Patrick Miliotis
(Observatoire de l'externalisation (Institut Esprit Service)) :
"Nous assistons à la montée en puissance de véritables équipementiers du
service"
Par JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/itws/031020_it_miliotis.shtml
Lancé par l'Institut Esprit Service - propriété
du MEDEF - l'Observatoire de l'externalisation sensibilise les décideurs
et prescripteurs aux stratégies d'externalisation, en abordant son management
(création de valeur, qualité de service, management RH, juridique), en diffusant
les bonnes pratiques et en suivant les marchés. Son Président nous
détaille ici les tenants et aboutissants de la charte de l'externalisation
lancée en septembre dernier par l'institut et aborde de nombreux
autres aspects connexes.
Propos recueillis par Fabrice Deblock le 20/010/2003
JDNet Solutions. Quelle
est la mission principale de l'observatoire de l'externalisation ?
Patrick Miliotis. La mission principale
est d'aider les entreprises dans leur démarche d'externalisation.
La France est en retard dans ce domaine. Elle comble depuis deux ans ce
retard mais l'externalisation reste pour le moment très conventionnelle.
La motivation principale est en effet trop souvent de faire des économies.
Les pays anglo-saxons sont sur des modèles beaucoup plus collaboratifs,
dans la durée, avec une optique de partenariat long terme sous-jacente.
Nous voulons montrer que nous ne sommes pas dans un modèle de mode, qu'il
s'agit bien d'une grande métamorphose, irreversible, où les entreprises
sont confrontées à une double contrainte paradoxale : elles
doivent agir et réagir vite dans un monde de plus en plus complexe
et incertain. Il leur faut pour réussir ce pari oser créer vite
et autrement, en créant par exemple des réseaux, en se concentrant
sur la création de valeur et sur leur cur de métier.
Quels autres rôles vous assignez-vous
?
Notre mission est aussi de dire que cette démarche ne s'improvise pas.
Des bonnes pratiques sont à mettre en uvre, pour identifier son activité
cur de métier, pour établir des cahiers des charges, mener à
bien des accords contractuels, prendre convenablement en compte la dimension
sociale qui est sous estimée en France.
Une fois le contrat signé, il est également important de savoir
comment le copilotage doit s'effectuer, ainsi que la co-production de
services, dans la durée. Cela revêt une importance considérable
quand il s'agit de choisir un prestataire : quelle est sa culture, son
type d'offre. Le critère prix n'est pas le seul à prendre
en considération. Enfin, notre mission sera de publier nos travaux,
les résultats de nos rencontres, des études, des chiffres-clés.
Vous
avez publié une charte
de l'externalisation, quel est son message et son rôle ?
Nous avons en fait signé deux chartes de l'externalisation
jusqu'à présent. La première l'a été
avec de grandes organisations professionnelles dans le domaine des services
(transport-logistique, environnement...) et la deuxième avec le
Ministère de la Défense, l'armée ayant décidé
de professionaliser son approche de l'externalisation.
A ce titre, il faut voir que le marché qui tire l'externalisation
vers le haut en Europe, c'est le secteur public. Or, en France, c'est
celui qui traîne. La démarche d'externalisation rentre pleinement
dans la réflexion sur la refonte de l'Etat, et je parle ici d'externalisation
des fonctions support, de ses tâches régaliennes. Mais le
code des marchés publics n'a pas été prévu
pour favoriser l'externalisation.
Pourriez-vous, en substance, nous commenter
les principaux points de cette charte ?
Nous disons tout d'abord qu'il faut privilégier la perspective
stratégique au profit d'une vue purement tactique, visant à
régler un problème immédiat.
Ensuite, il est indispendable que le contrat d'externalisation soit clair
et équilibré afin que les deux parties soient gagnantes
et ne rentrent pas dans une relation dominant / dominé, comme c'est
la tradition en France. Certaines clauses sont d'ailleurs très
importantes comme celles relatives à la réversibilité,
à la transferabilité, à l'obligation de résultats
et à la transparence. L'enjeu de ces clauses est l'établissement
d'un réel climat de confiance entre le client et son prestataire.
Le client doit par exemple savoir quel est le modèle économique
de son prestataire, notamment quelle marge est dégagée sur
telle ou telle opération.
A long terme, c'est payant. Cela permet aussi de savoir pourquoi un acteur
est le moins disant lors d'un appel d'offre : veut-il travailler à
perte pour gagner en économies d'échelle, pour acquérir
une nouvelle référence ou pour d'autres raisons ?
Où placez-vous les hommes dans votre
démarche ?
Le troisième point de notre charte concerne justement la place
des hommes, une place que nous voulons centrale. Prenez le transfert de
personnel, par exemple, qui provoque du changement, de la rupture, donc
des craintes chez les salariés, des peurs de perte des avantages
sociaux ou du sentiment d'identité vis-à-vis de l'entreprise.
Nous préconisons d'aborder le sujet en amont du projet, ce qui
signifie parler avec le personnel qui va être externalisé
pour lui expliquer l'esprit, les modalités et la finalité
réelle du projet. Cela implique aussi d'aborder les conditions
de rémunération, les opportunités de carrières,
la formation, le développement des compétences...
D'ailleurs, nous pensons que le personnel déplacé est souvent
gagnant, car la fonction externalisée n'est par définition
pas perçue par l'entreprise comme son cur de métier.
Le personnel doit donc faire face à deux problèmes : peu
d'opportunités se présentent à lui car il est dans
un département non stratégique et les métiers évoluant
très vite, l'obsolence de ses compétences survient rapidement.
Or, en rejoignant un prestataire spécialisé, son employabilité
et ses opportunités de carrière deviennent plus fortes.
Enfin, nous pensons que la culture d'entreprise doit être partagée.
Quand vous décidez de rentrer dans un processus de coproduction
d'un service, autant le faire avec des gens avec lesquels vous avez envie
de travailler, des gens qui ont des valeurs communes et qui, par ailleurs,
ont une taille équivalente à la vôtre, même
si la taille ne fait pas tout.
Vous parliez précédemment d'obligation
de résultat pour le prestataire, quelles doivent en être
selon vous les modalités ?
L'externalisation se définit comme un transfert de fonction,
pas comme une remise en jeu chaque année du contrat par appel d'offre.
Pour que le prestataire dispose de la marge de manuvre nécessaire à
cette atteinte des résultats fixés, la totalité du service
doit être externalisée et le contrat doit être pensé
sur une base pluri-annuelle. On peut même envisager un partage de
la valeur ajoutée, par des systèmes de bonus/malus, définis conjointement,
en fonction des résultats obtenus.
L'externalisation nécessite-t-elle
toujours plus de flexibilité chez les prestataires ? Le travail dominical,
le chômage partiel, les CDD de longue durée pronés par le
Syntec
Informatique, notamment, vous semblent-ils indispensables à
son développement ?
Je ne vois pas bien le rapport. Le client recherche la
flexibilité, le prestataire doit donc s'organiser, prendre ses
dispositions pour répondre à ces besoins, et cela peut très
bien être de l'offshore par exemple. Si le client demande
dans son cahier des charges une présence 24h/24, au prestataire
de mettre en oeuvre les moyens adéquats.
Nous assistons
à la montée en puissance de véritables équipementiers
du service qui font du one stop shopping, garants qu'ils sont de
la méthodologie déployée dans le cadre d'un projet
et de la relation avec le client. Leur rôle de chef d'orchestre
les amène à sous-traiter auprès de sociétés
spécialisées, car ils ne peuvent pas maîtriser toutes
les fonctions.
A 47 ans, Patrick
Miliotis est diplômé de l'ISG, d'un MBA de l'Insead et en droit.
Avant d'être nommé Président de l'observatoire de l'externalisation
de l'Institut Esprit Service, il a occupé les fonctions de Président de
la société Fairwell, fondatrice et organisatrice de quatre éditions du salon
Externaliser (événement cédé à la société Proseg), de directeur général
du pôle construction sécurité du groupe Blenheim/Miller Freeman (maintenant
Reed exhibitions), directeur commercial Europe de NUS Consulting Corp, directeur
général "credit services" chez Dun & Bradstreet, directeur commercial
Amérique latine des laboratoires Abbott.
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