INTERVIEW 
 
Christophe Duthoit
Vice-Président en charge de la practice IT
Boston Consulting Group
Christophe Duthoit
"En 2004, nous avons assisté à un début de reprise douce, ou molle"
Le vice-président du Boston Consulting Group en France analyse les évolutions constatées cette années, en termes de marchés, d'acteurs, de dépenses, d'innovation et d'emploi.
22/12/2004
 
JDN Solutions. Que retenez-vous de 2004 ?
Bilan 2004 Sommaire
Christophe Duthoit. L'année n'a pas été très facile, on attendait en France une reprise des investissements dans l'emploi et la dépense, nous avons assisté à un début de reprise douce ou molle, tout dépend de l'endroit où l'on se place. Le Syntec, dans sa dernière estimation, avait prévu 4% de croissance sur les logiciels et services. La situation a donc été meilleure qu'en 2002 et 2003 - années terribles pour le secteur - mais la reprise a été douce.

Derrière cela, des secteurs d'activités et des entreprises ont tiré leur épingle du jeu, notamment les administrations et les entreprises publiques. Avec Accord, les investissements ont été significatifs, même s'il y a eu du stop and go avec la remise en cause d'Accord 2. La réforme de l'Etat et de l'administration, ainsi que le dossier médical partagé génèrent une forte activité dans les administrations. De même au sein des entreprises publiques comme la SNCF ou La Poste qui investissent et innovent.

Comment qualifier la dépense des entreprises cette année ?
Depuis l'explosion de la bulle Internet, il y a eu trois moments distincts. Tout d'abord, une réaction dans l'urgence qui s'est traduite par la réduction drastique des niveaux d'investissement. Ensuite, une réduction des dépenses de fonctionnement courant, notamment grâce au recours à l'infogérance.

Actuellement, les investissements se font au travers d'une certaine innovation, ce qui est un peu nouveau cette année. Même si les vannes ne sont pas grandes ouvertes, les démarches sont très focalisées et exigent un retour sur investissement rapide et fort.

Qu'entendez-vous par "une certaine innovation" ?
L'innovation peut se placer sur des technologies nouvelles en tant que telles ou dans l'usage que l'on en fait. Il s'agit alors moins d'une utilisation en particulier que d'un projet d'entreprise ou d'un projet métier. Des projets qui font appel à des nouvelles technologies mais pas toujours, l'innovation pouvant se traduire à travers une organisation ou des processus refondus.

On parle plus de l'usage de la RFID que de la technologie en elle-même"
Si l'on regarde l'évolution depuis les années 1990, nous sommes passés du client-serveur aux ERP puis à Internet. Aujourd'hui, la RFID fait son apparition sans toutefois tout submerger, on parle plus de son usage que de la technologie en elle-même. Les fournisseurs travaillent d'ailleurs par secteurs d'activités pour être plus efficaces.

La prochaine vague technologique sera composée d'une multitude d'éléments, d'une combinaison complexe d'un tout et son usage dans l'entreprise sera déterminant, au-delà des effets de mode.

Quelles évolutions avez-vous perçues dans les attentes des DSI ?
Un sujet majeur cette année a tourné autour de la sécurité et de la gestion des risques dans l'entreprise. Les systèmes d'information sont plus vulnérables qu'avant. En France, les problèmes informatiques récents de certains opérateurs télécoms ou de la SNCF et - à l'étranger - ceux du ministère du travail et des retraites britannique en sont de bonnes illustrations. Face à cette vulnérabilité accrue - et aux attaques virales qui se mulitplient par ailleurs - des parades sont à imaginer et la sécurité est à organiser.

Les banques et les compagnies d'assurance ne peuvent plus ignorer ce que font leurs clients"
De même, la sécurité financière devient incontournable pour les banques et les compagnies d'assurance notamment, qui ne peuvent plus ignorer ce que font leurs clients, en termes de malversations ou de blanchiment par exemple. Le système d'information doit donc être capable de mieux connaître les clients et de mieux tracer les opérations.

Autre évolution : la conformité en matière comptable, imposée par la loi Sarbanes Oxley aux Etats-Unis et par les normes lFRS en Europe. Les grandes questions sur la pharmacovigilance et les tests sur les médicaments impliquent également le système d'information, notamment en termes de traçabilité et d'essais cliniques. La transparence de ces informations sera de plus en plus cruciale. Le cas de Merck & Co et du retrait mondial de son médicament Vioxx est là pour nous le rappeler.

La métamorphose du DSI technicien en DSI manager membre du comité de direction s'opère-t-elle réellement ?
Dans les secteurs où l'informatique est moteur du business - dans les banques, l'assurance mais aussi la grande distribution -, on voit très nettement le DSI être de plus en plus un véritable manager faisant partie du comité exécutif. C'est le cas de la majorité des grandes banques françaises, le DSI évolue parmi ses pairs.

Un certain nombre de nouveaux rôles sont par ailleurs alloués au DSI. Auparavant gestionnaire d'infrastructure, le DSI est désormais mis à la tête de certains projets de transformation de l'entreprise et parfois aussi - dans la banque - il est chargé - en plus de l'informatique - des processus liés à la production bancaire qui, jusque là, étaient gérés à part. Le rôle du DSI s'en trouve donc élargi.

Quel commentaire vous inspirent les mouvements de consolidation de la fin de l'année, notamment la fusion Oracle / PeopleSoft ?
Avant cette fusion, il y a eu - plus tôt dans l'année - le rachat de CCMX par Cegid. Je pense que - sur le segment des logiciels pour PME/PMI - la consolidation va se poursuivre.

L'opération PeopleSoft / Oracle pose pas mal de questions pour des acteurs comme IBM"
L'opération J.D. Edwards / PeopleSoft / Oracle pose pas mal de questions pour des acteurs comme IBM. Sa présence élargie sur les ERP va lui permettre de peser plus lourdement sur les bases de données et les serveurs d'appliations. De facto, IBM voit certains marchés devenir plus difficiles pour lui, les clients actuels d'Oracle seront en effet "invités" à migrer progressivement vers d'autres produits d'Oracle, ou trouveront intéressant de le faire.

SAP étant le leader des ERP et IBM étant fort sur l'infrastructure, nous assisterons peut-être à une alliance naturelle entre ces deux acteurs, d'autant plus que Microsoft est un autre acteur de poids présent lui aussi sur de nombreux segments. Ou alors IBM décidera d'aller plus loin...

Toujours à propos d'IBM, la vente de sa division PC est un signal fort qui signifie qu'IBM n'a pas vocation à tout faire et que le groupe se concentre sur des activités où il peut dégager des positions fortes - notamment sur les services - alors que le marché des PC devient de plus en plus difficile.

Au niveau recrutement IT, quelles tendances dégagez-vous de 2004 ?
Il est intéressant de constater que les entreprises conservent des volants de régie, c'est une spécificité française qui demeure, alors que ces postes pourraient être des postes permanents. C'est coûteux, certes, mais cela offre une flexibilité pour gérer les à-coups de la demande et les politiques d'investissement de leurs propres utilisateurs.

L'offshore, on en parle beaucoup mais les chiffres restent peu élevés"
L'impact de l'offshore reste par ailleurs assez limité, à l'instar des délocalisations dans le secteur manufacturier, même s'il ne faut pas minimiser la réalité de ces dernières. L'offshore représente une part mineure dans les dépenses informatiques, notamment aux Etats-Unis, on en parle beaucoup mais les chiffres restent peu élevés et les entreprises qui y ont recours en France n'en sont qu'au stade des expériences pilotes.

Le BPO semble, en revanche, prendre davantage pied dans les entreprises ?
L'externalisation des processus métiers - BPO - se manifeste en France par des modèles d'associations et de sourcing très variés et adaptés à la culture et aux contextes sociaux des entreprises.

  En savoir plus
 The Boston Consulting Group
Dossier ERP
Par exemple, le semaine dernière, le Crédit Agricole et les Caisses d'Epargne se sont associés pour regrouper la conservation de leurs titres. L'idée est ici de développer et de mettre des moyens en commun pour atteindre un objectif précis, d'autres sociétés s'organisent en interne, regroupent des activités en filiale ou décident de faire appel à des fournisseurs. Le BPO est donc une réalité mais chacun l'adapte à sa sauce. Cela commence le plus souvent pas des centres de services partagés, puis par des joint-ventures, pour soit offrir ces types de prestations à d'autres entreprises ou confier cela à un fournisseur.
 
Propos recueillis par Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Christophe Duthoit est titulaire d'un Doctorat (PhD) de l'Université de Californie, Santa Barbara et d'un Master of Science de Berkeley. Il est également diplômé de l'Ecole Supérieure des Travaux Publics.

Au sein de la practice IT du BCG, il est responsable au niveau mondial des activités transfomation d'entreprise et post-merger integration.

Avant de rejoindre le BCG en 1994, il a travaillé 7 ans chez Andersen Consulting, principalement dans la banque, où il a dirigé de nombreuses missions de conseil informatique et de réalisation.

   
 
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