Véritable système nerveux de l'entreprise,
l'intranet a peu à peu gagné ses lettres de
noblesse au sein des entreprises en ouvrant des possibilités
de travail collaboratif et en optimisant les processus.
On a assisté l'an dernier à un foisonnement
de projets intranet qui font de l'année 1999, l'âge
d'or de l'intranet. Depuis ses débuts, l'intranet
s'est bien métamorphosé en passant de la vitrine
institutionnelle à un véritable outil d'optimisation.
L'agence Himalaya,
créée en 1990 a réalisé près
d'une quinzaine d'intranets principalement auprès
de grands comptes tels que Eridania Béghin Say qui
a obtenu au Festival Communica le dauphin de bronze en 1999.
Chez Himalaya, l'activité intranet a généré
un CA de l'ordre de 24,5 MF. Stéphane Guiran, revient
sur les grandes évolutions et les tendances actuelles
de l'Intranet.
Propos recueillis le 6 juin 2000 par Alexandra
Bissé
JI:
Quelles sont les attentes actuelles de vos clients en matière
d'intranet ?
Stéphane Guiran : On note une nette évolution
depuis les débuts de l'intranet il ya deux ou trois
ans. Trois nouveaux axes orientent désormais les
projets. Tout d'abord la volonté de délocaliser
la gestion de l'intranet. C'est-à-dire disposer d'un
intranet dynamique permettant de donner une autonomie et
une indépendance aux responsables du contenu dans
l'alimentation des rubriques et leur mise à jour.
La priorité n°1 est désormais la liberté
(sans intervention externe) et la notion de temps réel
dans l'accès à l'information.
La seconde demande est relative à la mise en place
d'un véritable outil de travail quotidien permettant
d'optimiser les processus de travail grâce à
l'intégration au système d'information de
l'entreprise (ndlr :le groupe PPR a mis en place
avec l'agence un intranet nommé movenet visant à
faciliter la mobilité interne des salariés
: une économie directe sur les processus de recrutement).
Enfin, la demande n°3 porte sur la nécessité
d'organiser et d'harmoniser les diverses ressources de l'entreprise
: faire communiquer 2 intranets ensemble ou deux départements
ensemble et ce en normalisant les technologies. En somme
fédérer les différents projets pour
mieux partager l'information. Une préoccupation encore
inexistante il y a quelques temps...
A
quoi ressemble l'intranet de l'an 2000 ?
Sur
le plan technologique, les projets se sont indéniablement
complexifiés et sophistiqués. Comme je l'évoquais
précédemment, les intranets sont désormais
dynamiques et non plus gaphiques comme beaucoup l'étaient
au départ. Un intranet version 2000 repose sur le
développement d'applications logicielles visant à
gérer un ensemble de tâches quotidiennes :
par exemple, pour une force de vente, la consultation et
la mise à jour de données clients... Nous
travaillons beaucoup en environnement Lotus Notes/Domino
et utilisons des technologies de type java ou bien en environnement
Outlook à partir du langage ASP.
Quelle est la place de l'audio-vidéo
dans les projets ?
Effectivement, les entreprises sont très attirées
par les technologies de streaming (diffusion de flux vidéo),
d'interactivité et de multimédia. En particulier
tout ce qui touche à la visio-conférence (ndlr
: Procter & Gamble a mis au point sur son intranet une
petite webcam indiquant aux salariés la queue au
niveau du self-service !) Cela peut paraître
gadget mais ça fait gagner du temps ! Néanmoins
ces fonctionnalités impliquent souvent de revoir
l'infrastrucure de télécommunications des
sociétés en installant des liaisons spécialisées
à haut débit et des systèmes de synchronisation
sur l'ensemble des listes de la société. L'autre
frein est dû à un parc d'équipements
hétérogènes au sein des entreprises
qui freine les déploiements de telles solutions.
Autre souci, la montée en charge des serveurs lors
de la connexion simultanée des salariés pour
télécharger un document vidéo par exemple.
L'intégration de ces technologies nécessite
donc de gros investissements d'infrastructure que les directions
ne sont pas toujours prêtes à consentir pour
un simple intranet...
Et
pour ce qui est du WAP ?
L'Intranet
mobile est effectivement une grande tendance face à
la montée du nomadisme et du travail distant. Pour
le moment destiné aux téléphones mobiles,
le WAP concernera bientôt également les assistants
de poche qui intégreront des puces. Le passage à
un intranet mobile nécessite de redévelopper
le site en WML en intégrant des feuilles de style
XSL par support téléphonique (pour le moment
seulement Nokia). Nous avons actuellement trois projets
d'intranet mobiles en cours. L'enjeu dans ce type de projet
est de procéder par versionning, c'est-à-dire
de ne pas intégrer immédiatement trop de fonctionnalités.
L'écueil le plus fréquent est de vouloir partir
avec trop de choses, il faut attendre que les utilisateurs
s'approprient l'outil.
Au
niveau de la stratégie relative à l'Intranet,
quelle a été l'évolution notée
cers dernières années ?
L'intranet
a pour vocation de toucher un large public dans l'entreprise
mais force est de contater qu'une partie des salariés
en particulier les salariés non pourvus d'ordinateurs
(la production en particulier) ne pouvaient en bénéficier.
Désormais nous travaillons pour certaines sociétés
sur la mise à disposition de bornes interactives
dans les espaces non pourvus d'ordinateurs. On assiste également
à la constitution progressive de petits groupes de
travail déterminés selon des critères
géographiques (par exemple selon les sites d'entreprises),
par pays (selon les filiales) ou bien par groupe métier
(par exemple les webmasters) ou bien encore des accès
réservés à des populations spécifiques
selon des critères horizontaux ou verticaux sur l'intranet
La
segmentation de l'intranet conduit à sa démultiplication
selon divers usages. N'est-ce pas un risque d'anarchie ?
Ce
phénomène est inévitable et il est
même sain de laisser se développer en autonomie
ces divers centres de profits distincts les uns des autres.
Néanmoins, il faut organiser ce développement
en l'anticipant. Fixer un cadre et des règles est
une très bonne approche pour maîtriser son
intranet (ndlr : le groupe Lafarge a établi
une charte qui prévoit notamment des espaces obligatoires
sur chaque page de l'intranet telle que la barre permanente
du groupe et des emplacements précis de personnalisation).
La mise en place d'outils de recherche et de processus de
référencement contribue à instaurer
un micro-monde sécurisé autonome et organisé.
Dans cette démarche l'engagement de la direction
générale est indispensable pour la légitimité
de ces règles.
Quels
sont les principaux écueils dans la mise en oeuvre
d'un projet Intranet ? Reste-t-il une part d'éducation
à mener ?
Les
principaux écueils viennent toujours des notions
de pouvoir entre les directions. Ce ne doit être ni
le monopole de la direction informatique ou de la communication.
Il faut prendre les décisions ensemble. Par ailleurs,
on rencontre parfois un certain immobilisme auprès
des entreprises qui ne sont pas assez réactives face
à l'évolution des technologies. Celles-ci
se cantonnent encore trop souvent à des technologies
propriétaires et hésitent à remettre
en cause des choix plus anciens. Par ailleurs, Il faut rester
réaliste dans les changements : certains gadgets
ne sont pas nécessaires.
On
parle beaucoup de personnalisation, de one to one. Ce principe
s'applique-t-il aussi à l'Intranet ?
Effectivement
les notions de personnalisation et de profiling sont des
notions clé désormais au niveau de l'intranet.
Elles constituent des moyens efficaces de puiser dans une
masse d'information pléthorique sans perdre trop
de temps. Et on rejoint l'idée de départ à
savoir la nécessité pour les sociétés
de faire de leur intranet un outil d'optimisation du travail.
Les salariés peuvent déterminer des pavés
d'infomation susceptibles de les intéresser. Cette
technique dite active où le salarié configure
lui-même son intranet est souvent mieux vécue
qu'une personnalisation implicite déduite des cheminements
de l'employé ("flicage").
L'optimisation de la recherche d'information est une problématique
clé dans les projets intranet en particulier à
l'époque des 35 heures où une telle application
peut par exemple faire gagner 10 minutes par jour. Répercutées
sur un mois de travail, le ROI est indéniable.
Quelle
est l'évolution des budgets consacrée à
l'intranet ?
Les
budgets dédiés à l'intranet restent
moins spectaculaires que ceux consacrés aux sites
Internet où les enjeux commerciaux sont plus forts.
Quoique cette différence tend à devenir moins
perceptible puisque les projets sont imbriqués les
uns aux autres (projets mixtes d'internet/Extranet et Intranet).
Néanmoins on note une augmentation des budgets qui
se situaient aux alentours de 500.000 francs jusqu'au million
de francs. Les budgets ont quasiment doublé en l'espace
d'un an (auparavant entre 200.000 et 600.000 francs). La
mise en place de sites dynamiques expliquent en partie cette
élévation des montants.
Diplômé
de l'ESSEC en 1991, Stéphane Guiran crée,
encore étudiant, l'agence Himalaya en 1990 , avec un de
ses collègues étudiants (Marc Semhoun) et
un ingénieur (Olivier Zimmer). Il occupe pendant 7 ans
les fonctions de directeur de création, en charge du design
et des choix créatifs dans les projets de relation client
(France Télécom, Yves Saint Laurent Parfums, France Loisirs,
General Electric, etc.). Il supervise entre 1997 et 1999
la mise en place de l'équipe de webdesigners et directeurs
artistiques internet. Depuis fin 1999, face à la
croissance de la société (15 personnes début
1999 - 150 personnes en juin 2000) il devient directeur
général et membre du conseil d'administration, particulièrement
en charge des départements consulting et design, ainsi
que de la direction Netflowers (marketing, R&D) et de
la direction de la communication d'Himalaya.
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