Tous les matins, nous générons des propositions de commande à destination
de nos clients qui les valident et nous les renvoient. Le délai de réapprovisionnement
est de J+4.
Quels avantages en tire
le distributeur ?
Pour nos clients, cela signifie une réduction du taux de stock
sans impacter le taux de service. Aujourd'hui, le système GPA est rôdé et nous
constatons déjà en moyenne une hausse de 1 point du taux de service, taux qui
mesure la disponibilité des produits en magasin.
Par ailleurs, le client a davantage une vision de contrôle, au-delà
du simple transfert de charge opérationnelle. La GPA permet également une
réactivité journalière et, dernier avantage, un lissage des flux logistiques,
ce qui fiabilise la chaîne logistique. Un transporteur préfère en
effet la régularité d'une livraison quotidienne d'un même
entrepôt à l'incertitude que deux ou trois livraisons par semaine
génèrent, car il ne sait pas précisément quand elles
ont lieu. En termes de prise de risque, c'est plus simple à gérer.
Quelle est aujourd'hui
la part de la GPA dans votre activité grande distribution ?
Aujourd'hui, environ 50% du chiffre d'affaires grande distribution
de Coca Cola Entreprise passe par la GPA. L'objectif est de passer à 70% d'ici
2005. Nous souhaitons également étendre les déploiements GPA vers d'autres types
de réseaux de distribution et notamment vers notre activité "hors foyer"
(hôtels, restaurants, bars...). Mais pour le moment, les acteurs et les processus
d'approvisionnement sont dans un état de maturité moins avancé.
La GPA va-t-elle selon vous se généraliser
?
A un horizon de cinq ans, je pense que la GPA va effectivement
se généraliser. C'est un système qui a fait ses preuves,
notamment grâce à des acteurs comme Procter & Gamble sur leurs
marchés. Mais il ne faut pas être statique, c'est un processus qui
doit être remis en cause en permanence.
Par exemple, prenez le cas des opérations promotionnelles qui impliquent
l'envoi de produits gratuits au distributeur. Au niveau de la GPA, nous avons
des obligations de résultat, des marchandises sont à envoyer au client au bon
moment, mais il faut anticiper les "avant promotion" et gérer
les "après promotion", afin qu'il n'y ait pas d'engorgement chez
le distributeur. Cela nécessite notamment d'étudier très finement
les profils de promotion.
Quelles sont les limites de ce modèle ?
Actuellement, des réflexions sont en cours chez nous en
ce qui concerne la livraison directe de certains points de vente. On peut en effet
envisager d'envoyer un camion plein chez un hypermarché si le débit
est là. Nous pensons que des sources d'amélioration sur ce type
de trajet sont exploitables. Mais au niveau progiciel, on s'aperçoit que
ce mode de livraison mixte (à la fois au distributeur et directement au
point de vente) n'est pas pris en compte, les logiciels ne couvrent que l'un ou
l'autre.
Il faut en outre, pour déployer une GPA, que l'infrastructure logistique
et que les ressources fonctionnelles soient au rendez-vous. Chez Coca, le poste
ECR (Efficient Consumer Response) n'existe par exemple que depuis l'an 2000.
De quels types de données supplémentaires disposez-vous
désormais et comment les exploitez-vous ?
Avant, quand on recevait une commande, nous n'avions que des quantités
de produits à livrer. Aujourd'hui, nous avons des données relatives
au stock, ce qui permet à un industriel tel que Coca de mieux évaluer
les risques pris, notamment en cas d'exception (indisponibilité, grèves...).
Nous sommes par ailleurs en train de mettre en oeuvre
- pour nos forces de vente - des reporting pré-établis disponibles via
intranet, grâce à des échantillons significatifs de la vie de nos
produits. Cela permettra par exemple à nos
700 ou 800 attachés commerciaux, qui visitent les points de vente, d'aller au-delà de la simple constatation qui est de dire "vous êtes en
rupture sur tel produit". Par leur connaissance de tous les rouages de la
chaîne d'approvisionnement, les commerciaux pourront désormais avoir
une action de sensibilisation auprès de leurs interlocuteurs sur la rupture
linéaire et sur le manque à gagner qui en découle.
Ces données - recueillies chez nos clients - serviront également,
dans un proche avenir (premier semestre 2004), aux commerciaux grands comptes
et aux personnes chargées des prévisions des ventes ou des comptes clés
logistiques, etc. Nous sommes en phase de déploiement, avec Unilog, d'un
outil d'aide à la décision qui permettra le partage et l'analyse de ces données
par tous les départements de Coca Cola Entreprise. Mais les progiciels disponibles
sur le marché ne sont pas forcément adaptés, du développement spécifique
est donc nécessaire.
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