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JDNet Solutions. 2002,
c'était l'année de ... ?
Habib Guergachi. L'année
du retour de bâton pour les chantiers d'EAI : pour un franc
dépensé dans une licence d'EAI, il faut rajouter 4 à
10 francs de services, ce qui revient au final très cher. 2002,
c'est aussi l'année du stockage : les administrateurs ont
compris qu'il était plus rentable de centraliser la gestion des
îlots de stockage, plutôt que de tout administrer de façon
éclatée : d'où le succès du SAN. (NDLR:
Storage Area Network). Rajoutons à cette courte liste le retour
en grâce des gros systèmes, notamment à travers les
prestations de services hébergés d'IBM. N'oublions pas non
plus Linux.
...
et quelles seront les tendances marquantes en 2003 ?
Le percée significative du décisionnel :
les cadres sont très demandeurs d'indicateurs qui leurs permettent
de mieux piloter leurs business units. Mentionnons aussi la résurrection
des clients légers, faciles à administrer et très
souples. Enfin, ayons également une petite pensée pour le
domaine de l'e-procurement, qui séduit beaucoup d'entreprises.
Et à tout seigneur tout honneur, réservons
une place de choix à la fédération des SI. 2003 sera
avant tout l'année de la rationalisation des ressources, de la
centralisation des infrastructures. Tout va passer à la moulinette
de la fédération : le choix des applications,
les meilleures pratiques, la localisation
des serveurs, l'administration du SI, etc. Il y aura une reprise en main
orchestrée depuis le centre du SI. Sans pour autant priver les
métiers de l'entreprise de la souplesse et de l'autonomie dont
elles ont un besoin impérieux. Ce mouvement de fédération
est une reprise en main majeure.
Qu'entendez-vous par
"reprise en main majeure" ?
En 2001-2002, l'informatique professionnelle s'est montrée
sous son plus mauvais jour, celui de la puérilité de ses
informaticiens, fascinés par la quête du graal, de l'outil
"best of breed". Cette immaturité a éclaté
au grand jour : il n'était même plus nécessaire
d'être informaticien pour la percevoir. Aujourd'hui, l'informatique
professionnelle traverse une révolution qui va la faire rentrer
dans l'âge de raison. Terminée la fascination pour la technique,
bienvenue l'harmonisation des standards, la prise en compte des problématiques
métier, la surveillance de la qualité de service, etc. C'est
un mouvement salutaire : l'informatique passe à l'ère
de l'industrialisation.
C'est donc le triomphe
des plates-formes architecturées autour des serveurs d'applications ?
Exactement. Signalons d'ailleurs que du côté
des éditeurs le débat est clos : IBM, Oracle et Microsoft
dominent les environnement classiques, BEA domine les environnements critiques.
Chaque éditeur essaye de faire de son serveur d'application un
environnement qui a réponse à tout en y intégrant
la totalité de son offre logicielle. Prenons l'exemple d'Oracle :
l'éditeur permet à ses clients d'utiliser tous ses logiciels
pour un prix unique, calculé sur la base du nombre de processeurs
qui sont utilisés.
Cette approche va révolutionner l'informatique.
Les grands comptes ont tout intérêt à se laisser séduire
par l'une ou l'autre de ces plates-formes, et de constuire tout leur SI
sur l'ensemble de briques qui leur est proposé dans chaque offre
globale. C'est un gage de cohérence, de centralisation, et au final
d'économies. Les serveurs d'application vont s'imposer partout,
c'est certain.
Il faut donc s'engager
dans cette voie dés aujourd'hui?
La phase de transition n'est pas facile à mettre
en oeuvre à l'heure qu'il est. Et c'est le gros point noir :
les DSI ne disposent pas encore de tous les outils d'administration nécessaires.
On sait depuis longtemps gérer l'infrastructure d'un SI de façon
très centralisée. Mais il n'existe pas d'outil qui permette
de gérer les applications métier d'une entreprise de façon
souple et centralisée. Prenons un exemple : si je construis
un processus métier transversal, qui s'appuie sur plusieurs applications
ou plusieurs services, je prends un risque : s'il y a le moindre
grain de sable dans la mécanique, je ne vais pas pouvoir rétablir
la mécanique. Il n'y a pas d'outil -
et pas de compétences - qui me permette de résoudre
ce type de problèmes. Heureusement, ce n'est là qu'une affaire
de temps.
N'oublions pas le deuxième point noir :
les éditeurs manquent de transparence vis à vis des outils
qu'ils mettent sur le marché. La technologie est devenue complexe,
et il n'est pas toujours facile de savoir où l'on va.
Les éditeurs
le savent-ils eux-mêmes ?
Ah !... L'industrie logicielle négocie actuellement
un virage majeur, et les éditeurs ne savent effectivement pas toujours
où ils vont. Leurs stratégies globales ne sont pas figées,
les choses bougent encore beaucoup. Et cette incertitude ne perturbe pas
que les clients : les éditeurs eux-même s'y perdent.
Certains sont tellement déboussolés qu'ils sont prêts
à brader leurs produits pour éviter de perdre des parts
de marché. Il y aura encore des rachats et des rebondissements
stratégiques, mais une chose est sûre : on s'achemine
vers la domination sans partage des quatre géants du logiciel,
dans un modèle "tout-intégré".
C'est donc la mort
des pure players ?
Je le pense. Et c'est pour moi la marque de la maturation
du marché. Souvenez-vous de l'industrie automobile au début
du siècle. En France, on recensait pas moins de 50 constructeurs ;
aujoud'hui, ils sont trois. C'est ce que j'appelle l'industrialisation,
la rationalisation.
Changeons d'angle et
parlons un peu du DSI. Son métier est-il en train de changer ?
Assurément. Lui aussi va devoir passer par une phase
de maturation. Pour le DSI qui continue à faire de la technique une fin
en soi, il n'y a plus qu'un espoir : la retraite. Désormais,
on sait que la technique fonctionne. Il faut donc adopter un discours
métier, attacher de l'importance à la création de valeur, à
la réduction des coûts, etc. Il faut se préparer à être flexible.
Tout en étant bien sûr capable de faire les choix techniques
qui lui permettront de maîtriser ce qu'il met en place.
France Telecom a créé
une DSI en forme de prestataire de services interne, Alstom s'apprête
à externaliser son SI, etc... L'externalisation est-elle une tendance
lourde ?
Clairement. Vous constaterez que, une fois que l'on a dessiné
les frontières de chaque service, et que l'on a instauré
une maîtrise détaillée des coûts pour chaque
processus métier, on a opéré une sorte d'externalisation
interne. De là à passer la main à une maîtrise
d'oeuvre extérieure, il n'y a qu'un tout petit pas. Un pas que
les entreprises seront de plus en plus nombreuses à faire, j'en
suis persuadé.
Et de l'externalisation à l'externalisation
offshore [délocalisation], il n'y a qu'un autre petit pas.
L'offshore outsourcing pourrait exploser dans les années à
venir. Pour tout vous dire, je pense que les sociétés de
service ne peuvent résister à la pression des prix que de
deux manières : par la délocalisation, ou par le regroupement
en grosse entités. En clair : je crains que l'avenir des petites
SSII soit quelque peu cahotique. Dans notre secteur, l'heure est à
la concentration.
Que pensez-vous des
Web Services ?
On est en train de comprendre à quoi vont servir
les Web Services. C'est une technologie prometteuse, certes, mais pas
une technologie miracle. Ce n'est pas en saupoudrant quelques Web Services
au dessus d'un SI mal ordonné que l'on va pouvoir connecter toutes
les applications métiers comme par magie. Pour pouvoir bénéficier
des promesses des web services, il faut en passer par un gros travail
de standardisation, de délimitation des applications, et même
par une phase d'EAI. Pas de connectivité sans urbanisation du SI.
Pas de services Web sans une redéfinition de la méthodologie
de conception : il va falloir développer des règles
métier sous forme de services.
Gardons les pieds sur terre : les Web Services
ne sont rien d'autre que trois standards universels : SOAP, UDDI,
WSDL. Ils sont en quelque sorte le dernier pas avant l'automatisation
de la publication des applications, mais pour être développés,
ils nécessitent des milliers de pas préalables. Il faut
en particulier que les processus métiers soient bien identifiés,
bien découpés, et que l'organisation humaine soit adaptée.
Linux marche-t-il vers
le succès ?
Assurément. Sa croissance dans le domaine des serveurs
va être continue. Les faiblesses de Linux tendent à disparaître :
on trouve de plus en plus facilement des compétences Linux, l'ergonomie
des logiciels s'améliore, et des outils d'administration commencent
à apparaître. Linux a un énorme avantage sur Windows :
il tire parti des efforts de millions de spécialistes, là
où l'OS de Microsoft est conçu par quelques centaines de
développeurs. La grand chance de Linux aura été de
ne pas tomber dans les travers de l'opensource : le coeur de Linux
est le même pour tout le monde, il n'y a pas autant de variantes
que d'entreprises qui se frottent à Linux, comme c'est trop souvent
le cas dans le libre. C'est une magnifique opportunité.
Le métier des
SSII a-t-il changé ?
Nous avons déjà évoqué la pression
des prix, qui entraîne des délocalisations et un phénomène
de concentration. Mais il faut aussi évoquer les rapports entre
conseil et intégration. On voit beaucoup de cabinets de conseil
se rapprocher des SSII. Je pense que c'est une erreur : mes clients
réclament une forte séparation entre le conseil et l'intégration.
A mon sens, les sociétés de conseil et d'intégration
qui se sont rapprochées vont connaître une crise.
Quant au métier d'intégrateur,
il est devenu un travail d'expertise et s'est singulièrement écarté
du travail de défricheur. On ne choisit plus une SSII pour sa maîtrise
de la dernière technologie en date, mais pour son sérieux,
sa maîtrise des coûts, ainsi que les garanties qu'elle peut
apporter.
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Craignez-vous une attaque
de sécurité globale ?
Non : je doute que les pirates réussissent
à faire tomber Internet. Et quand bien même ils y parviendraient,
ils n'empêcheraient pas les entreprises d'accéder à
leurs informations critiques. Car faire tomber Internet, ce n'est en aucun
cas faire tomber chaque réseau privé. Aujourd'hui les entreprises
utilisent des VPN pour faire transiter les infos sensibles. Pas Internet.