Philip Crawford,
et Olivier Faugère (I2 Technologies) : "
"HP économisait 1% avec l'e-procurement. Avec la collaboration, ils économisent 20%""

Par le JDNet Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/itws/011218_it_i2_faugerecrawford.shtml


Ce que Siebel est au CRM, ce que Business Objects est à la business intelligence... I2 Technologies l'est à la gestion de la chaîne logistique (SCM). Hormis des partenariats forts avec ces deux premiers acteurs et d'autres comme BEA qui complètent son offre, l'éditeur ne s'est pas arrêté à son positionnement historique. En milieu d'année, il rachète RightWorks et concurrence dans le domaine de l'e-procurement (gestion des approvisionnements) son ex-partenaire Ariba qui avait voulu le trahir avec Agile. L'an dernier, il procédait à la plus importante acquisition de l'histoire du logiciel pour l'époque, en mars 2000: Aspect Development (et non Content Europe, erratum) pour 9,3 milliards de dollars.

Si d'aucuns ont rappelé la difficile et coûteuse intégration des technologies acquises dans l'offre de I2, celles-ci sont désormais rassemblées au sein de la plate-forme flambant neuve Five.Two. Un ensemble de solutions logicielles qui ne boude ni le SCM, ni le CRM entre acteurs du b-to-b, ni le SRM (gestion des relations fournisseurs). Pour faire le point sur l'offre en cours et à venir, nous avons mené deux entretiens successifs: d'abord Olivier Faugère, nommé vice-président Europe du Sud depuis la dissolution de l'Alliance, puis Philip Crawford qui avait déjà répondu à nos questions comme président d'EDS International. Notre point de vue sur I2 ? Un éditeur qui concurrence de plus en plus ceux de l'ERP traditionnel, comme SAP et Oracle.


Propos recueillis par François Morel le 18/12/2001

JDNet Solutions: Qu'apportez-vous de nouveau avec Five.Two (5.2), la dernière version de votre solution ?

 

Olivier Faugère: Five.Two est en fait le nom générique que nous avons donné à l'ensemble de notre offre. Tous nos produits sont à présent regroupés en une plate-forme complète dédiée à la gestion dynamique de la chaîne de valeur. Nous avons procédé à plusieurs acquisitions ces deux dernières années, et nous avons élargi notre spectre au delà du Supply chain planning et management (planification et gestion de la chaîne logistique). Les orientations que nous avons prises, par exemple, correspondent au SRM (Supplier relationship management) pour aider l'entreprise à collaborer avec ses fournisseurs en ligne, et au CRM dans le cadre de relations b-to-b.

Nous nous sommes donc retrouvés avec un champ d'activité très large. Et nous avons décidé d'intégrer toutes ces applications entre elles pour donner les moyens à l'entreprise d'optimiser son activité à l'intérieur de ses quatre murs mais aussi à travers toute la chaîne de valeur. Par celle-ci, nous entendons principalement ses relations avec ses clients et ses fournisseurs. Nous avons acquis entre autres des applications des les domaines du SCM, du CRM et du SRM, et nous avons construit un ensemble qui fonctionne de façon intégrée avec la technologie d'I2 basée sur le Web. Cette intégration a porté sur le fait de resserrer les liens entre toutes ces applications, mais aussi avec le monde extérieur et les systèmes existants des entreprises, comme les ERP.

Pourquoi avez-vous décidé de vous élargir hors de votre positionnement initial : le SCM (gestion de la chaîne logistique) ?
O.F.: Nous constatons que les entreprises ont réalisé des économies importantes grâce au SCM. Pour donner quelques exemples: des réductions de stocks de 25 à 60 % selon les industries, une amélioration des capacités de production de 10 à 20 %, et des prévisions de vente en hausse de 25 à 80 %. Partant de ces observations, nous avons construit une offre qui permet à l'entreprise d'étendre l'optimisation en dehors de ses murs, à travers ce que nous appelons la "supply chain" étendue.

Jusqu'à présent, les optimisations étaient réalisées au niveau de chaque fonction, avec comme image probante celle des silos équipés d'ERP. Mais le plus souvent, une optimisation concurrente de chacun des silos ne correspond pas à une optimisation globale. Peut-être que l'entreprise achetait bien suivant ce principe, mais cela avait une répercussion sur les stocks car les achats doivent être plus importants pour baisser les prix. Nous nous sommes donc rendus compte que le besoin se tournait à présent vers l'optimisation de la chaîne de valeur en même temps à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. Le résultat se nomme I2 Five.Two. Il s'agit désormais de notre famille de produits et services qui fournissent la capacité à traiter de gros volumes tout en étant fiables et faciles d'utilisation, et qui offrent des fonctionnalités pour améliorer toute cette chaîne de valeur.

Il y a un an, vous étiez alliés avec Ariba et IBM, et aujourd'hui l'Alliance est rompue. Aujourd'hui, vous débordez aussi sur le domaine historique d'Ariba : l'e-procurement. Avec le recul, quel commentaire apportez-vous là-dessus ?
O.F.: Aujourd'hui, il existe un débordement clair de l'offre de I2 sur celle d'Ariba. A l'époque, nous avions monté une alliance car nous avions déjà notre vision sans toutefois disposer de solution pour gérer les achats indirects. Or, Ariba était un acteur de niche et avait cette solution. Il s'avère que nous avons monté pas mal de projets ensemble, comme WorldWide Retail Exchange, et cette dernière a migré entre temps de Ariba Buyer vers I2 eProcurement.

Mais la raison pour laquelle nous avons décidé de rompre est d'abord liée au fait que Ariba n'a pas voulu rester dans le domaine de l'e-procurement, et a souhaité rentrer dans le SCM. Ils ont déclaré qu'ils voulaient racheter Agile, et nous leur avons répondu que s'ils le faisaient, nous reprendrions leur concurrent RightWorks. Tandis qu'ils ont raté leur opération, nous avons acquis la meilleure solution sur le marché, et nous avons arrêté nos relations avec Ariba. Maintenant, nous avons notre propre offre qui s'intègre à nos autres composantes. Je pense que nous avons eu raison d'investir dans ce domaine, ce qui nous apporte aujourd'hui une couverture importante des applications e-business. Et aujourd'hui, RightWorks est complètement intégré à Five.Two.

Pour approfondir sur l'e-procurement, les technologies comme le RoundTrip de Commerce One et son équivalent Punch Out chez Ariba ont prouvé leur efficacité. Fournissez-vous cela vous aussi ?
Philip Crawford: Le nom de notre produit spécifique est eProcurement, et la solution permet notamment de procéder à des allers-retours sur les sites des fournisseurs. Mais notre plate-forme est beaucoup plus large, puisque nous offrons aussi bien du SCM, que du CRM et du SRM. Or, nous fournissons ces capacités ensemble. Bien sûr, les acheteurs dans les entreprises peuvent accéder à d'autres places de marché publiques et privées à partir d'une place de marché équipée d'I2, mais cela représente juste une petite part de l'équation aujourd'hui.

Quelle est la plus grande part pour l'entreprise, si nous suivons votre raisonnement ?
P.C.: Nous avons récemment signé un contrat avec HP, qui dépensent 20 milliards de dollars en approvisionnements. Mais la problématique de HP était très importante. Et devinez où ils gagnent le plus à présent ? La collaboration avec leurs fournisseurs. Ce travail s'effectue aussi bien sur des places de marché publiques que privées. Avec l'e-procurement seul, il économisaient moins de 1 % sur leurs dépenses. Aujourd'hui, avec la collaboration dans le cadre du SRM, ils en économisent 20 %.

Cette collaboration s'est d'abord étendue au design des produits, entre des ingénieurs qui se sont mis à concevoir des parties en commun, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre de pièces. Après cela, ils ont réalisé une économie énorme dans la collaboration autour de la demande en terme d'inventaire. En utilisant leur vieux système ERP, il leur a fallu seulement 6 semaines pour pouvoir communiquer avec leurs fournisseurs. HP revendait ses imprimantes et anticipait la demande sur des mois. Nous avons réduit cette estimation à 6 semaines d'inventaire en flux continu dans la chaîne logistique avec des possibilités de requête instantanée. En comparaison, Dell obtient les informations sur ses fournisseurs en plusieurs heures. Et en utilisant le même système en ayant accès au même logiciel, le fournisseur n'investit plus dans un inventaire qui n'est plus requis par HP. C'est ce principe de communication temps réel qui permet 20 % d'économie.

Lorsque l'on évoque la planification de la chaîne logistique, l'on pense tout de suite à I2. Mais êtes vous aussi un acteur de la "supply chain execution" ?
O.F.: Avec Five.Two, l'autre nouveauté tient dans le fait que nous proposons en même temps les fonctions de "supply chain planning" et de "supply chain execution". Nous n'offrons pas seulement les outils de décision, mais aussi ceux qui permettent la mise en pratique. Et en cela, nous marchons sur les plates-bandes des éditeurs de progiciels de gestion intégrés. Mais à la différence des ERP, nous ajoutons les couches d'optimisation qui permettent à l'entreprise de faire des économies. Notre démarche est de proposer des applications très modulaires qui peuvent être mises en oeuvre de façon incrémentale. Par rapport aux éditeurs d'ERP, nous avons des solutions plus simples à mettre en oeuvre, plus faciles à utiliser et évolutives.

Mais si l'on regarde ces mêmes éditeurs d'ERP, leurs progiciels sont aussi modulaires. N'êtes-vous pas en train de fabriquer un super ERP pour l'e-business comme ce que tentent d'autres acteurs tels SAP ?
O.F.: Les modules SAP, il faut voir en combien de temps l'on arrive à les mettre en oeuvre. En ce qui nous concerne, il nous suffit de deux ou trois mois au maximum pour l'implémentation, et nous dégageons des résultats tout de suite. Même les premiers modules de l'ERP, sans aller très loin, prennent plus de temps à intégrer. La raison pour laquelle Siemens nous a choisi est qu'ils ont plus de 300 instances SAP qui ont toutes les difficultés à communiquer entre elles. Et nous leurs offrons la capacité d'optimiser la chaîne logistique à travers toutes ces divisions. Notre force est de permettre l'optimisation de la chaîne de valeur et la collaboration entre des entreprises qui ont de multiples divisions, branches ou activités. Et seule notre technologie sait faire ça aujourd'hui .

A travers une couche additive EAI, je suppose... ?
O.F.: Pour les progiciels de gestion intégrés, il est clair qu'il faut une couche EAI. Du reste, en ce qui concerne les ERP, une même marque ne sait le plus souvent pas s'intégrer toute seule à l'intérieur d'elle-même. De notre côté, notre offre apporte d'abord de la visibilité à travers de multiples instances de systèmes dans différentes branches et à des étapes diverses de la chaîne logistique étendue. Par dessus cela, nous avons des outils qui permettent de prendre des décisions plus rapidement. et c'est la visibilité dans l'obtention des informations qui permet de prendre les meilleures décisions. Or, nous arrivons à résoudre de multiples questions comme: que faut-il acheter, où et quand ? Où faut-il le fabriquer ? Quel produit lancer sur le marché et quand le lancer ? Faut-il externaliser tout ou partie de ce que l'on fabrique ? Comment positionner l'offre ? A quel prix ? Et que substituer si le produit n'est plus disponible ? Qu'est-ce qui est en stock, en interne et chez les fournisseurs ? Comment promettre un délai de disponibilité fiable ? Et encore beaucoup d'autres...

Proposez-vous d'étendre cette partie décisionnelle avec des outils d'acteurs de la business intelligence, comme SAS qui propose notamment une offre verticalisée "supply chain" ?
P.C.: Nous entretenons des relations avec SAS dans le cadre desquelles nous fournissons des connecteurs vers leur solution. Mais nous disposons surtout d'un partenariat avec Business Objects qui est beaucoup plus fort.

O.F.: Nous avons aussi nos propres outils de reporting, et nous avons Business Objects qui est totalement intégré aux solutions d'I2. Ici, la valeur que nous offrons est la façon dont nous l'avons intégré. Ce qui fait que nous proposons de multiples solutions pour le reporting. A partir du moment où l'on peut croiser les rapports, l'on offre une visibilité qui permet déjà une certaine forme d'optimisation. Pour aller plus loin, Business Objects est inclus dans beaucoup de nos offres.

A partir de maintenant, quelles vont être vos grandes orientations, entre autres sur le plan technologique ? Travaillez-vous avec des éditeurs comme Microsoft ou Oracle dans le domaine des Web Services ?
O.F.: En terme de "business", nous ne voulons plus nous focaliser uniquement sur les grands comptes, et dès aujourd'hui nous travaillons avec des entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250-300 millions d'euros et 1 milliard d'euros. Nous mettons aussi en place une nouvelle organisation en fonction des territoires géographiques et non plus par industries verticales. A court terme, nous allons diffuser une annonce majeure à ce sujet. D'autre part, beaucoup de nos logiciels sont à présent disponibles sous forme de souscription. Les clients peuvent y souscrire et obtenir un service de notre part. Par exemple, nous avons de nombreuses bases de données que nous leur mettons à disposition à travers le Web.

A propos des Web Services, nous travaillons peu avec Microsoft mais beaucoup avec tous les autres. C'est lié à la compétition sur le marché: ils ne font pas de SCM et travaillent avec nos concurrents. Mais avec tous les autres: HP et Compaq, Sun, IBM, BEA... Quant à Oracle, c'est un concurrent mais nous ne les voyons pas beaucoup en face de nous.

P.C.: Dans le domaine des Web Services, BEA sont ceux avec qui nous travaillons le plus. Dans leur serveur Weblogic, ils ont toute une architecture dédiée. Mais aussi, notre propre architecture est conçue pour accepter des Web Services de n'importe quel fournisseur. Sur le plan technologique, un autre domaine auquel nous nous intéressons est le MRP (Material requirements planning, qui détermine les pièces à fabriquer et leur ordre de fabrication en fonction d'une date précise, ndlr). Ces progiciels sont en général beaucoup plus lents que ceux dédiés au SCM. La plupart du temps, ils font partie des ERP, mais ils constituent un bloc de la chaîne logistique auprès des fournisseurs. Il s'agit d'optimisation d'usine. Et nous allons définir quelle stratégie adopter à cet égard.



Nommé en mai 2001 à la tête de I2 sur la zone couvrant l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, Philip Crawford travaillait depuis novembre 1999 pour la SSII EDS en tant que président d'EDS International. Auparavant, il était vice-président d'Oracle, d'abord pour la zone couvrant la Grande-Bretagne et l'Irlande (1995), puis au niveau corporate à partir de 1998. D'origine anglaise, il intervient à ses heures dans sur les médias britanniques. Diplômé en métallurgie à l'école polytechnique de Sheffield en Grande-Bretagne, Philip Crawford a entamé sa carrière chez l'éditeur MSA (Management Science America) avant d'intégrer Bull.

De son côté, Olivier Faugère, 41 ans, a intégré I2 Technologies en janvier 1999. Avant d'être nommé directeur Europe du Sud en août dernier, il a d'abord été directeur du marketing pour l'Europe du Sud, puis directeur Europe des alliances en septembre 2000. De 1997 à 1999, il occupe le poste de senior manager strategy practice au sein du cabinet de conseil Andersen Consulting. Parmi ses précédentes fonctions, il a assumé celles de directeur logistique de Quaker France, et directeur des opérations Europe chez General Electric Medical Systems. En 1986, il est sorti major de sa promotion muni d'un diplôme de l'Institut d'administration des entreprises de l'Université d'Aix en Provence.



Pour tout problème de consultation, écrivez au Webmaster
Copyrights et reproductions . Données personnelles
Copyright 2006 Benchmark Group - 69-71 avenue Pierre Grenier
92517 Boulogne Billancourt Cedex, FRANCE