Jean-Yves Grisi, ex-directeur de la division Solutions d'Entreprises
(en particulier e-commerce) et membre du Comité de
Direction de Microsoft
France plaque en mars dernier la firme de Bill Gates,
après 9 ans de bons et loyaux services. La cause
du divorce ? Sa passion pour le Web et la volonté
de s'y investir pleinement. C'est désormais chose
faite puisqu'il a rejoint en qualité de P-DG l'agence
Web Hitit
qui officie depuis près de 4 ans dans la conception
de projets Web. Pourtant son départ de Microsoft
n'a en rien entaché ses rapports avec l'éditeur...
Propos recueillis le 23 mai 2000 par Alexandra
Bissé
JI:
Comment décide-t-on de quitter un poste de direction
stratégique chez le leader du logiciel?
Jean-Yves Grisi : J'étais responsable depuis
environ 3 ans de la division Solutions d'entreprise chez
Microsoft France où je supervisais une centaine de
personnes sur des sujets assez variés : ERP, CRM
ou l'e-commerce.
Je souhaitais me dédier à 100% aux problématiques
du Web qui constituent selon moi un sujet à part
entière et sur lequel je n'étais impliqué
que partiellement chez Microsoft. Par ailleurs, il se trouve
que Hitit est dirigée et fondée par trois
amis de longue date (nous venons tous de l'INSEAD). Deux
d'entre eux sont des anciens de Microsoft: François
Bogacz, ex-directeur MSN, et Thomas Bousquet, consultant
technologique grands comptes. Ce contexte a été
décisif et m'a convaincu de me lancer dans l'aventure
!
Quels
sont les objectifs de Hitit ?
Notre
société a eu pour vocation dès sa fondation,
à la mi-96 par Thomas Bousquet, de s'organiser sous
la forme d'une "Web Agency" au sens américain
du terme. C'est-à -dire de regrouper des compétences
mixtes autour d'une expertise technologique forte et des
compétences marketing/communication. Notre offre
comprend donc outre la mise en oeuvre technologique d'un
projet (front office mais aussi intégration) toute
une partie conseil startégique en amont qui aide
nos clients à répondre à la question
cruciale : "Comment vais-je sur le Net ?" Nous
développons par ailleurs toute une réflexion
sur les aspects marketing et promotion des sites : référencement,
création et animation de communautés ou encore
l'affiliation.
Quelle est la place de la technologie
MIcrosoft dans vos développements, vu votre passé
?
Il est vrai que notre entreprise est très imprégnée
de la culture Microsoft et que nos compétences sont
fortes sur cet environnment. Néanmoins, nous ne sommes
pas fermés à d'autres plates-formes et nous
avons d'ailleurs participé récemment pour
le compte de SEB à un projet d'interopérabilité
de leur site en environnement Unix.
Néanmoins, je reconnais que nos clients qui sont
pour la
plupart des responsables communication ou marketing
n'ont pas de choix technologique particulier et ont des
priorités portant davantage sur l'aspect time
to market à savoir la rapidité de mise
en oeuvre de leurs projets.
Nous sommes donc amenés à leur proposer des
architectures Site Server avec des développemnt en
ASP.
Nous sommes très attentifs par ailleurs au standard
XML très prometteur en matière d'échange
de contenu B to B.
Néanmoins, ce protocole ne constitue pas encore le
coeur des projets que nous menons à l'heure actuelle.
Pensez-vous
que certains projets se prêtent mieux à la
technologie Microsoft ?
Honnêtement,
je pense que la plate-forme d'exploitation Windows 2000
est un environnement tout à fait fiable et robuste
pour soutenir un projet d'e-commerce en particulier en terme
de montée en charge (le projet FNAC en est l'illustration).
Pour l'aspect applicatif (gestion panier marchand, contenu,
etc., cela dépend des ambitions du client. On ne
peut pas tout faire avec Site Server. Pour des fonctionnalités
plus évoluées d'automatisation par exemple,
des solutions progicielles telles que Spectra, Vignette
ou encore Broadvison semblent effectivement plus appropriées.
Quoique des développements spécifiques peuvent
finalement combler les lacunes de Site Server.
Que
pensez-vous de la multiplication des acteurs sur le marché
du Web, en particulier de la prolifération des agences
Web ?
Je
pense qu'à l'heure actuelle on distingue deux catégories
d'acteurs sur ce marché. D'une part, les SSII qui
adaptent leur modèle aux technologies Web à
l'image de Cap
Gemini, SQLI
ou Fi
System qui rajoutent des briques à leur offre.
De l'autre côté, on trouve au contraire des
acteurs issus de la publicité et de la communication
qui se lancent dans l'interactif à l'image d'Euro
RSCG ou BDDP
et qui pourraient pêcher au contraire sur la partie
technologique. Notre valeur ajoutée se situe ici
dans notre caractère "guichet unique" recouvrant
les deux expertises. Mais je pense que le marché
est suffisamment énorme pour que chacun des acteurs
en place puisse saisir ses opportunités et se développer.
Quels
sont les principaux projets que vous avez menés jusqu'à
présent ?
Le
budget moyen des projets menés en 1999 s'estime entre
500.000 et 1million de francs. Cette année, la tendance
est à la hausse et les projets atteignent 2 à
3 millions de francs. A ce titre, on peut citer le projet
pour le groupe hôtelier Accor
dans le cadre de la refonte de leur site institutionnel
ou encore le projet d'intégration du site de General
Electric avec leur ERP Generix. Notre cible est donc
à 70% les grands comptes (top 100 des grands comptes
internationaux) principalement industrie et servcies. Nous
regardons de très près le secteur financier
qui laisse entrevoir de très beaux projets sur le
Web. Par ailleurs, nous étendons nos positions sur
le secteur des dot com. Le site d'achat groupés Clust
a par exemple fait appel à nos services pour la prochiane
version de son site (projet d'intégration) ou encore
le site de cartographie Maporama
(projet de design marketing).
Quelle
est votre politique en matière de partenariats ?
Je
ne vous étonnerai pas en vous parlant d'un partenariat
assez fort avec Microsoft selon 3 axes majeurs. Tout d'abord
au niveau technologique, nous recevons les bétas
des produits et bénéficions d'un important
transfert de technologie et support technique. Ensuite,
nous entretenons une étroite collaboration commerciale
: Clust est notamment le fruit de cette collaboration. enfin
sur le plan marketing, nous opérons conjointement
sur des séminaires ou des opérations presse.
Nous avons par ailleurs un partenariat avec France
Télécom Hébergement (FTH) pour
l'hébergement des sites de nos clients et enfin un
partenariat plus de l'ordre institutionnel avec l'association
française du commerce électronique EBG
(Electronic Business Group).
Quels
sont vos objectifs stratégiques et financiers à
l'horizon 2001 ?
Nous connaissons à l'heure
actuelle une forte croissance de l'ordre de 200% annuellement
avec un chiffre d'affaires de 9 millions de francs pour
l'année 1999 et un effectif d'une trentaine de personnes.
L'objectif fin 2000 est de 20 millions de francs. Nous achevons
actuellement une levée de fonds de l'ordre de 30
millions auprès de capitaux risqueurs (nous étions
auto-financés jusqu'à présent) afin
de soutenir notre croissance organique (recrutement) mais
aussi en prévision d'éventuelles acquisitions
futures. Ces dernières porteraient a priori sur des
sociétés technologiques (petites SSII) spécialisées
sur des niches type XML ou Wap.
Ingénieur
diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications
et titulaire d'un MBA de l'INSEAD, Jean-Yves Grisi a rejoint
Microsoft France en 1991. En 1995 il s'est vu confier
la direction marketing et commerciale de l'activité PME/PMI
où il a acquis une expérience des circuits de distribution,
notamment à valeur ajoutée, ainsi que du marketing clients
à l'attention des PME. En 1997, Jean-Yves Grisi a été
nommé directeur de la nouvelle division solutions d'entreprises.
A 37 ans, il rejoint en mars dernier l'agence Web Hitit
en tant que P-DG.
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