Face à la puissance de feu des grands
éditeurs, leurs stratégies d'endiguement, leurs budgets marketing,
Linux ne peut compter que sur ses qualités intrinsèques pour
s'imposer - tant bien que mal. Pourtant, les partisans de l'OS au pingouin
ont récemment trouvé un levier qui pourrait leur permettre de
répondre à la force par la force : l'arme juridique.
Une menace perçue
comme sérieuse par la galaxie propriétaire
Retraçons
les faits: en mai dernier, plus de 8 000 sociétés de
toutes
tailles - appartenant au monde de l'informatique et des télécoms -
se sont rassemblées sous la bannière de l'Initiative for
Software Choice (alias CompTIA). Un groupe qui a toutes les allures
d'un lobby et dans lequel figure évidemment le plus gros parmis
les gros, Microsoft.
Mais qu'est-ce qui fait si peur à
l'Initiative for Software Choice ? Rien de moins que 66 propositions
législatives rencensées dans 25 états du monde -
Californie, France, Angleterre, Pérou, Brésil, Allemagne,
etc ... - et qui vont très nettement dans le sens du logiciel
libre.
Discrimination ?
Leur crédo ? La discrimination
positive, qui passe dans certains cas par l'imposition pure et simple
du logiciel libre dans les administrations. Leur justification ?
Les logiciels open source permettraient non seulement d'améliorer
la sécurité des réseaux gouvernementaux, mais aussi
de donner aux administrations une certaine indépendance envers
leurs fournisseurs, qui se résument bien souvent à un éditeur
unique. S'enfermer dans un rapport de clientèle unilatéral
serait préjudiciable aux administrations.
Comment l'Initiative for Software Choice
compte-t-elle combattre cette lame de fond juridique ? En se faisant
l'avocat de la liberté - celle de choisir ses logiciels sans
subir de pression. Une posture que l'on n'attendait peut-être pas
de la part d'acteurs comme Microsoft, diront les mauvaises langues, mais
qui devrait leur permettre de lutter efficacement contre les projets de
loi mentionnés plus haut.
Groupe de pression
Le directeur de CompTIA - Bob
Kramer - a déclaré au cours d'une conférence
sur l'open source et l'administration que les logiciels libres
n'avaient pas besoin de discrimination positive, puisque "l'open
source se bat déjà très efficacement sur le marché".
Et de rappeller les chiffres de la croissance des revenus de l'OS au pingouin
entre 2 000 et 2 001 - 2188 %, ainsi que les prévisions
de chiffre d'affaires pour 2004 : 30 % des revenus de Windows.
Mais notons aussi au passage que Bob Kramer
a déclaré : "CompTIA n'est pas la marionnette
de Microsoft". Tous les membres de cette organisation seraient touchés
par une loi discriminatoire contre le logiciel propriétaire. Une
très bonne raison de créer un lobby, mais une moins bonne
raison d'arborer ostensiblement le blason du libre choix.
Pratiques anticoncurrentielles ?
Face aux critiques, l'une des figures
emblématiques du logiciel libre (et ancien d'HP), Bruce Perens,
ne se démonte pas et a lancé un site et une association
qui font miroir à ceux de la CompTIA - Sincere Choice. Et
il clame à qui veut bien l'entendre que la discrimination est dirigée
contre le libre, et non contre les logiciels propriétaires. La
loi américaine serait en effet très favorable à toutes
les productions de la propriété intellectuelle. Et les éditeurs
issus de ce monde joueraient un jeu bien loin du fair play préconisé
par le CompTIA.
Bruce Perens revendique donc le vote d'une loi
qui obligerait les éditeurs à faciliter la compatibilité
entre les fichiers issus des deux mondes. Imaginons un instant un OpenOffice
100 % compatible avec Microsoft Office, et achevons de nous convaincre
que l'idée de Perens est loin d'être illégitime.
[Nicolas Six, JDNet]