Suite de la série
d'articles que nous consacrons aux idées reçues de l'informatique.
Avec un double objectif: examiner dans quelle mesure les promesses des
technologies ont été tenues et permettre
au plus grand nombre de prendre le train en marche.
"Esperanto du Web", "Lingua Franca du Web"... Les
expressions ne manquent pas pour qualifier le caractère universel
du langage XML (eXtensible Markup Language). Le raccourci rend service
- dans nos articles parfois - tandis que ce message d'universalité
est repris dans les offres logicielles qui affichent ostensiblement leur
"support de XML", formule sensée rassurer les utilisateurs
sur le caractère standard de leur offre.
Cet engouement s'explique. XML représente en effet un saut qualitatif
majeur dans l'évolution des technologies Web. Avant lui, le Web
c'était avant tout un langage assez rustique, le HTML, davantage
conçu pour la présentation
des
données que pour leur structuration. Avec XML, le Web, plus précisément
les applications Web, entrent de fait dans l'âge adule. Né
de la rencontre de deux mondes, celui de la documentation lourde et celui
du Web, XML apporte au Web ce qui lui manquait: la possibilité
de dissocier la structure des données de leur présentation
et, surtout, de définir à loisir la structure de ces données
(une souplesse qui explique le "X" pour eXtensible de XML).
Autrement dit: contrairement au langage HTML, dont les balises sont figées,
XML est adaptable. Revers de la médaille: contrairement aussi à
HTML, XML est tout sauf "prêt à l'emploi" pour
les utilisateurs...
De fait, XML ne définit pas véritablement un langage universel
de description de données. On voit mal d'ailleurs comment un seul
langage de description pourrait couvrir l'ensemble des besoins de description,
qu'il s'agisse de données techniques (pour connecter deux applications
par exemple) ou de données davantage orientées métier
(pour valider un devis par exemple). Si XML ne constitue pas en soi un
"esperanto du Web", il dessine en revanche un cadre qui facilite
la mise au point de conventions pour échanger des données.
D'une certaine manière, XML fournit juste un alphabet. De quoi
élaborer des langages qui, eux, dans des univers précis,
pourront devenir des "esperanto".
Prenons deux exemples pour illustrer ce propos, le premier technique,
le second plutôt métier:
Ce que l'on nomme les Web Services, un ensemble de protocoles destinés
à faciliter la mutualisation de services applicatifs à travers
le réseau, s'appuient largement sur XML. Ou, plus précisément,
sur des langages fondés sur XML comme WSDL (Web Service Description
Language) qui permet d'dentifier l'adresse d'un service, les opérations
qu'il rend possible, le types de données qu'il peut traiter, etc.
Ici, ce n'est donc pas XML à lui seul qui permet d'invoquer via
le réseau des services mais une combinaison d'au mois trois protocoles
- WSDL mais aussi SOAP, UDDI et d'autres à venir prochainement.
Second cas, celui de Rosettanet. Ce consortium qui réunit des acteurs
de l'industrie informatique et électronique a élaboré,
en s'appuyant sur XML, un dictionnaire et des processus. Ainsi, le dictionnaire
fournit un vocabulaire qui décrit par exemple les spécifications
d'une carte réseau tandis que les processus définissent
des circuits comme celui de la mise à jour d'une notice technique
d'un produit entre un grossiste et son distributeur. Là encore,
XML sert de socle mais son rôle s'arrête là. Le consortium
a dépensé plusieurs millions de dollars, pour élaborer
"au-dessus de XML" les conventions et langages nécessaires
pour que les acteurs de ces industries puissent réellement dialoguer.
Qu'il s'agisse de répondre à des problèmes techniques
ou fonctionnels, des dizaines de chantiers sont ainsi en cours. Afin que
XML soit capable de remplir un éventail aussi large de missions,
le World Wide Web Consortium (l'organisme de standardisation de XML )
a d'ailleurs dû développer des protocoles et formats (XSLT,
XML Schema ou Namespaces et bien d'autres encore) qui au fil du temps
se sont avérés indispensables. Quand un éditeur revendique
"le support de XML", il fait donc allusion à une galaxie
de langages dont il n'utilise probablement qu'une partie. Et pour cause:
XML s'apparente plus aujourd'hui à un puzzle technique complexe
qu'à un langage unique et universel. L'informatique, même
avec XML, reste une gigantesque tour de Babel.
Voir les autres idées reçues :
"Il
existe deux types de logiciels: les uns sont standards, les autre propriétaires"
"La
première qualité de Java, c'est sa portabilité"
[Cyril Dhenin, JDNet] |