A seulement vingt-quatre heures d'écart,
AOL et American Express ont annoncé cette semaine qu'ils ralliaient
le projet Liberty
Alliance initié notamment par Sun Microsystems en septembre
dernier. Avec l'adhésion de ces deux nouveaux membres de poids,
le projet concurrent de Passport (voir
notre article) - la plate-forme d'identification mutualisée
de Microsoft - acquiert une légitimité qui pourrait inquiéter
l'éditeur de Redmond. America
Online et ses 32 millions d'abonnés comme AmEx
avec ses 4 millions de possesseurs de Blue Card ne sont en effet pas
des partenaires tout à fait ordinaires, et Microsoft ne peut pas
l'ignorer.
Une nouvelle
donne
Il y a encore deux mois, le p-dg de Microsoft Steve Ballmer avait beau
jeu de faire remarquer qu'un programme lancé par Sun auquel son
partenaire AOL ne participait pas manquait un peu de crédibilité...
C'est
désormais chose faite. Avec en outre l'arrivée d'American
Express dans le projet, les choses deviennent sérieuses. Parmi
les 33 sociétés partenaires de Liberty, on trouvait en effet
jusqu'à hier des profils assez variés de sociétés
appartenant à des secteurs divers : télécommunications
(Cisco, Nokia, NTT DoCoMo, Sprint, Bell Canada, etc.), transport aérien
(American Airlines, United Airlines), électronique (Gemplus et
Schlumberger notamment), et quelques experts de la sécurité
(ActivCard, Entrust, RSA Security, Verisign). Mais de solution de paiement
point. C'est désormais chose faite également. Quant à
savoir si pour autant Liberty Alliance peut maintenant représenter
une alternative viable à Passport, ce qu'elle prétend être
en théorie, il y a encore loin du principe à la réalité.
Des atouts
dans la manche de Microsoft ...
Côté réalité, on peut observer en premier lieu
que Microsoft possède une longueur d'avance tout à fait
réelle sur le projet de Sun. Passport compterait ainsi 200 millions
d'utilisateurs actuellement selon Microsoft. Même si on corrige
ce chiffre et ne comptant que les utilisateurs réels du service
qui s'enregistrent pour bénéficier d'un login unique et
du service de paiement associé (et non pas les souscripteurs à
Hotmail que comptabilise l'éditeur), on arrive tout de même
à quelque 2 millions d'utilisateurs, selon certains analystes américains.
On peut également noter que la société de Bill Gates
a déjà mis en route sa plate-forme sur plusieurs centaines
de sites partenaires, et qu'il faudra du temps aux membres du projet pour
faire de même.
Mais également
dans celle du challenger
Mais sur le principe, plusieurs arguments jouent en faveur de l'alliance
construite autour de Sun. La notoriété de ses membres d'abord,
et la liste plus haut est exemplaire.
L'esprit du projet ensuite, qui se veut un contre-exemple de de la solution
de Microsoft, présentée comme monopolistique par ses adversaires,
et qui joue l'ouverture contre la fermeture. Ainsi le président
et p-dg d'AOL n'a t-il pas hésité à déclarer
: "Nous sommes convaincus que l'approche coopérative et décentralisée
de Liberty Alliance encouragera à la fois la compétition
et la liberté de choix des utilisateurs, tout en protégeant
la sécurité et la confidentialité". Et bien
entendu, la virginité dont jouit pour le moment l'alliance en termes
de sécurité - et pour cause, puisque rien n'existe aujourd'hui.
Les récents failles de Passport mises à jour le mois dernier
par un membre de l'Apache Software Foundation (voir
notre article) font peser quelques doutes sur les mesures de sécurité
Microsoft, et on peut penser qu'un projet averti en valant (au moins)
deux, l'alliance sera extrêmement prudente lors du lancement de
sa propre solution.
Le responsable stratégique de Sun, Jonathan Schwartz, a indiqué
que de plus amples détails sur l'avancée des opéations
du projet seraient donnés dans les semaines qui viennent. On peut
penser que d'ici là Microsoft aura réagi et, pourquoi pas,
peut-être même pour annoncer un rapprochement au moins partiel
avec son principal rival ?
[Marc Lemesle, JDNet] |