Unilog est une grande SSII qui représente aujourd'hui
environ 4 500 personnes, dont 900 en
Allemagne et 3 600 en France - 2 300 en
région parisienne et 1 300 en province
sous la charge du Président régions
Didier Herrmann. Son portefeuille de clients est rempli
de grands noms comme BASF, BMW, le Crédit Lyonnais,
Essilor, France Telecom Mobiles, et le ministère
de l'Economie, des Finances et de l'Industrie...
Propos recueillis le 19 novembre 1999 par François
Morel
JI:
Présentez-nous Unilog...
Didier Herrmann : En tant que SSII, nous nous
positionnons sur les prestations intellectuelles.
Nous intégrons les progiciels existants et
résolvons les problèmes d'informatisation
de nos clients. Pour cela, notre offre se déploie
autour de trois grands métiers : le consulting
et l'expertise qui permettent d'intervenir et de traduire
les préoccupations du client, le développement
et l'intégration de progiciels qui comprennent
notre savoir-faire de bâtisseur de solutions
et les aspects de maintenance utltérieure,
et une importante activité de formation pour
accompagner la mise en oeuvre des projets.
Comment
définiriez-vous le métier d'une SSII ?
Notre
métier est de rendre opérationnels les processus
et les procédures inhérants aux grandes fins
de l'entreprise. C'est aussi de mettre la technologie au
service de nos clients en leur apportant des solutions par
rapport à leur problématique, en les traduisant
en systèmes d'informations (SI).
Qui sont vos clients ?
Nous nous sommes toujours historiquement tournés
avec les grands comptes. Nous avons la taille et le
savoir-faire nécessaires pour mettre en oeuvre
des systèmes complexes qui leur sont adaptés,
et qui demandent que les interventions soient prises
en compte dans la longueur de façon pérenne.
98 % de nos clients sont au dessus du milliard
de francs, et 85 % de notre CA provient de contrats
avec des entreprises dont le chiffre d'affaires excède
3 milliards de francs.
Quelle
est votre stratégie d'expansion ?
Historiquement,
nous sommes une société très
parisienne. Il y a 6-7 ans, nous avons accéléré
notre pénétration en Europe. Comme les
grands comptes sont en général européens,
nous devons être capables de les accompagner
dans tous les pays. Nous avons donc choisi d'être
plus fortement présents dans un nombre limité
de pays en ciblant essentiellement l'Europe du Nord.
D'un autre côté, nous allons tisser des
liens de partenariat avec des entreprises dans le
Sud et l'Est de l'Europe. Beaucoup de nos confrères
SSII choisissent d'avoir 100 personnes en Allemagne,
100 en Italie, 100 en Grande Bretagne. Notre
principe est d'offrir la même qualité
partout, avec des structures suffisamment importantes
pour que cela soit possible.
Pourquoi
l'Europe du Nord ?
Ce
sont les plus grands pays. L'Allemagne, la France et la
Grande Bretagne représentent de 65 à
70 % du marché des services informatiques de
l'Union Européenne. Pour l'instant, nous avons une
grosse implantation en Allemagne que nous allons encore
développer. Unilog a racheté Integrata il
y a un peu plus d'un an, qui comportait à l'époque
près de 800 personnes, et en représente
aujourd'hui 900. Notre volonté, dans le sens de l'histoire,
était de devenir une société franco-allemande.
Comment
gérez vous les fusions en terme de management ?
Il
ne suffit pas de faire passer le management à la
sauce de tel ou tel pays. Il faut savoir récupérer
le meilleur des cultures. Le top management doit d'abord
être composé d'européens. C'est pour
nous un projet à 5 ou 10 ans. Nous allons
y faire ce que font la plupart des groupes industriels et
financiers, c'est à dire à terme toute une
fusion de cultures. Nos métiers sont des sociétés
d'hommes. Nous savons tous qu'un rachat sur deux ne fonctionne
pas et que dans 9 cas sur 10, la raison principale
est le non-respect des cultures.
Vous
intéressez-vous au monde anglo-saxon ?
Pour
la Grande Bretagne, nous avons entamé un processus
de recherche et de réflexion mais nous ne parlons
pas de ce que nous allons racheter. Nous voulons devenir
l'une des sociétés européennes reconnues
tout en demeurant indépendante. Unilog est l'une
des rares SSII française à l'être encore
complètement et à pouvoir le rester. Les Etats-Unis
ne nous intéressent pas à court ou moyen terme.
Nous y maintenons une veille technologique : plus de 10 personnes
d'Unilog se sont rendues récemment au Comdex. Mais
s'implanter là-bas représenterait un investissement
très lourd. Ce ne serait pas très réaliste,
ni compatible avec notre politique d'indépendance.
Pourquoi
cette volonté de rester indépendant ?
Nous
voulons être maître de notre destin. Dans nos
métiers, l'indépendance est le meilleur garant
de la qualité des prestations. En France, nous sommes
parmi les seuls à l'être resté. Chez
nous, c'est tout un processus organisé depuis 25 ans.
Sur les 5 fondateurs, 4 sont partis, mais les
problèmes de succession se règlent aussi 10 ans
à l'avance. Le marché connaît notre
volonté d'indépendance. Nous réfléchissons
déjà aux échéances suivantes,
avec une structure de contrôle qui nous permette de
l'assurer.
Que
pensez-vous de la concentration ?
Elle
est inévitable, même si on enregistre très
peu de mouvements de concentration en Europe. Le marché
est très dispersé : le numéro un mondial
n'en représente même pas 10 %. Pour l'instant,
nous ne savons pas quel sera le paysage demain. Personnellement,
je souhaite qu'il y ait plus de très grosses SSII
européennes. Il faudrait un peu plus de contrepoids.
En ce sens, j'ai observé avec intérêt
le rachat de Soleri par Debis.
Etes-vous
confrontés à la pénurie d'informaticiens
?
Cela
ne devrait pas durer longtemps. Dans nos métiers,
nous vivons une situation paradoxale, en étant d'une
part confrontés aux 35 heures, et de l'autre
à la pénurie. Nous allons embaucher des ingénieurs
venant d'autres filières et les convertir à
l'informatique. En
effet, il faut savoir que chaque année, les SSII
recrutent près d'1/3 de l'ensemble des écoles
d'ingénieurs. Mais aujourd'hui, les non-informaticiens
commencent à trouver du travail dans leur branche.
Cette grande difficulté de pouvoir recruter constitue
désormais un enjeu énorme.
Comment
allez-vous y répondre ?
Nous devons être plus attractifs
que nos confrères pour attirer plus de monde. Il
peut y avoir un petit frein à la croissance dû
au manque de main d'oeuvre, mais nous prévoyons
néanmoins de recruter 1 100 personnes.
Nous allons renforcer notre organisation déjà
bien rodée en communication et en formation. Mais
nous n'allons pas dévoiler tous nos secrets de
fabrication.
Quelle
est votre politique face au bug de l'An 2000 ?
Les problèmes liés
au bug de l'an 2000 ne représentent que de
2 à 3 % de notre chiffre d'affaires.
Nous avons travaillé davantage là
dessus en 1998 qu'en 1999. Nous refusons d'en faire
un business à part entière, et c'est
pourquoi nous n'avons pas proposé d'usines
de conversion. Certains
de nos collaborateurs
seront d'astreinte aux dates clefs simplement
pour aider nos clients à passer le cap de
l'an 2000 sans problème.
A
quels projets vous êtes-vous consacrés en
1999 ?
Cette année, les ERP ont
énormément tiré le business. Depuis
le deuxième semestre, ce sont essentiellement des
projets de CRM (Gestion de la relation client) et d'Intranet,
mais aussi tout ce qui touche aux fusions européennes.
Pour moi, l'e-business est l'une des composantes du CRM.
Quels
seront les grands chantiers de demain ?
La
GRH (Gestion des ressources humaines) est en train d'exploser
complètement. Et avec les 35 heures, il va
y avoir des besoins colossaux. Après l'an 2000,
deux grands domaines devraient représenter des
business considérables.
Lesquels ?
A 3-4 ans, c'est d'abord
le Knowledge Management. Les nouvelles clefs du succès
des entreprises vont être la capitalisation et la
mise à disposition des clients de l'ensemble des
savoirs accumulés depuis des années, de
façon structurée et informatisée.
La société Boeing, qui a licencié
massivement, s'est rendue compte qu'elle avait perdu un
savoir-faire énorme.
Mais avant cela, l'an 2000 ayant accéléré
la rénovation de tous les systèmes
standards, les avantages vont provenir de la connaissance
des clients et des processus de vente. Les interconnections
entre les entreprises et leurs partenaires vont
être amenées à se développer
par le biais de la SCM (gestion de la chaîne
logistique). Tout cela va créer la différence
entre des entreprises qui disposent toutes des mêmes
services de paie et du même savoir-faire.
Comment
comptez-vous anticiper la vague du Knowledge Management
?
Nous comptons clairement nous positionner
là-dessus. Nous travaillons beaucoup sur les outils
de groupware, par exemple. En France, les gens ont souvent
le sentiment que la connaissance est un instrument de
pouvoir qui doit être cloisonné. En faisant
cela, on aboutit à de faux systèmes de knowledge
management. Les sociétés qui réussiront
à mettre en place de vrais systèmes seront
celles qui réussiront tout court. C'est tout simplement
du darwinisme.
Diplômé
de l'école Polytechnique promotion 1969,
Didier Herrmann débute en 1972 dans
la start-up Informatique et Entreprise qui s'appellera
plus tard Unilog. Au bout de 5 ans, il devient
membre du Comité de direction puis Directeur
général de l'une des filiales.
En 1992, il intègre le directoire et le comité
éxécutif du groupe, et assume la charge
de président d'Unilog Régions.
Toutes nos interviews