Au sommaire de Ça
existe ?
Au fur et à mesure que
grandit le réseau Internet, le problème se pose de savoir
comment pallier son manque de structure. Pour répondre à
cette problématique, les chercheurs en "computer science"
travaillant à la normalisation des réseaux au sein de la
sacro-sainte IETF (Internet
Engineering Task Force) ont voté fin 1994 pour établir IPv6
comme le digne successeur de IPv4, l'actuel protocole d'Internet qui définit
les règles de la transmission par paquets. Et ce n'est qu'en 2001
que les premiers routeurs IPv6 de Juniper Networks (lire
l'interview de son directeur technique Hector Avalos), mais aussi
Cisco et Nokia - parmi ses créateurs - ont commencé
à être déployés sur les réseaux à
haut débit des plus grands opérateurs. Deux ans auparavant
l'IANA, l'organisme gérant l'attribution des noms de domaines devenu
ICANN, dévoilait les premières allocations publiques d'IPv6.
Au final, Internet ne devrait devenir "tout-IPv6" qu'entre les
années 2005 et 2010. Et là pourrait s'ouvrir le bal pour
élire parmi plusieurs spécifications celle qui comblera
utilement les manques de la version 6 du protocole d'Internet.
Des
manques déjà en cours d'identification par les mêmes
équipes de chercheurs en "computer science". Le futur
du réseau des réseaux se dessine de longues années
à l'avance, et ce successeur possible pourrait ne voir le jour
qu'en 2015 ou 2020 si l'on se base sur le temps nécessaire à
la démocratisation effective de IPv6. Soit plus de 10 ou 15 longues
années de développements, de tests, et de déploiement
depuis les infrastructures à haut débit des opérateurs
jusqu'aux applications finales.
IPv5 n'a jamais existé,
IPv7 a avorté avant de naître
A l'époque du dernier choix,
le 17 novembre 1994, trois options (selon Hector Avalos) s'offraient
à ceux qui, au sein de l'IETF, avaient déjà perçu
les limites de la version 4 de IP (Internet Protocol) en 1991-92. Une
"Recommandation pour le protocole
IP de prochaine génération" avait été
émise lors du sommet de l'IETF à Toronto le 25 juin
1994. Peu après cette date, il fut décidé que celle
de ces trois options techniques qui serait élue porterait le nom
de IPv6 (Internet Protocol version 6).
Mais qu'est-il, entre temps, advenu de la spécification IPv5 ?
Celle-ci n'a jamais existé, du moins en tant que version intermédiaire
du protocole Internet. La dénomination qualifie, dans les faits,
un autre standard: ST2+ (Streaming protocol) qui a pour but d'allouer
de la bande passante à des fllux de données en temps réel
et de les contrôler. Mais celui-ci a été abandonné
récemment au profit de RSVP (Reservation Protocol).
Grâce à son mode d'adressage en 128 bits, contre seulement
32 bits pour l'actuelle version 4, IPv6 devrait être capable
de gérer près de 4 milliards d'adresses IP.
C'est
pourquoi il faudra attendre un certain nombre d'années avant que
la saturation ne gagne les réseaux mis au goût du jour. Au
delà, son successeur pourrait logiquement porter le nom IPv7. Et
pourtant, un draft, ou projet
daté de décembre 1992 portant précisément
sur cette spécification la qualifie de successeur potentiel à
IPv4. Mais au delà de la date d'expiration du projet, le 4 juin
1993, plus aucun document accessible ne paraît en faire mention.
IPv7, qui était limité à un adressage en 64 bits,
est tombé aux oubliettes.
IPv8 et IPv16 pourraient corriger l'indiscrétion
de IPv6
Avant d'aborder les candidats sérieux à la succession
du protocole Internet numéro 6, passons rapidement sur IPv9. Deux
"requests for comments" (appels à commentaires diffusés
régulièrement lors de la proposition de nouveaux standards)
publiés en 1994 en font mention pour la première fois. Nous
avons retrouvé l'un d'eux, daté exactement du... 1er
avril. A la lecture de ce document formaté comme un authentique
mais rempli d'aberrations, un expert des réseaux pourrait choisir
entre le rire et les larmes.
Alors, quelle sera l'alternative qui nous sauvegardera des problèmes
que nous n'imaginons pas encore, nous qui ne sommes pas dans le secret
du Tao, en l'occurrence l'IETF ? La solution se trouve peut-être
dans le tandem IPv8 / IPv16. Un commentaire posté sur le site de
l'ICANN, titré "les
assignations d'adresses IPv8 pour IPv6" soulève une série
de questions qui auraient pu échapper au lecteur inattentif du
texte de la spécification actuellement en cours de déploiement.
L'en-tête des paquets IPv6 est formée à partir des
numéros de série de la machine de l'internaute qui a envoyé
les données. En clair, il semble possible par ce biais d'identifier
un fauteur de trouble et de lui interdire l'accès à des
services. Mais qu'advient-il si celui-ci a revendu sa machine d'occasion
à un malchanceux ? Au mieux, les portes de certains sites lui resteront
fermées. IPv8 et IPv16, qui codent aussi l'adressage en 128 bits,
pourraient corriger ce problème.
IPv6 conserve les mauvaises habitudes de routage
Un autre
message publié cette fois-ci sur le site du RIPE (Réseaux
IP Européens) décrit un conservatisme de IPv6. Le RIPE est
une communauté de collaboration ouverte bien connue chargée
d'assurer la coordination des réseaux pan-européens. Ici,
il est fait état du fait que IPv8 a été conçu
pour prendre en compte la couche de signaux ATM inférieure, conçue
pour le routage avancé, contrairement à IPv6. De fait, ce
dernier se trouve affublé du défaut "World Wide Wait".
En clair, au lieu de diviser les paquets pour leur faire emprunter les
routes les moins encombrées et les reconstituer à l'arrivée,
tous passent par les mêmes étapes transitoires et attendent
la décongestion.
Malgré leurs avantages, le problème est que IPv8 et IPv16
ne sont pas reconnus comme successeurs officiels de IPv6. Au mieux, ce
sont des alternatives imaginées pour corriger ses défauts.
A l'heure actuelle, la plupart des organisations chargées de réguler
les standards gardent plutôt la tête dans le guidon pour affermir
la version 6 d'Internet, enrichir son environnement et garantir son déploiement
efficace autour de la planète. Et puis, elles ont le temps de voir
venir avant que le réseau mondial ne court de nouveau vers la saturation.
Lorsque cette date sera venue, les propositions émanant des versions
8 et 16 virtuelles pourraient servir de base au redressement de certains
défauts. Dans tous les cas, ce seront les pontes de l'IETF qui
décideront de la prochaine prochaine génération d'Internet.
Si ce dernier existe toujours, tout comme l'organisme de standardisation...
Pour plus d'informations sur IPv6 : IPv6Forum.com
et le site de l'Internet
Society France
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[François Morel, JDNet]