L'informatique, ça compte énormément
Par Pierre Lombard (Directeur, Benchmark Group)

Par JDNet Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/0308/030826_chro_lombard.shtml
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Il y a un drôle d'argument qui excite les réflexions des managers américains ces derniers mois : l'informatique n'aurait plus d'importance. Elle n'influerait pas plus que l'électricité, le chauffage sur la stratégie de l'entreprise. C'est Nicholas Carr dans Harvard Business Review qui a déclenché la polémique. Son article intitulé "Why IT Doen't Matter Anymore" repose sur l'observation suivante : l'informatique est omniprésente dans l'entreprise moderne. Et qu'est-ce qui rend une ressource vraiment stratégique ? C'est sa rareté et non sa large diffusion. Conclusion : tous les managers qui pensent que l'informatique joue un rôle fondamental dans le développement de leur affaire se trompent et ils feraient mieux d'investir leur argent ailleurs.

L'auteur insiste sur le fait que l'on consacre beaucoup trop d'argent aux technologies de l'information. Selon une étude du département du commerce américain qu'il cite, l'informatique représentait 5% des investissements des entreprises en 1965, puis 15% dans les années 1980 avec l'introduction des micro-ordinateurs. Dans les années 1990, on aurait atteint plus de 30% et en 2010 on en sera à... 50% ( !). En plus de cela, Nicholas Carr affirme qu'une grande partie de ces investissements est inutile : on achète de l'espace de stockage pour abriter des tera-octets de spam, de fichiers MP3 et de clips vidéo (évidemment nuisibles à l'activité de l'entreprise).Le remède est énoncé en trois principes : primo, dépensez moins ; secundo, contentez-vous de suivre et ne précédez pas (vous diminuerez les risques d'essuyer les plâtres des nouvelles technologies) ; tertio, concentrez-vous sur les vulnérabilités de vos services informatiques et non pas sur les opportunités qu'ils peuvent vous apporter. Des conseils d'un conservatisme surprenant de la part d'un collaborateur d'une publication américaine aussi éminente que Harvard Business Review.

Mais ce qui choque le plus, c'est le manque de vision sur les opportunités actuelles, comme le souligne Bob Evans, rédacteur en chef d'Information Week (voir Business Technology : IT Doesn't Matter ?). L'informatique n'est pas une source d'énergie comme une autre, elle permet d'établir de nouvelles formes de collaboration ou d'échanges (que serait Price Minister sans sa base de données et son moteur de recherche ?), de réformer des pans entiers d'activités (comme la logistique et le transport), d'initier de nouvelles relations avec sa clientèle. Ne s'agit-il pas de points importants pour la stratégie d'une entreprise ? On dirait que M. Carr n'en a cure comme le confirme à nouveau une interview dans Business Week cette semaine : The Tech Advantage is Overrated.

Les prises de position de Nicholas Carr expriment sans doute une vague de déceptions qui sont apparues avec l'éclatement de la bulle Internet : on a trop faire croire à des investisseurs naïfs qu'ils suffisait de mettre en ligne un site Web connecté à une base de données pour faire fortune. Voilà le résultat. La réalité est tout autre. Il ne s'agit pas de se laisser aveugler par les promesses technologiques : les informaticiens savent bien qu'ils ne pourront plus lancer aujourd'hui un seul projet dont la seule justification serait de faire entrer une nouvelle technologie dans l'entreprise. Mais ils doivent également être conscients de ce qu'ils peuvent apporter aux directions métiers. C'est dans un dialogue constructif avec les différentes branches de l'entreprise que l'informatique comptera. Plus que jamais.

 



Tribune publiée par Pierre Lombard le 26/08/2003



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