Denis Collart est l'un des premiers en France à
avoir cru au boum des solutions de CRM (customer relationship
management, gestion de la relation client). C'est
lui qui, dès 1992, a développé
cette activité au sein de Pricewaterhouse Coopers.
7 ans plus tard, il est à la tête de
1600 consultants CRM dans le monde et nous fait part
de son expérience.
Propos recueillis le 22 septembre 1999 par Christophe
Dupont
JI:
Présentez nous
Pricewaterhouse Coopers?
Denis Collart: Notre société
en quelques faits, c'est une présence dans
plus 150 pays à travers le monde, que ce soit
en Europe où nous sommes implantés quasiment
partout, en Amérique du Nord comme du Sud.
Nous sommes aussi présents dans la zone Asie
du Sud-Est et Pacifique, au Japon, en Australie, en
Nouvelle-Zélande, en Inde, à Hong Kong
et à Singapour, ainsi qu'en Afrique du Sud.
Notre chiffre d'affaires monde en 1998 est de 502
millions de dollars soit 79 % de croissance par
rapport à l'année précédente.
150 000 professionnels assurent des prestations
de conseils à nos clients, multinationales,
entreprises nationales, locales et administrations.
Qu'en
est-il de l'activité CRM ?
L'activité
de la Gestion de la Relation Client a débuté
en France en 1992. Nous étions alors plusieurs
à croire que le marketing, la vente et le service
allaient exploser dans les années à
venir. Et que l'application à ces domaines
de l'informatique allait prendre beaucoup d'ampleur.
Nous avons commencé à déployer
des offres de services en France puis en Europe avant
d'aborder le marché américain en 1996.
Le CRM représente 10% de l'activité
de conseil de Pricewaterhouse Coopers. Nous comptons
plus de 1600 consultants CRM à travers le monde.
Quelle
a été l'évolution du CRM ces dernières
années?
Tout
d'abord, il faut garder à l'esprit que le terme
de CRM n'a qu'un an et demi. Le concept est né
du marketing one to one, du relationnel et de la désintermédiation.
Peu à peu, l'entreprise est passée d'une
problématique de gestion des marques vers un
souhait de gestion de la relation client. C'est la
situation du marché qui a particulièrement
évolué. Au départ, il y avait
un grand nombre de fournisseurs à travers le
monde, environ 400, beaucoup n'avaient qu'un rayonnement
purement national. Actuellement une quarantaine de
fournisseurs dans le monde se partagent le marché.
La tendance est au regroupement et je pense que d'ici
quelques années, il n'y aura plus que 3 ou
4 gros acteurs.
Cette
mainmise de quelques grands, est ce un bien pour le
marché?
Il faut se rendre à l'évidence,
seuls les acteurs d'importance peuvent assurer la mise en
place de gros projets chez les grands groupes. Avec ces
grands groupes il y a une obligation de résultat,
une pression qui pousse au travail et au professionnalisme.
C'est bien grâce à ces projets mis en oeuvre
que se sont développées des offres robustes
et sérieuses. Le marché du CRM en a bénéficié.
La
part de l'externalisation dans la gestion de la relation
client est importante?
Tout
dépend de la prestation souhaitée. Prenons
l'exemple d'un centre d'appels. Pour beaucoup d'entreprises
il apparaît comme plus aisé de confier
la gestion de son centre d'appel à une société
spécialisée. La part d''externalisation
dans ce cas est aux alentours de 25%. Il s'agit aussi
d'une question sensible, d'une question de confiance
pour beaucoup d'entreprises. On ne confie pas facilement
la relation avec le client à une autre entreprise.
Mais ce peut être préférable et
ne pas poser de problèmes lorsqu'il s'agit
de spécialistes comme par exemple Europ Assistance
ou Mondial Assistance. Dans ce cas les garanties sont
fortes.
Qu'en est il du web dans l'approche de la gestion
de la relation client ?
Le
web est un magnifique instrument du CRM. C'est une
technologie complémentaire qui ne substitue
pas aux autres. On a quatre grandes technologies,
l'automatisation de la vente (la mise en place de
PC mobiles), le centre d'appels, les entrepôts
de données (datamining) et le web. En terme
d'e-commerce, il faut savoir que 20 à 30% des
consultations de sites web se terminent sur un centre
d'appels. C'est bien la preuve de la complémentarité
de ces deux technologies. Le web est un canal de distribution
avec le client comme un autre, il ne peut en aucun
cas être le seul. Les entreprises conservent
des stratégies multicanaux et ne veulent, ni
ne peuvent, se priver des autres.
Quels
changements au sein de l'entreprise implique la mise en
place du CRM ?
Tout d'abord de grands changements
sur les processus qui sont simplifiés.
Ensuite une meilleure visibilité de l'ensemble
de la relation client. Les chefs de régions
ont une bonne visibilité sur tout le personnel
en rapport avec les clients. Cette transparence entraîne
un peu moins de liberté pour les personnes
impliquées dans le processus de vente. Cela
implique une période de transition difficile.
Le
CRM permet la gestion d'une clientèle plus importante
sans augmentation proportionnelle des effectifs, celà
peut se traduire par des licenciements ?
D'expérience
auprès des enteprises avec lesquelles nous
avons travaillé, je ne l'ai pas constaté.
Les entreprises n'adoptent pas les solutions CRM pour
réduire leurs coûts mais dans une optique
de gain de parts de marché. Cela passe par
un meilleur accueil du client, une meilleure rétention
de ce client, une meilleure prospection. Ce sont là
leurs préoccupations et motivations premières.
Les
projets de CRM en France sont de gros projets ?
Nous
venons d'achever un projet qui concernait 800 personnes
et qui a duré 6 mois. La partie principale
du projet a pris 5 mois, précédés
par 2 mois de planification suivis par 1 mois de rodage.
Nous sommes actuellement sur un projet pour 18 mois
qui concerne 3600 personnes. Ce type de projet représente
pour l'entreprise un investissement de plusieurs dizaines
de millions de francs.
A
compter de quelle taille une PME peut envisager de mettre
en place une solution CRM ?
Une
force de vente de 40 à 50 personnes, pour une
gestion de 300 à 400 clients, me paraît
être un seuil minimum à partir duquel
une entreprise peut espérer un bon retour sur
investissement.
Ce
ROI [return on investment, ndlr] est il dans les préoccupations
majeures ?
Justement
non ! Nous l'avons souvent remarqué, les entreprises
se lancent dans des projets de CRM sans rationnaliser
leur investissement. Elles ne se posent pas les bonnes
questions: elles attendent un accroissement des gains
mais sans penser comment la solution permettra cet
accroissement. Il y a un effet d'emballement autour
du CRM, c'est une situation similaire à celle
que l'on a connue avec les ERP.
Quel
est l'avenir du CRM ?
Le
grand défi est l'intégration de tous
les éléments de gestion de la relation
client de l'entreprise. Les informations sur le client
doivent être accessibles depuis n'importe quel
point de l'entreprise, depuis le centre d'appels,
le site web mais aussi pour le vendeur en déplacement,
le commercial en agence. Il faut intégrer la
stratégie multicanaux (quel canal selon quel
client et quel produit) de l'entreprise dans la solution
CRM mise en place. C'est le premier grand défi.
Le second est de retenir les bénéfices
de la solution rapidement. Au bout de 6 mois, la majorité
des bénéfices doit pouvoir être
calculée dans le cas d'un bon projet. Il convient
néanmoins que les entreprises réfléchissent
en amont sur le ROI.
Denis
Collart, 52 ans, est ingénieur Arts et Métiers.
Il a commencé sa carrière aux Etats-Unis
après une maîtrise de sciences et un
MBA à l'Université de Michigan. Pendant
5 ans, il a exercé ses fonctions à la
division marketing de Northern Telecom. Il a intègré
Pricewaterhouse en 1979, travaillé au Canada
et aux Antilles avant de revenir en France en 1991
pour prendre en charge l'activité CRM de Pricewaterhouse
Coopers, tout d'abord pour la France puis pour l'Europe,
puis finalement mondiale.
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