Avis des managers : quel avenir pour MySQL ? Patrice Bertrand (Smile) "On ne peut pas assurer qu'Oracle voudra tuer MySQL" (2)

Par ailleurs, il est intéressant de noter que la Commission européenne a justifié sa décision en invoquant l'existence d'une autre base de données libre, à savoir PostgreSQL. Cela fait longtemps que les connaisseurs apprécient cette "seconde" base de données libre. Tout le monde lui reconnaît même des qualités supérieures en termes de performances et de fonctions avancées. C'est un peu un marketing supérieur qui avait imposé MySQL comme la base "naturelle", celle de la pile LAMP.

La Commission a raison : il est temps de s'intéresser davantage à PostgreSQL. Le monde de l'Open Source est particulièrement dynamique, je suis confiant sur un basculement achevé sous un à deux ans.

"La Commission a raison..."

Cela étant dit, on ne peut pas assurer qu'Oracle voudra tuer MySQL. On peut imaginer plusieurs logiques antagonistes.

L'une d'elles est de faire ressembler un peu plus MySQL à Oracle, y compris en y injectant un peu de technologie nouvelle, de manière à diriger les mises à jour de MySQL vers de l'Oracle. Il y a quelques années, certains disaient que cela pourrait être la stratégie d'IBM.

Mais le problème, c'est que de plus en plus, la montée en gamme ne vient pas. Finalement, si Facebook, avec ses 350 millions d'utilisateurs, peut tourner sous MySQL, alors, pourquoi pas une société du CAC40 ?

L'upgrade directif est une stratégie. Mais l'occupation d'un segment de marché, modérément lucratif, mais rentable malgré tout, peut en être une autre. Après tout, même dans ses rêves les plus fous, Larry Ellison ne peut pas espérer que les sites et autres applicatifs qui tournent sous MySQL passeront sous Oracle dans le cas où il parviendrait à tuer MySQL. 

Tuer MySQL ne créera pas un marché nouveau. Une part de marché restera sur le Libre et des offres gratuites. Tout ce qu'il peut espérer, c'est de stopper ou du moins ralentir la montée en gamme de MySQL. Les grands comptes seraient restés sur Oracle pour les dix années à venir quoi qu'il advienne.

"Tuer MySQL ne créera pas un marché nouveau"

L'enjeu, est à la frontière : la grosse PME qui pourrait hésiter, et sur laquelle une communication distillant peur et doute (FUD) pourrait avoir de l'effet. C'est donc la seconde voie : simplement occuper le terrain, en gardant une position dominante sur un marché moyennement lucratif, mais rentable quand même, car MySQL était une société rentable, du temps où elle était indépendante, et doit l'être un peu plus aujourd'hui.

Donc, poursuivre dans cette voie n'est pas nécessairement une marotte, une activité sympathique mais coûteuse, mais un business à part entière.

L'autre logique, on l'a évoquée, est celle de l'extinction. Si c'est la voie choisie, elle sera obligatoirement douce et hypocrite. Prononcer la sentence, ce serait donner le top départ d'un gigantesque effort autour d'un fork, probablement le MariaDB de Monty Widenius. Et là, la mobilisation des développeurs peut être phénoménale. Donc, il faut éviter de le dire, et même continuer de sortir quelques mises à jour mineures.