Navigo : le périple du voyage anonyme

Alors que le coupon disparaît ce mois-ci, remplacé par le passe électronique Navigo, La CNIL épingle dans un testing les conditions d'accès médiocres au titre permettant de voyager anonymement.

Les usagers de la RATP n'auront sans doute pas manqué de voir les nombreuses affiches les informant de la fin prochaine du coupon de la carte Orange. En effet, dès le 30 janvier, (coupons hebdomadaires et le 20 janvier pour les mensuels) celui-ci disparaîtra au profit du seul passe sans contact Navigo. Dès 2003, ce titre de transport équipé de la technologie RFID fait s'ébrouer la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Et pour cause puisque les informations personnelles du Navigo associées à un numéro de carte permettent d'identifier précisément un usager et de suivre ses déplacements sur le réseau RATP. La régie parisienne cède finalement aux demandes de la CNIL et met à disposition en septembre 2007 un Navigo spécifique garantissant l'anonymat de ses possesseurs : Navigo découverte.  

Cette offre, si elle existe bien, ne bénéficie cependant pas de la même visibilité auprès de la clientèle. Ainsi, ces cartes non nominatives sont payantes, 5 euros, quand le modèle nominatif est lui totalement gratuit. De plus, l'usager doit en faire explicitement la demande sous peine de ne pas se le voir proposer. Enfin, impossible cette fois de souscrire par Internet. Le déplacement en agence est incontournable.

"Des conditions d'information et d'obtention médiocres, voire dissuasives"

Avec la fin annoncée du coupon, garantie d'anonymat, et la généralisation du Navigo, la Cnil a souhaité s'assurer du droit des usagers à la protection de la vie privée et des données personnelles par la RATP. Des agents de la CNIL se sont donc rendus dans 20 stations de métros pour expérimenter les conditions de délivrances du titre de transport anonyme. Le constat n'est guère reluisant.

Dans un communiqué, la CNIL fustige la RATP. "L'exercice du droit des usagers à se déplacer anonymement n'est pas garanti", écrit-elle suite à son opération de testing. Et la CNIL poursuit en jugeant "les conditions d'information et d'obtention du passe "Navigo découverte" sont particulièrement médiocres, voire dissuasives".

En cause notamment le manque de sensibilisation du personnel concernant la vente de ce passe, l'absence de documentation commerciale, ou encore les difficultés pratiques de sa délivrance au guichet.

Dans un article paru sur Libération, la RATP répond en expliquant que le testing a été réalisé en juin 2008 et que depuis des efforts ont été faits, estimant par conséquent que la critique n'a plus lieu d'être. Toujours selon la RATP, 40% des Navigo souscrits en décembre sont des passes découverte, et donc anonymes. Pourtant, moins de 10% des titres Navigo en circulation (350 000 sur plus de 4 millions) seraient des titres non nominatifs, garantissant l'anonymat.

Les conditions de délivrance du passe ne constituent cependant pas le seul reproche de la CNIL. La Commission a en en effet été saisie de plusieurs plaintes d'usagers bénéficiant de la tarification spécifique solidarité transports, applicable aux titulaires du RMI et de l'allocation de solidarité. Une décision du STIF (Syndicat des transports d'Île-de-France) leur impose en effet de souscrire un Navigo dans sa forme nominative, et exclusivement. Pour la CNIL, rien ne justifie techniquement, une telle règle.