Comment Giat
Industries aménage une gestion des connaissances très "stratégique"
Par le JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/0205/020513_exp_giat.shtml
Mardi 7 mai 2002
L'information
stratégique à caractère technologique et concurrentiel
s'inscrit naturellement dans la culture des entreprises du secteur
de la défense et de l'armement. Rien de surprenant donc à
ce qu'en France, Giat
Industries se soit engagée dans l'harmonisation de
ses processus de gestion des connaissances pour améliorer son
efficacité commerciale. Sans avoir recours à la mise
en place de systèmes coûteux dans un contexte budgétaire
relativement strict, l'industriel a pris le parti ces dernières
années d'améliorer la circulation de l'information en
interne. Une démarche qui paraît complexe, car si sa
culture métier se montre par essence favorable à la
valorisation et à l'exploitation de l'information stratégique,
elle semble moins propice à son partage entre des collaborateurs
et des experts du fait du passé militaire de l'entreprise.
Et pourtant, "le relationnel s'est très bien développé
afin de pallier les pénuries d'informations générées
par l'absence de
moyens
fournis par l'entreprise", indique Patrick Cansell, responsable
de l'information stratégique au siège de Giat Industries
à Versailles-Satory. Mais d'une
part, ces échanges informels ne bénéficiaient
pas à tous les opérationnels, se limitant à des
cercles restreints voire fermés du fait d'une certaine culture
de la confidentialité. Et d'autre part, "il n'était
pas toujours facile d'identifier les experts." Des experts qui
repartaient aussi avec leurs connaissances et leurs compétences
en cas de turnover.
Une interface intranet centrale du nom de GINet (Giat Intelligence
Network), entourée d'une cinquantaine d'interfaces thématiques
en HTML, a donc été développée à
partir d'informations récupérées dans un nombre
croissant de bases de données. Aujourd'hui, ces bases sont
au nombre de huit, une neuvième étant en préparation.
Fin 2001, 160 utilisateurs opérationnels disposaient d'un accès.
A terme, le système devrait être ouvert à environ
250 personnes.
Objectif : améliorer
la compétitivité du groupe
"Il y a deux ans, quand nous avons procédé à
un audit interne, 80 % des personnes que nous avions sondées
trouvaient que la circulation de l'information était mauvaise",
poursuit-il. "Aujourd'hui, nous ouvrons de nouvelles perspectives
en donnant la possibilité à nos collaborateurs d'accéder
à de l'information utile et d'en diffuser. Grâce à
ce système, nous permettons aux personnes impliquées
de partager leurs expertises et leurs connaissances, en leur faisant
prendre conscience que celles-ci seront exploitées pour des
affaires en cours. L'idée est de leur offrir des moyens pour
partager l'information, afin qu'ils participent aux projets commerciaux
de l'entreprise."
Les
moyens ? Des personnes d'abord, mais aussi la plate-forme intranet
de partage des connaissances marché, créée à
l'origine il y a un peu plus d'un an et demi sous la forme d'une première
base de données de références contenant 1 500 fiches
sur les parcs de matériels blindés. "Après
sa mise en route, nous avons observé une décroissance
du nombre de questions qui nous parvenaient", indique le porteur
du projet. "Nous avons donc décidé d'élargir
son spectre à l'ensemble du marché : les partenaires,
les concurrents, les clients, le système d'information décisionnel
du client, les institutions, etc. Nous nous sommes alors posé
des questions telles que : de quoi a-t-on besoin ? à quelles
personnes doit-on donner un accès ?"
"L'objectif de notre démarche est de permettre à tous les acteurs
de l'entreprise, concernés par le marché au sens large, d'avoir accès
aux informations utiles", déclare Patrick Cansell. Et
ce, "afin de leur permettre de conduire au mieux leur mission
de promotion, de réalisation des offres, de stratégie produit ou de
vente."
"En identifiant en amont les experts susceptibles de disposer
d'informations utiles, en leur permettant de participer à la démarche
de vente grâce à leur expertise et leur connaissance dans un contexte
opérationnel précis, on accroît le niveau de connaissance du marché
et donc le potentiel de l'entreprise. Cela implique non seulement
un décloisonnement des structures, mais aussi des mentalités. C'est
grâce à cela que l'on pourra ajuster nos argumentaires face à la concurrence,
améliorer nos offres et donc optimiser notre positionnement. Le système
mis en place est donc à la fois un portail thématique d'accès à l'information
et un référentiel de ce que l'entreprise sait du marché à un instant
donné, référentiel que chacun peut contribuer à enrichir. Plus qu'un
outil d'information, c'est un instrument de cohésion qui participe
à la compétitivité du groupe."
Un vecteur pour le projet:
l'intelligence économique
Différent d'autres industriels comme Valeo (lire
retour d'expérience du 18 février 2002) dont le
but essentiel a été de consolider et d'unifier sa mémoire
d'entreprise, l'enjeu de la gestion des connaissances chez Giat Industries
est donc aujourd'hui tourné principalement vers l'intelligence
économique, c'est à dire la maîtrise la plus parfaite
possible de son environnement extérieur. "Notre problématique
se concentre sur la connaissance et l'analyse de notre marché",
précise le responsable de l'information stratégique
en charge de l'amélioration des pratiques de veille. "Nos
collaborateurs, qu'ils soient commerciaux, logisticiens, qu'ils travaillent
en production ou à la R&D, ont des connexions avec le marché
qui leur sont propres. Un technicien qui a passé six mois dans
un pays aura des connaissances dont il ne soupçonne parfois
même pas l'intérêt que nous pouvons en tirer."
Ces informations à caractère stratégique peuvent
intégrer par exemple les matériels montrés lors
de salons internationaux, mais aussi des aspects culturels et sociaux
du pays qui peuvent jouer sur sa façon de négocier les
contrats, ainsi que sa situation géopolitique. L'objet est
ici de détecter des signaux faibles pour enrichir les connaissances
des commerciaux qui seront chargés des négociations
dans le cadre des appels d'offres auxquels répond Giat Industries.
Identifiés et contactés par la direction commerciale
et des affaires internationales où travaille Patrick Cansell,
les experts des pôles de veille mais aussi d'autres entités
produisent toutes sortes de comptes-rendus susceptibles d'informer
les forces de vente. Parmi ceux-ci, des "rapports d'étonnement"
figurent en petit nombre. Dans tous les cas, l'information est filtrée
par les experts. Les fiches qui en résultent comprennent à
la fois des informations structurées et non structurées.
Elles sont saisies par le service marketing, et validées par
les experts. "Nous réalisons des synthèses de une
ou deux pages sur chaque thème jugé stratégique:
pays clients, concurrents, partenaires", complète Patrick
Cansell. "Ensuite, des collaborateurs se chargent de la mise
à jour de ces synthèses."
Pas encore de KM global,
mais des projets fédérateurs
Giat Industries, dont le plus connu des produits phares n'est autre
que le char Leclerc, emploie près de 7 000 personnes
dont environ 1 700 ingénieurs et cadres. En parallèle,
7,5 % de la masse salariale est affectée à la formation.
Pour son exercice 2000-2001, l'industriel de l'armement a enregistré
un chiffre d'affaires de 770 millions d'euros, en hausse de 39 %
environ par rapport à l'année fiscale précédente.
Dans le même temps, son budget consacré à la recherche
et au développement a augmenté de 93 millions à
154 millions d'euros. Le groupe est donc sorti de sa période
de vache maigre, et le moment s'avère propice pour une reprise
des investissements. D'après le porteur du projet, "ce
qui est possible aujourd'hui ne l'était pas deux ans plus tôt
car les commandes étaient alors inférieures à
nos prévisions".
De fait, les projets repartent mais ce n'est pas pour autant que le
groupe s'engage dans une refondation globale autour du KM (knowledge
management). "Nous n'avons pas pour l'instant de démarche
à l'échelle du groupe", poursuit Patrick Cansell,
"celle-ci s'inscrit plutôt au niveau des entités
stratégiques de la RH, de la R&D et de la production. Ce
sont des projets fédérateurs, mais qui sont davantage
orientés vers la maîtrise des compétences technologiques."
Vers une démarche
de plus grande ampleur ?
Non relié à un quelconque back-office dans l'entreprise,
l'intranet a été développé en langage
dynamique ASP à partir des huit bases de données SQL
Server. Le serveur et les licences Microsoft faisaient déjà
partie de l'existant. De fait, aucun budget spécifique n'a
été débloqué, et l'investissement réalisé
sembler se limiter à un faible nombre de jours/homme en interne
sur les aspects liés au développement. L'objectif, pour
la direction, étant visiblement de tester l'efficacité
du projet avant peut-être d'engager des investissements plus
conséquents.
"Jusqu'à
aujourd'hui, nous étions plutôt dans une démarche
expérimentale", reprend Patrick Cansell. "J'ai entamé
les travaux dans le cadre d'une thèse, sans obtenir d'appui
spécifique dans ma démarche. Aujourd'hui, le volet intranet
n'est pas remis en question et nous commençons à tirer
parti des interfaces pour les métiers liés à
la vente. Il est plus que probable que si à terme, nous arrivons
à démontrer un réel retour sur investissement,
nous obtiendrons les budgets nécessaires pour la mise en place
d'outils plus évolués consacrés au partage de
l'information."
A partir de là, la question se posera peut-être de savoir
si une approche plus globale de la gestion des connaissances pourra
trouver sa place à l'échelle du groupe. Mais pour l'instant,
"le fait de vouloir tendre vers une démarche d'intelligence
économique efficace implique que l'on s'adapte à ce
contexte tout en essayant progressivement de faire évoluer
la culture de l'entreprise. Il s'agit bien sûr d'une condition
de changement, mais pas forcément à grande échelle.
Au préalable, cela nécessite que nous ayions mis en
place cette démarche au niveau d'un périmètre
restreint. Notre objectif est d'atteindre une masse critique avec
suffisamment d'analyses d'experts pour que le système soit
pertinent à petite échelle avant de l'être à
plus grande échelle. Pour que cela fonctionne, il faut être
pragmatique. D'où notre choix de nous positionner sur la connaissance
du marché, et sur des projets commerciaux structurants."
[François Morel, JDNet]
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