Eben Moglen, un apôtre du Libre en visite à Paris

Invité pour évoquer la question de l'environnement juridique de l'Internet, ce compagnon de route de Richard Stallman annonce la propagation de l'esprit du logiciel libre vers la communication en VoIP et la culture.

C'était une visite tout à fait exceptionnelle que ce professeur de droit et d'histoire du droit à l'Université Columbia de New-York effectuait en France le 5 juin dernier, en réponse à l'invitation commune de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) et de l'association la Quadrature du Net.

Sa conférence, portait sur l'environnement juridique de l'Internet, et ce dans un contexte national de débat sur la question de la riposte graduée. Mais la teneur de son propos est allée bien au-delà de ce particularisme français.

Programmeur chez IBM, puis juriste avant de devenir professeur d'université, Eben Moglen est de ceux qui se sont penchés sur la nouvelle version de la licence GPL. Il rappelait à cet effet que les discussions et sa nouvelle version ont été l'occasion de discussions totalement asymétriques puisque les acteurs de ces discussions rassemblaient à la fois des entreprises aussi puissantes qu'IBM et des développeurs indépendants.

Fort de sa connaissance juridique et de ses convictions libertaires, Eben Morgen annonce la fin de l'industrie de la culture au sens large. Une industrie qui ne profite qu'a elle-même selon lui. Et de citer les 77 millions de dollars glanés par l'industrie du disque en poursuivant des pirates, un argent dont pas un artiste dont la musique avait été diffusée illégalement n'a vu la couleur.

Dans cette lutte pour l'échange entre utilisateurs du réseau, Eben Moglen met en évidence le rôle d'arbitre que les maisons de disques et les studios de cinéma, mais aussi les éditeurs de logiciels, tentent d'instaurer, entre les utilisateurs et eux-mêmes.

Eben Moglen prophétise la libre communication et la gratuité dans l'économie de coût de la sphère numérique

"Ce sont les fournisseurs d'accès et les gouvernements qui sont aujourd'hui poussés à agir pour restreindre les échanges numériques des citoyens ", indique-t-il. Mais selon ce professeur de droit, la nouvelle stratégie mise en place, celle de la riposte graduée, qui cherche à exclure les utilisateurs de l'Internet s'ils bravent les licences d'utilisation, n'est pas viable sur le long terme.

"Jamais les gouvernements ne pourront exclure les citoyens de l'usage de l'Internet. Qui peut sérieusement penser que des Etats vont exclure des gens d'un moyen de communication comme l'Internet par la volonté de studios hollywoodiens ?", s'exclame Eben Moglen.  De fait, à l'échelle mondiale, l'inefficacité des mesures gouvernementales, voire le refus de certains états d'agir contre les pirates, révèle une tendance qu'il juge immuable. "Toutes ces actions visent à empêcher un partage naturel entre les gens. Par nature, les réseaux sont faits pour échanger de l'information", insiste t-il.

Fort de ce constat, ce cinquantenaire annonce la gratuité des communications en VoIP, défendant le point de vue selon lequel les réseaux appartiennent avant toute chose aux utilisateurs.

Et d'expliquer que dans les années qui viennent, les appareils photos numériques équipés de GPS et de Wifi permettront à l'auteur d'une photographie de publier directement sur Internet ses clichés. Avec l'utilisation de la licence Creative Commons, les artistes pourront diffuser très largement leur travail a destination du public. Quel artiste ne souhaite pas que son travail soit vu par le plus grand nombre ? Par ailleurs, ce type de licence lui permet de faire payer les personnes ou les entreprises qui souhaiteront utiliser les clichés de manière commerciale. Pour créer une publicité par exemple, la photo devra être rémunérée.

Eben Moglen prophétise la libre communication et la gratuité dans l'économie de coût marginal de la sphère numérique. "Nous devons courir vers le prix et bientôt, nous verrons la terre promise", proclame t-il avant de conclure sur cette prédiction d'Apocalypse : "le temps est proche où nous verrons la fin de ces systèmes propriétaires".