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Analyse
 
28/11/2007

Conservation de données : quelles limites imposer aux moteurs de recherche ?

Face à l'intrusion dans leurs vie privée par les moteurs de recherche, les internautes font bouger les lignes de sociétés comme Google, Yahoo ou AOL. Mais les européens sont encore peu sensibilisés.
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Au fur et à mesure de l'ascension des parts de marché du moteur de recherche Google, l'inquiétude sur les conservations et l'utilisation des données d'internautes récoltées par ce moteur et ses concurrents s'est considérablement accrue. Les moteurs de recherche font figure de service incontournable sur le Web. Avec des milliards de requêtes par jour, ils amassent des informations en quantité sur leurs utilisateurs.

Pour les associations de consommateurs, lobbies et institutions gouvernementales, les moteurs de recherche - et en particulier Google - sont trop peu surveillés sur la conservation de ces données.

Une inquiétude qui s'est transformée en véritable affolement lorsque Google a annoncé son projet de rachat de Doubleclick pour 3,1 milliards de dollars en avril 2007 (lire l'article Google rachète DoubleClick du 17/04/2007). Une opération toujours examinée par la commission européenne, qui ne cesse de repousser les délais. Il y a quelques jours, la commission a annoncé donner sa réponse définitive pour le 2 avril 2008. En plus de la position qu'il octroie au moteur sur le marché de la publicité contextuelle, ce rachat soulève surtout la problématique autour du caractère privée des informations sur les habitudes des internautes récoltées par les deux acteurs. Google via son moteur de recherche et sa barre d'outils et Doubleclick à partir des bandeaux publicitaires.

Non seulement les moteurs de recherche restent flous sur le traitement des données récoltées mais des erreurs dans la conservation de ces données peuvent causer un préjudice sérieux aux internautes. A l'image de la mise en ligne accidentelle de données de recherche sur le moteur AOL aux Etats-Unis en 2006.

Le portail américain avait publié accidentellement 20 millions de requêtes de recherche partiellement anonymes. Certains utilisateurs avaient pu être retrouvés en observant la seule liste des requêtes quotidiennes sur plusieurs mois. En plus des données de recherche, les moteurs proposent en service une barre d'outil, qui peut s'avérer un véritable instrument d'espionnage. "La Google Barre par exemple renvoie en temps réel les sites visités au moteur", révèle Raphaël Richard, dirigeant de CVFM. En effet, pour afficher le PageRank d'une page, Google utilise l'adresse IP du poste et le relie avec l'URL de la page affichée. En amassant les données, il peut ainsi connaître les sites favoris, le temps passé sur chacun de ses sites et le parcours d'un internaute.

Certains moteurs peuvent être amenés à coopérer avec la justice

"Plus que le risque de divulgation de données, est-ce que Google est suffisamment clair ? Et par rapport à la loi sur l'informatique et la liberté, comment s'applique t'elle ? Un moteur laissera-ils aux utilisateurs la possibilité de supprimer leurs données personnelles ?" s'interroge Raphaël Richard.

D'autant plus que certains moteurs peuvent être amenés, en fonction des pays, à coopérer avec la justice. L'affaire Yahoo en Chine a accentué cette polémique. Le moteur a fourni sur demande des autorités du pays les informations de connexion du journaliste Shi Tao, entraînant l'arrestation et la condamnation de ce dernier à 10 ans de prison. Il avait communiqué par mail des informations du gouvernement chinois considérées comme secret d'Etat.

La conservation limitée dans le temps

Après le vent de fronde levé par les associations de consommateurs américains, les moteurs de recherche ont joué la transparence et revus à la baisse leur temps de conservation des données. Google, qui conservait jusque là adresses IP, cookies ID et requêtes indéfiniment, vient de limiter ce temps à 18 mois tandis que Yahoo et AOL descendent à 13 mois (lire l'article Les moteurs de recherche en faveur du respect de la vie privée du 10/08/2007).

Certains acteurs profitent de ce débat pour prendre des initiatives. "Ask prévoit le lancement de Ask Eraser. Cette fonctionnalité permettra à l'utilisateur de prendre le contrôle de ses données en activant un bouton, ce qui lui permet de définir les informations personnelles qui seront transmises", présente Irene Toporkoff-Mayer, directrice France de Ask.com. Une nouvelle fonctionnalité qui arrive d'ici la fin de l'année pour les pays anglophones et pour les autres pays d'ici la fin du premier semestre 2008.

"Aux Etats-Unis, la protection et le respect de la vie privée sont réclamés par les utilisateurs et de nombreuses associations sont créées dans ce but", indique la directrice France de Ask.com. Le CDT - Center for Democracy & Technology- demande la création d'une loi autour de la conservation des données par les moteurs de recherches. "En Europe, les internautes n'y accorde qu'un intérêt limité. Seuls les allemands réclament cette anonymisation de la recherche", ajoute cette dernière.

Pour les internautes français, la conservation de ces données par les moteurs de recherche ne semble pas présenter une priorité. Pour alerter ces derniers sur la puissance des moteurs de recherche, Raphaël Richard avait lancé en juin dernier un concours de search profiling à partir des comptes de recherche d'utilisateurs d'AOL. "Il n'y a pas eu de gros échos sur cette opération. Les données étaient en anglais et les mots clés concernaient des informations locales, ce qui freiné les participants, mais l'intérêt autour du sujet est resté très limité", explique le spécialiste en référencement.

 
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En attendant, quelques bonnes pratiques peuvent être prises pour rendre anonymes ses requêtes, à commencer par la suppression de son historique et à l'élimination des cookies placés par les sites web. L'internaute peut également utiliser un logiciel de surf anonyme, rendant ainsi impossible de l'authentification de son PC et limiter de lui-même son surf, en évitant de se rendre sur des sites dits "dangereux".

 


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