Par JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/0403/040304_tribune.shtml
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L'un des points marquants de 2003 aura certainement
été la montée en puissance de l'open source, dont les produits
et technologies auront enfin franchi le fameux abîme (le "chasm"
décrit par Geoffrey Moore) menant du laboratoire à la reconnaissance
et à l'adoption par le marché. La banalisation des serveurs d'application
J2EE en est un bon exemple : plus personne ne conteste aujourd'hui la valeur d'un
JOnAS ou d'un JBoss en alternative aux produits commerciaux dont les parts de
marché s'effritent, à juste titre.
Un
nouveau marché à conquérir
Face à ce nouvel engouement, les SSII revoient leur discours et leur
offre. Un nouveau marché est en train d'émerger, et les SSII traditionnellement
partenaires IBM ou BEA se réclament désormais de l'open source,
se proclamant "early adopter" et racontant à leurs clients avec
une pointe d'émotion qu'ils avaient jusqu'à présent dû
cacher qu'ils travaillaient sous Apache/Tomcat/mySQL.
La contribution ? Souvent oubliée
Mais n'oublions pas l'esprit communautaire
de l'open source, ce principe fondamental de réciprocité par lequel
les consommateurs sont également des contributeurs, créant ainsi
le cercle vertueux indispensable à son essor.
Il n'est pas sûr que ces SSII qui deviennent
si enthousiastes sur l'open source offrent le même entrain pour mettre la
main à la pâte et contribuer, tant cela représente une remise
en question assez lourde de leur philosophie. Une SSII est une entreprise commerciale
qui vend de la prestation intellectuelle, alors que par ailleurs, l'open source
offre un modèle par essence non lucratif. L'implication de la SSII a forcément
un coût économique, d'où le paradoxe : comment pérenniser
l'entreprise, surtout dans ces temps troublés, alors qu'on se consacre
à des activités qui ne rapportent apparemment rien ?
Cette implication relève alors soit de l'utopie, et là on rejoint
la notion d'idéal communautaire, voire révolutionnaire, soit de
la stratégie, et il reste à définir laquelle. On se doute
que, dans ce domaine pionnier, la réponse doit se trouver quelque part
à mi-chemin.
Quelle implication pour une SSII ?
L'implication dans le mouvement open source se fait à travers la contribution
à un projet. Soit que l'entreprise lance son propre projet, soit qu'elle
décide de faire don d'un produit commercial au monde open source, soit
enfin qu'elle s'implique dans un projet tierce en fournissant des ressources humaines.
Dans tous les cas cette implication se doit d'être sincère, car elle
présente des contraintes et obligations. Il ne s'agit pas de caser des
inter-contrats sur un vague projet, mais bien de s'engager durablement, avec l'espoir
que le produit résultant sera largement utilisé. Ceci offre donc
les mêmes contraintes qu'un projet classique, avec une roadmap et de la
disponibilité pour apporter écoute et support aux utilisateurs,
bien qu'ils ne représentent pas une cible commerciale directe (car souvent
non identifiés ou situés à l'étranger).
Des bénéfices réels, tant
en interne que pour les clients
Et les bénéfices alors ??
Les bénéfices peuvent être nombreux, tant en interne pour
les développeurs, que pour les clients de l'entreprise. Tout d'abord, en
interne, participer à un projet open source est un facteur de fierté
et de motivation pour les développeurs impliqués, mais plus généralement
pour tous les collaborateurs de l'entreprise. De plus, des développeurs
sous-utilisés en clientèle peuvent trouver là matière
pour leur appétit technique.
Mais les bénéfices clients sont les plus remarquables. Contrairement
à la SSII qui reste en observateur, celle qui s'implique a une position
d'acteur qui lui ouvre bien des portes et lui offre une vision interne inestimable
pour des missions de conseil et d'intégration de produits open source,
au plus grand bénéfice de ses clients. En effet, il n'est pas toujours
facile de s'y retrouver dans la pléthore de produits open source, dont
la qualité et la pérennité font souvent défaut. Ceux
qui ont déjà été sur la "project farm" sourceforge
pour chercher un package sauront de quoi je parle.
L'open source, créateur de notoriété
Enfin, pour les petites entités,
l'implication dans un projet open source qui connaît un certain succès
est une caution technique indispensable pour toucher une clientèle souvent
conservatrice. Cette attention, amplifiée par la presse et les forums de
discussion technique (comme application-servers.com par exemple dans le monde
J2EE) se propage également inévitablement sur son sponsor, créant
de la notoriété.
L'open source, générateur d'affaires
Enfin, si le produit open source auquel
contribue la SSII est gratuit, il peut cependant être un générateur
d'affaires grâce aux demandes de formation, de service et de support qui
ne manqueront pas d'affluer dès que le produit commencera à séduire
des entreprises. Ainsi, un modèle d'affaires basé sur le service
est en train d'émerger, à l'instar du JBoss Group par exemple.
Un investissement souhaitable
Il s'avère donc que, dès
lors que l'investissement est sincère et désintéressé,
l'implication d'une SSII dans l'open source offre des retours indirects réels
bien que difficilement prévisibles. Quant au bénéfice client,
il est indéniable et nous fait craindre pour les SSII qui se contenteront
de rester spectatrices.
Pour conclure, osons donc une prophétie
: "aujourd'hui, dans le monde du développement logiciel, l'open source
est incontournable et offre des alternatives de qualité aux produits commerciaux.
Les SSII qui s'en détournent risquent à terme de ne plus pouvoir
apporter un conseil objectif à leurs clients".
Philippe de Cuzey est
directeur associé de Bright Side Factory, une structure spécialisée dans l'architecture
et les développements autour des technologies Java et J2EE. Bright Side Factory
est membre du consortium open source ObjectWeb, au sein duquel il propose un framework
de composants permettant d'accélérer le développement d'applications J2EE à client
riche Java/Swing.