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Solutions: Pouvez-vous définir le positionnement de Microstrategy
par rapport à des acteurs comme Business Objects, Cognos... ?
Eric Guigné:
Notre métier initial se concentre sur les technologies décisionnelles.
Ce marché est assez vaste et comporte un grand nombre d'acteurs.
C'est pourquoi il faut y distinguer deux tendances : la business intelligence
et le one-to-one proactif. Au sein de la première tendance, il
existe deux catégories de produits. D'un côté, nous
retrouvons des acteurs comme Business Objects, Cognos ou Brio qui développent
des requêteurs pour attaquer des bases de données relationnelles.
Ces outils doivent passer par des serveurs de données intermédiaires
où ils recréent un cube, ce qui leur permet d'effectuer
l'analyse multidimensionnelle. Dans ce contexte, ce qui convient à
un département ne servira pas forcément à un autre
qui devra recréer un autre cube. En terme de duplication, de temps
passé et de volumes de données, ce n'est pas satisfaisant.
De l'autre côté, des sociétés comme Hyperion
avec EssBase ou Oracle créent des structures particulières
de cubes multidimensionnels dans lesquelles il est possible de recalculer
un certain nombre de croisements. Mais là aussi, ces structures
propriétaires ne conviennent qu'aux projets qui portent sur un
nombre limité de dimensions. S'il n'y en a que trois ou quatre,
pas de problème. Mais lorsqu'il faut en croiser trente, ce
n'est pas gérable.
Et
donc, où se situe Microstrategy ? Quels sont ses avantages
?
Nous avons inventé le ROlap, ou relationnel
Olap (Online analytical processing). Les
autres font du MOlap - "M" pour multidimensionnel. En clair,
nous stockons toutes les données sur une base relationnelle et
nous avons inventé un serveur d'applications qui sort du multidimensionnel
par la SGBDR (Solution de gestion des bases de données relationnelles).
Dans un environnement de navigation simple, l'utilisateur voit toutes
les données dont il a besoin, comme par exemple les tranches d'âge
des clients, leurs catégories socio-professionnelles, etc.
Donc nous attaquons exclusivement la base de données relationnelle.
Grâce à cela, nous pouvons traiter d'importants volumes de
données avec un grand nombre de croisements. C'est pourquoi l'un
de nos clients américains exploite 40 teraoctets de données
avec Microstrategy. Les autres produits que vous avez cités ne
leur permettraient de visualiser l'information que de manière partielle.
Pouvez-vous
répondre à toutes les problématiques décisionnelles
avec votre offre ?
Comme notre technologie est différente,
la plupart de nos clients ont aussi du Business Objects ou du Cognos qui
leur permettent essentiellement de représenter des parts de marché.
Nous avons aussi des outils de requête dans notre catalogue, mais
le plus souvent les entreprises ont déjà acheté un
autre produit. Nous pouvons servir les clients qui veulent tout en Microstrategy.
D'un autre côté, certains de nos utilisateurs ont aussi acheté
des technologies de type EssBase pour faire de la simulation budgétaire,
par exemple. Ils travaillent sur une grande masse d'informations mais
seulement avec deux ou quatre dimensions qui se croisent. Nos clients
de la grande distribution, en revanche, ont parfois besoin d'aller jusqu'au
ticket de caisse.
Justement,
que signifient tous ces croisements ?
En règle générale, ceux-ci
s'effectuent suivant deux axes principaux. Soit l'utilisateur analyse
par rapport à la zone géographique et croise avec des paramètres
comme le temps, les familles de produits, leur quantité, le prix...
voire des notions plus complexes comme les packs de Cola de 6 ou 12
cannettes ou même les versions sans caféine. Soit il cherche
à analyser par période et donc cela peut-être l'année,
le trimestre, le mois, le jour et la tranche horaire. Or, cette dernière
est importante par exemple pour le responsable du pilotage dans un supermarché,
qui veut savoir comment allouer ses caissières.
Après, il est encore possible de pratiquer de nouveaux croisements
avec les promotions. Les produits, aussi, ont une saisonnalité
qui est différente entre le rayon textile et un autre, entre les
t-shirts blancs et les couleurs. Quand l'un n'est plus en vente à
Lille, il peut toujours l'être à Marseille. Il faut donc
lancer un ensemble d'analyses chaque jour. Et là intervient l'enregistrement
des stocks qui permet de connaître leur vitesse d'érosion.
Dans certains cas, cela ne pose pas de problème, mais dans d'autres
un message doit apparaître de type "attention il ne reste plus
que 14 jours". Puis, il faut regarder ce que génère
le produit comme chiffre d'affaires et rentabilité. A partir de
là, le chef de rayon est à même de se réapprovisionner
si nécessaire. Notre produit peut aussi l'avertir s'il lui en reste
50 000 sur les bras. C'est après tous ces croisements
que l'entreprise peut décider d'une campagne de promotion.
Comment
constituez-vous des bases de données aussi gigantesques ?
Pour effectuer des travaux opérationnels
et générer de grands volumes de données, il faut
être capable de tout enregistrer. Mais il est très complexe
de stocker toutes les informations jusqu'aux tickets de caisse. Les ERP
sont une source très importante pour nous. Ici, nous rencontrons
beaucoup de systèmes sources chez nos clients. Dans le cadre de
la fusion entre Carrefour et Promodès, chacun disposait de son
propre ERP. Nous récupérons donc les données de tous
ces systèmes. Car il n'existe aucun groupe en France qui possède
un système d'informations parfaitement homogène.
Techniquement, nous avons un moteur SQL multi-chemins alors que les autres
s'appuient sur du multi-sélections. A partir des requêtes
SQL optimisées, nous engageons des tris sur le serveur de données,
là où se concentre le maximum de puissance. En général,
il s'agit d'un gros datacenter et les clients y placent des machines très
performantes. De ce fait, nous n'avons pas à transférer
des cubes plus ou moins importants car tout le traitement est centralisé
en une seule fois. Nous n'envoyons que le résultat final, qui lui
est léger. C'est pour cela que nous avons presque tous les grands
distributeurs parmi nos clients. Sur les cent premiers mondiaux dans le
retail, 92 sont nos clients, qu'il s'agisse de Carrefour, WalMart,
Metro, Cora, System U, les Galeries Lafayette ou même Auchan.
Avec
quels outils ETL vous interfacez-vous ? Et comment maintenez-vous l'intégrité
des métadonnées de bout en bout de la chaîne ?
Nous avons notamment des partenariats avec
Informatica et Ascential Software. Sinon, dans le cadre de notre base
de données relationnelle nous garantissons les métadonnées
avec une table de correspondance. Nous sommes aussi compatibles par défaut
avec le standard Metadata Coalition de Microsoft. Toutes les informations
sont extraites de tous les systèmes et arrivent dans un broker
de métadonnées.
Proposez-vous
des niveaux d'analyse supérieurs comme SAS, pour générer
par exemple des tableaux d'évaluation d'une activité (balanced
scorecards) ou faire des statistiques de data mining ?
Nos capacités nous permettent de faire
du balanced scorecard mais ce n'est pas vraiment notre tasse de thé
car il s'agit de paramétrages et de calculs très sophistiqués.
Dans ce cadre, les clients développent leur propre application.
D'ailleurs, les éditeurs qui se positionnent là dessus ont
du mal à survivre.
De son côté, le data mining s'adresse à des experts.
Il faut des produits très pointus qui pour SAS sont programmés
en SAS, et c'est très délicat. Ils analysent des sous-ensembles
pour faire de l'extraction et dégager des tendances. Ce sont des
trucs de statisticiens qui conviennent très bien, par exemple,
à des calculs d'élasticité aux prix sans obligation
de tout croiser. Avec notre offre, nous nous adressons à des personnes
qui ont besoin d'outils faciles pour attaquer de grands volumes. Ceci
nous permet d'attaquer volontairement tous les grands comptes en proposant
un niveau de granularité important. Et une fois que l'analyse produit
est réalisée, nous ne faisons plus du marketing produit
mais du marketing client.
A
part la grande distribution, quels sont les secteurs que vous rencontrez
le plus souvent ?
Nous réalisons 80 % de notre chiffre
d'affaires dans la grande distribution, la banque-assurance et les télécommunications.
Dans le second domaine, les banques cherchent à garder leurs clients
en proposant des services à valeur ajoutée. Nous analysons
donc la rentabilité, au départ pas sur tous les clients
mais seulement 5 000 ou 10 000. Une véritable segmentation
se dégage par la rentabilité. Les clients importants, par
exemple, ont des valeurs boursières. Nous pouvons intégrer
leurs préférences par rapport à tous leurs mouvements,
c'est à dire adopter leurs canaux de diffusion préférés.
Nous pouvons aussi bien envoyer une petite alerte gratuite de souscription
volontaire en SMS, qu'un email en cas d'agios, de débit ou de crédit.
Dans les banques, ces systèmes commencent juste à éclore.
C'est
donc cela le one-to-one proactif... Mais est-il aussi facile de pénétrer
ce marché en France qu'aux Etats-Unis ? Les mentalités ont-elles
évolué ?
Oui et non. Oui, car les banques font ce qu'il
faut pour perdre les mauvais clients et veulent garder ceux qui sont rentables.
Mais elles les perdent quand même. Une entreprise comme le Crédit
Lyonnais réalise 90 % de son chiffre d'affaires avec 3 %
de ses clients. Si elle perd la majorité de ces 3 %, elle
met la clef sous la porte. L'enjeu, quand on offre des services à
valeur ajoutée, passe donc par la stratégie de recrutement
des nouveaux clients. Il est possible de les attirer par rapport à
certains profils, ce qui rentre dans toute une stratégie d'acquisition
vis-à-vis de tel ou tel type de clientèle.
Non aussi, car aux Etats-Unis, les clients sont beaucoup plus automatisés.
Ce sont les rois du pager. Pour l'instant, nous n'avons vendu qu'un seul
système en France avec une bonne année de décalage.
Aux Etats-Unis, les consommateurs sont également bien informés
quand ils gagnent de l'argent, ce qui n'ose pas être dit en France.
Il s'agit là d'une difficulté culturelle énorme.
Si nous prenons l'exemple des brokers en ligne, le développement
du marché a été très fort aux Etats-Unis alors
qu'il n'a pas décollé en France. Mais il faut aussi laisser
le temps aux personnes de s'habituer.
Proposez-vous
une solution particulière dédiée au one-to-one proactif
?
Nous utilisons les mêmes modules de
segmentation, d'analyse, etc., auxquels nous rajoutons des technologies
de souscription. A l'aide d'un formulaire simple, le client entre ses
informations et paramètre ses écran de souscription.
Quelles
sont les nouveautés majeures dans la dernière version de
votre plate-forme ?
Dans MicroStrategy 8, nous avons surtout optimisé
le code pour travailler sur la diffusion vers des centaines de milliers
d'utilisateurs. Cela concerne toutes les technologies sur lesquelles nous
nous appuyons. Afin d'accroître le volume et les performances, toute
la partie déportée (reporting) a été redéveloppée
en HTML pur.
Depuis janvier
1997, Eric Guigné dirige la filiale française de MicroStrategy.
Titulaire d'un diplôme d'ingénieur ESIEA, il a d'abord consacré un an à
sa passion - la voile - en participant à la coupe de L'America en 1987,
avant de rejoindre, en 1988, l'éditeur Tadia en tant que consultant /
développeur. Un an plus tard, la société est rachetée par
l'éditeur français Concept dont il devient responsable des ventes, puis
directeur des ventes en 1991 pour le secteur Finance. En janvier 1992, il
crée la division française d'Hyperion dont il prend les rênes
pendant 4 ans avant d'être promu vice-président Europe du Sud.
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