INTERVIEW 
 
Johann Evrard
Dirigeant
Wylog
Johann Evrard
"L'offshore n'assure pas un retour sur investissment automatique"
Alors que bon nombre d'entreprises externalisent en Chine et en Inde, Wylog a choisi l'Europe de l'Est, plus particulièrement la Roumanie. Un choix mûrement réfléchi.
23/01/2006
 
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Johann Evrard a créé Wylog il y a deux ans et demi. Sa société - qui a pour clients éditeurs et SSII - a une stratégie offshore depuis ses débuts et dispose d'une équipe de production de 90 personnes en Roumanie, développant pour la France.

JDN Solutions. Quelle est votre vision de l'externalisation dans le secteur informatique actuel ?
Johann Evrard. Premièrement, une société normale ne peut pas mettre en place une stratégie offshore toute seule. Ceci est impensable - dans le secteur informatique - pour le client final, qu'il s'agisse d'un éditeur ou d'une SSII. Ce serait la preuve d'un manque de maturité.

Ensuite, il y a aujourd'hui une vraie méconnaissance de la problématique d'externalisation par la plupart des gens. L'offshore n'assure pas un retour sur investissment automatique. Et surtout, il me paraît impératif de ne pas avoir une réflexion purement financière. Si une stratégie d'offshore est non accompagnée, c'est dangereux et le risque d'échec est fort.

Le développement applicatif peut-il tirer parti de l'offshore ?
A ce jour, 20 % des projets offshore s'arrêtent en cours de route. Le choix des prestataires est trop souvent lié au coût, sans s'interroger sur la qualité, l'accompagnement et la gestion du projet. Il n'est pas raisonnable de faire des prestations de développement pour 120 euros par homme et par jour ! C'est impensable pour du développement .Net, Java ou J2EE.

Le ROI par rapport au prix final est rarement pris en compte. On ne joue pas sur des économies de 10 à 20 euros pour du développement applicatif. Le prix moyen démarre à 145 euros et peut atteindre 180 euros, auquel il convient nécessairement d'ajouter les frais d'encadrement du chef de projet.
L'offshore n'est pas le nouvel eldorado du développement"

L'offshore n'est pas le nouvel eldorado du développement. Chaque société doit faire preuve de beaucoup de pragmatisme. C'est pourquoi il faut trouver un projet de test et créer une relation avec le prestataire pour construitre la problematique fonctionnelle et métier.

Peut-on envisager d'externaliser l'intégration de services ?
L'offshore ne remplacera pas les SSII françaises. Selon la typologie du projet, l'offshore se résume à un moyen d'exécution des tâches. On peut, certes, intégrer certaines problématiques de technologie et de gestion, de "webisation", de migration d'application et de portage logiciel, mais le projet doit rester aux mains d'un conseiller spécialisé.

Au vu de mon passé chez des éditeurs, il m'est facile d'imaginer les multiples problèmes en cas d'externalisation de l'intégration. Des projets complexes comme l'intégration des applications d'entreprise ou des progiciels de gestion intégrés nécessiteraient beaucoup de temps passé pour comprendre la finalité du besoin client et l'implémentation reviendrait alors cher.

Quels conseils donneriez-vous aux sociétés tentées ?
Il faut être simple : n'externalisez pas la typologie de votre projet, car les personnes dans des pays émergents ne peuvent pas travailler sur des notions d'affaires et de problématiques métier, qui sont déjà assez difficiles à traiter en France.

Un projet offshore nécessite 20% de temps d'accompagnement en plus"
Pour toutes ces problématique d'urbanisation et d'intégration, il est vital de choisir un cabinet de conseil et ou une SSII française. Un projet offshore nécessite 20% de temps d'accompagnement en plus. Par contre, une SSII peut tout à fait avoir recours à l'offshore pour le développement, à condition que les spécifications soient clairement définies. Ainsi, la gestion avec la relation client restera en France.

La distance n'est pas un avantage. Aujourd'hui, dans les prestations offshore, les ennuis sont proportionnels avec la distance du prestataire. Ceci explique les retours et changements de stratégies importants à cause d'un mauvais choix du prestataire.

Pourquoi avoir choisi la Roumanie, là où l'Inde et la Chine sont des destinations favorites pour nombre d'entreprises ?
Les prestataires sont répartis sur trois zones principales : le Maghreb, l'Europe de l'Est et l'Asie / Inde. Les pays d'Afrique du Nord sont forts dans l'externalisation globale des BPO [ndlr : externalisation des processus métiers] et des centres d'appels, mais il n'y a pas de gros projets informatiques.

L'ex bloc soviétique présente un très bon niveau scientifique et une qualité technique aussi bonne, voire meilleure, qu'en Inde. Ce dernier pays présente des liens histroriques anglophones mais les Indiens ne s'implantent pas aussi facilement qu'ils le souhaitent sur le marché français. Ceci est dû à plusieurs facteurs comme la culture, la langue mais aussi le décalage horaire. J'attribuerais ces mêmes critères à la Chine mais avec un décalage linguistique plus important et surtout une absence de culture de projet.

A mon sens, la Chine et l'Inde sont des pays intéressants pour la création d'un centre de R&D, avec 200 personnes au minimum. Seules les grosses sociétés peuvent s'offrir ceci, sachant qu'une équipe de management - constituée d'expatriés français - est nécessaire.
Le turnover est énorme en Inde, avec une pénurie de main-d'œuvre."

Le turnover est énorme en Inde, ce pays souffrant d'une énorme pénurie de main-d'œuvre. Le ticket d'entrée est cher car la plupart des sociétés françaises intéressées n'ont que les moyens pour un centre de 10 à 15 personnes.

Toutefois, en Roumanie - et d'autres pays de l'Est - ceci est jouable avec 30 personnes dédiées à la R&D. La Roumanie bénéficie d'une proximité avec la France, d'un très bon niveau intellectuel et scientifique, d'une culture proche et d'un bon niveau de francophonie. De plus, elle rejoindra la communauté européenne dès 2007. Et judiquement, c'est beaucoup plus rassurant de travailler avec des interlocuteur européens. Les Americains s'intallent eux aussi en Europe de l'Est. Ils reviennent du modèle indien. Le coût du contrôle et d'accompagnement est plus intéressant.

Songez-vous quand même à l'Inde et à la Chine pour l'avenir ?
Non pour l'Inde. Peut-être la Chine d'ici 3 à 4 ans. Le coût humain est faible certes mais, malgré la croissance, l'expérience n'est pas assez développée. Ces pays restent bons pour la production mais en retrait dans l'informatique.

Comme souvent, si le prestataire n'a pas de représentant dans le pays pour superviser le projet, nous assistons à un effet de cascade dangereux. Avec un prix trop bas, le contrôle disparaît. Comme le démontre une étude du cabinet Forrester Research, c'est une réalité et il ne faut pas résonner "one shot" sur un projet offshore.
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Pour conclure, je dirais que, comme partout, il faut mesurer la performance de la méthodologie des prestataires. Une visite dans le pays est nécessaire, les coût cachés reviennent cher avec trop d'inconnues et d'intermediaires.


 
Propos recueillis par Christophe COMMEAU, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Johann Evrard, 35 ans, est depuis 2003 directeur général de Wylog France.

1998 Il rejoint Microsoft France comme chef de produit Visual Studio, puis prend en charge l'ensemble du marketing serveur Microsoft jusqu'en 2003.

1994
Il entre chez Business Objects comme chef de produit dans l'équipe R&D puis dirige l'ensemble du marketing produits.

   
 
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