Philippe Ausseur (Ernst & Young) : "
"Jusqu'à présent, les entreprises ont une approche très empirique du ROI""

Par le JDNet Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/itws/020311_it_ausseur.shtml


Exigeantes, méfiantes, voire sceptiques... Depuis le début de l'année, éditeurs et prestataires s'accordent pour juger que les entreprises ont sensiblement pris de la distance avec leurs investissements technologiques, contexte économique oblige. Assez naturellement, le retour sur investissement (ROI) des solutions technologiques redevient un sujet de premier plan. Ce ROI est-il mesurable pour tous les projets e-business ? A l'aide de quels indicateurs ? Entretien.

Propos recueillis par Cyril Dhenin le 11/03/2002

Comment la notion de retour sur investissement est-elle appréhendée par les entreprises ?
Philippe Ausseur: L'année dernière, nous avons interrogé environ 800 dirigeants de PME, des entreprises de 300 millions d'euros de CA au maximum, sur le ROI de leurs investissements e-business. Nous avons appris à cette occasion que la majeure partie des entreprises n'ont qu'une approche très empirique du ROI. Très peu de projets font réellement l'objet d'une étude préalable qui définit des objectifs, des indicateurs, etc.

Etant donné le contexte économique, cette situation n'est-elle pas en train d'évoluer ? On a le sentiment que les entreprises deviennent plus exigentes sur l'apport des technologies...

C'est vrai, cette tendance existe. Aujourd'hui, avant même les directions informatiques ou les directions financières, les directions générales demandent des engagements sur le ROI. C'est de plus en plus un préalable au lancement de nouveaux projets. Logique, les déploiements d'ERP sont passés par là et, désormais, les chefs d'entreprise sont soucieux de ne pas engloutir la marge de l'entreprise dans le système d'information. La préoccupation est donc réelle; en revanche, les intéressés se sentent assez démunis pour comprendre comment mesurer le ROI.

Certains éditeurs de logiciels semblent avoir compris le message puisqu'ils proposent des modes de tarification indexés sur le ROI. Ces approches vous semblent-elles aller dans le bon sens ?

Les grands éditeurs ont en effet intégré dans leur marketing la promesse du ROI. Problème: pour le mesurer, ils s'en tiennent à des indicateurs très généraux comme la progression du chiffre d'affaires de l'entreprise. Autant dire qu'ils ne prennent pas trop de risques.

Mais est-il réellement possible de mesurer de manière quantitative le ROI de tous les projets e-business ?

Non, cela dépend vraiment de la nature des projets. On peut distinguer quatre grand types:
Les projets orientés production de données. Typiquement le déploiement d'un progiciel de gestion intégré (ERP).
Les projets tournés avant tout vers la communication. Je pense ici à un intranet dédié à la collaboration interne ou à un extranet conçu à destination des clients.
Les projets orientés interprétation des données. Tout ce qui touche par exemple au décisionnel, à l'analyse des données client.
Les projets d'intégration qui débouchent entre autres sur des déploiements de plates-formes d'EAI.

Si l'on regarde cette catégorisation, il est évident que les projets les plus faciles à appréhender en termes de ROI sont ceux tournés vers la production de données. Tout simplement parce qu'il s'agit de mesurer des économies, de temps et, soyons francs, d'effectifs.

Pour des solutions dites de collaboration, comment évaluer les gains de productivité ?
Dans le cas d'un extranet client, il s'agit d'identifier non pas des gains en termes de réduction de coûts mais de recettes. Pour mesurer l'efficacité des ventes, on va donc s'intéresser au nombre de lignes de produit par client, au taux de transformation contact/client ou encore au nombre de contacts/jour. Et pour évaluer la satisfaction client, on se penchera sur des données comme les taux d'attente, d'abandon, etc. Dans le cas d'un intranet, en revanche, on pourra regarder de près les économies réalisées en matière de télécommunications (fax et téléphones). Dans plusieurs cas, nous avons observé que ces seules économies remboursaient le projet en un an.

Pour les déploiements qui concernent le domaine du décisionnel, sur quels indicateurs travaillez-vous ?
C'est probablement le cas le plus difficile. Ces solutions automatisent la collecte des données dans des tableaux de bord. De ce point de vue, elles économisent donc du temps. D'un autre côté, ces tableaux de bord suscitent un travail d'analyse qui n'était pas possible avant et... qui consomme du temps. Or mesurer les gains de cette analyse reste très délicat aujourd'hui.

Pour le quatrième type de projets que vous évoquiez, ceux relatifs à l'intégration, les retours d'expérience sont encore minces. Comment procédez-vous ?
Ces solutions visent à fluidifier les processus. Il paraît donc pertinent de s'intéresser aux cycles de processus, au temps qu'ils consomment. Cela dit, sur ce sujet là, particulièrement sur l'EAI, nous sommes très prudents dans nos actions de conseil. Nous constatons que ces solutions ont encore une belle marge de progression en ce qui concerne la facilité de leur mise en oeuvre... Résultat, les entreprises sont encore loin d'utiliser tout le potentiel des plates-formes d'EAI. Dans les faits, certaines les exploitent d'ailleurs comme des outils d'ETL (logiciels de transfert de données) et non comme des solutions de gestion des processus. Difficile dans ces conditions de parler "ROI". Il faudra probablement attendre pour cela une nouvelle vague de solutions.

Précédemment, vous évoquiez la crainte des directions générales de voir les investissements technologiques manger leurs marges. Pour rester à l'écart de ce risque, existe-t-il des plafonds à ne pas dépasser ?
Absolument. Notre expérience nous confirme que le coût d'exploitation d'un système d'information doit osciller en moyenne entre 1,5 et 2% du chiffre d'affaires. Au-delà, nous avons observé que l'entreprise prenait souvent des risques...



Associé chez Ernst & Young, Philippe Ausseur est attaché au pôle "Entrepreneurs Conseils". A ce poste, il travaille notamment sur les problématiques e-business des petites et moyennes structures.


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