Comment la notion de retour
sur investissement est-elle appréhendée par les entreprises
?
Philippe Ausseur:
L'année dernière, nous avons interrogé environ 800
dirigeants de PME, des entreprises de 300 millions d'euros de CA au maximum,
sur le ROI de leurs investissements e-business. Nous avons appris à
cette occasion que la majeure partie des entreprises n'ont qu'une approche
très empirique du ROI. Très peu de projets font réellement
l'objet d'une étude préalable qui définit des objectifs,
des indicateurs, etc.
Etant donné le contexte économique,
cette situation n'est-elle pas en train d'évoluer ? On a le sentiment
que les entreprises deviennent plus exigentes sur l'apport des technologies...
C'est vrai, cette tendance existe. Aujourd'hui,
avant même les directions informatiques ou les directions financières,
les directions générales demandent des engagements sur le
ROI. C'est de plus en plus un préalable au lancement de nouveaux
projets. Logique, les déploiements d'ERP sont passés par
là et, désormais, les chefs d'entreprise sont soucieux de
ne pas engloutir la marge de l'entreprise dans le système d'information.
La préoccupation est donc réelle; en revanche, les intéressés
se sentent assez démunis pour comprendre comment mesurer le ROI.
Certains éditeurs de logiciels semblent
avoir compris le message puisqu'ils proposent des modes de tarification
indexés sur le ROI. Ces approches vous semblent-elles aller dans
le bon sens ?
Les grands éditeurs ont en effet intégré
dans leur marketing la promesse du ROI. Problème: pour le mesurer,
ils s'en tiennent à des indicateurs très généraux
comme la progression du chiffre d'affaires de l'entreprise. Autant dire
qu'ils ne prennent pas trop de risques.
Mais est-il réellement possible de mesurer
de manière quantitative le ROI de tous les projets e-business ?
Non, cela dépend vraiment de la nature
des projets. On peut distinguer quatre grand types:
Les projets orientés production de données. Typiquement
le déploiement d'un progiciel de gestion intégré
(ERP).
Les projets tournés avant tout vers la communication.
Je pense ici à un intranet dédié à la collaboration
interne ou à un extranet conçu à destination des
clients.
Les projets orientés interprétation des données.
Tout ce qui touche par exemple au décisionnel, à l'analyse
des données client.
Les projets d'intégration qui débouchent entre autres sur
des déploiements de plates-formes d'EAI.
Si l'on regarde cette catégorisation, il est évident que
les projets les plus faciles à appréhender en termes de
ROI sont ceux tournés vers la production de données. Tout
simplement parce qu'il s'agit de mesurer des économies, de temps
et, soyons francs, d'effectifs.
Pour des solutions
dites de collaboration, comment évaluer les gains de productivité
?
Dans le cas d'un extranet client, il s'agit d'identifier
non pas des gains en termes de réduction de coûts mais de
recettes. Pour mesurer l'efficacité des ventes, on va donc s'intéresser
au nombre de lignes de produit par client, au taux de transformation contact/client
ou encore au nombre de contacts/jour. Et pour évaluer la satisfaction
client, on se penchera sur des données comme les taux d'attente,
d'abandon, etc. Dans le cas d'un intranet, en revanche, on pourra regarder
de près les économies réalisées en matière
de télécommunications (fax et téléphones).
Dans plusieurs cas, nous avons observé que ces seules économies
remboursaient le projet en un an.
Pour les déploiements qui concernent le
domaine du décisionnel, sur quels indicateurs travaillez-vous ?
C'est probablement le cas
le plus difficile. Ces solutions automatisent la collecte des données
dans des tableaux de bord. De ce point de vue, elles économisent
donc du temps. D'un autre côté, ces tableaux de bord suscitent
un travail d'analyse qui n'était pas possible avant et... qui consomme
du temps. Or mesurer les gains de cette analyse reste très délicat
aujourd'hui.
Pour le quatrième
type de projets que vous évoquiez, ceux relatifs à l'intégration,
les retours d'expérience sont encore minces. Comment procédez-vous
?
Ces solutions visent à fluidifier les
processus. Il paraît donc pertinent de s'intéresser aux cycles
de processus, au temps qu'ils consomment. Cela dit, sur ce sujet là,
particulièrement sur l'EAI, nous sommes très prudents dans
nos actions de conseil. Nous constatons que ces solutions ont encore une
belle marge de progression en ce qui concerne la facilité de leur
mise en oeuvre... Résultat, les entreprises sont encore loin d'utiliser
tout le potentiel des plates-formes d'EAI. Dans les faits, certaines les
exploitent d'ailleurs comme des outils d'ETL (logiciels de transfert de
données) et non comme des solutions de gestion des processus. Difficile
dans ces conditions de parler "ROI". Il faudra probablement
attendre pour cela une nouvelle vague de solutions.
Précédemment,
vous évoquiez la crainte des directions générales
de voir les investissements technologiques manger leurs marges. Pour rester
à l'écart de ce risque, existe-t-il des plafonds à
ne pas dépasser ?
Absolument. Notre expérience nous confirme
que le coût d'exploitation d'un système d'information doit
osciller en moyenne entre 1,5 et 2% du chiffre d'affaires. Au-delà,
nous avons observé que l'entreprise prenait souvent des risques...