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21/11/2007

Laurent Dherbecourt (Orga Consultants) : "L'ASP : une révolution dans le mode de distribution des PGI"

Les PGI en mode ASP/SaaS séduisent davantage les entreprises du middle-market que les autres. La révolution annoncée il y a une dizaine d'années ne se fera cependant pas du jour au lendemain.
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Laurent Dherbecourt
(Orga Consultants)
 
 
 

Comment choisir entre PGI internalisé et ASP/SaaS ?

Plus que l'internalisation ou la disponibilité ASP de son PGI, ce qui importe avant tout c'est la gouvernance mise en place pour définir son rôle et ses enjeux dans l'organisation.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que dans le cadre d'un mode hébergé, l'entreprise est assujettie au contrat de service qui la lie avec son prestataire.

Dans cette situation l'entreprise ne dispose pas non plus une très grande visibilité sur les compétences qui ont la charge de maintenir et d'administrer sa solution.

Quel est le portrait-robot de l'entreprise séduite par les PGI ASP/SaaS ?

La tendance naturelle pour s'équiper en PGI en mode ASP ou SaaS c'est d'abord de n'avoir pas encore implémenté son PGI et être une entreprise appartenant au middle market. Aujourd'hui, se lancer dans un PGI en mode ASP fait sens quand on est une entreprise qui réunit ces deux critères.

La cible privilégiée des éditeurs de PGI en mode ASP, ce sont les grosses PME. Elles ont des systèmes d'information avec un niveau de complexité inférieur à ceux des grands comptes.

L'ASP s'imposera surtout pour les secteurs où le système d'information n'est pas le cœur de métier. Les entreprises du secteur bancaire, de l'assurance, des médias, vont regarder l'ASP pour leurs applications non critiques en cherchant à en diminuer les coûts. L'idée sera ensuite de réinvestir une partie de ces économies dans leurs applications cœur de métier pour en faire des leviers de différenciation stratégique sur leurs marchés

Pensez-vous que les PGI en mode ASP/SaaS prendront le dessus par rapport aux PGI internalisés ?

Les PGI internalisés et en mode hébergé ou SaaS sont et resteront complémentaires. Il est important pour les entreprises de ne pas hâter la substitution de l'un par rapport à l'autre, même si certains secteurs sont plus réticents que d'autres à vouloir franchir le pas.

C'est par exemple le cas du secteur public qui a mis en œuvre de grands projets de PGI à la fin des années 90, et qui aujourd'hui a des difficultés à remettre en cause les ressources qui ont été mobilisées en interne pour en assurer leur gestion et maintenance.

Pour autant, le PGI internalisé, c'est aujourd'hui un peu comme le langage Cobol il y a dix ans, dans la mesure où beaucoup d'acteurs et experts en annoncaient la fin, ce qui est loin d'être aujourd'hui une réalité. La substitution se fera probablement mais il ne faut à ce stade pas parier sur un rythme trop rapide. Les modes de fonctionnement et les modèles d'organisations associés aux PGI internalisés sont suffisamment bien ancrés dans les entreprises pour qu'ils perdurent un certain temps.

Quelles sont les limites des PGI en mode ASP/SaaS ?

L'un des principaux freins aux PGI en mode ASP/SaaS est lié au manque de flexibilité des entreprises

L'un des principaux freins au développement des PGI en mode ASP/SaaS est lié à la volonté de conserver en interne des ressources humaines qui ont été mobilisées historiquement pour assurer la mise en place puis la maintenance des PGI internalisés .

Celles-ci ont depuis acquis de réelles compétences fonctionnelles dont il est difficile d'envisager de se passer . Ce constat touche d'ailleurs tout particulièrement les organismes publics.

Un autre facteur qui explique le fait de conserver son PGI en interne concerne une meilleure documentation et suivi des évolutions et des montées de version de son PGI. Et ce, dans un contexte où ce qui est facilement exploitable en interne l'est plus difficilement en externe.

Enfin, la crainte d'un manque de sécurisation des données est latent. C'est d'ailleurs pour cette raison que ce ne sont pas les PGI qui se sont prêtés le mieux, tout du moins dans un premier temps, au mode hébergé mais des outils collaboratifs qui utilisent des données jugées moins critiques.

Comment évaluez-vous le degré d'adoption des PGI en mode ASP/SaaS ?

C'est une réalité sans être encore une généralité.. Le PGI en mode ASP, sera avant tout lié à des nouveaux projets et ceux-ci concernent à ce stade plutôt le middle market. Les premiers signes convaincants de la maturité du modèle apparaîtront lorsque des entreprises de premier plan privilégieront pour leur PGI le mode ASP à celui de l'externalisation classique.

Quelles sont les principales évolutions de ce marché ?

ASP et SaaS constituent une véritable révolution dans le mode de distribution des PGI. Mais il s'agit à présent d'une révolution largement annoncée puique l'on en parle depuis maintenant une bonne une dizaine d'années.

Tout serait si simple si les entreprises n'étaient pas confrontées à la reprise de leur existant

Pour l'adoption de ce modèle cela aurait été tellement plus simple si les entreprises n'étaient pas confrontées à la reprise de leur existant, si elles n'avaient pas déjà des systèmes d'information complexes à maintenir qui sont encore largement caractérisés par des échanges inter-applicatifs lourds et mal urbanisés.

Pour commencer l'entreprise a toujours un intérêt à s'engager dans un projet d'urbanisation avec comme objectif de viser l'ASP. Il faudra en revanche qu'elle se méfie des coûts cachés si elle décide de s'engager d'abord dans l'ASP plutôt que dans son projet d'urbanisation.

Les PGI ont-ils fait partie des premières applications hébergées ?

A quelques exceptions près les fournisseurs d'applications hébergées (FAH) ont d'abord proposé des solutions orientées autour des outils collaboratifs, bureautique, messagerie, avant de verticaliser leurs offres en s'intéressant aux applications métiers critiques dont le PGI fait partie.

Cette évolution va néanmoins dans le sens de l'histoire puisqu'elle correspond à la fois aux besoins des entreprises et à l'intérêt des fournisseurs ASP de développer leurs activités de services à valeur ajoutée telles que le consulting et le paramétrage de modules PGI.

Au départ, il ne faut pas oublier que les FAH se sont positionnés sur des marchés de niches et qu'à ce jour, il manque encore un grand leader qui propose un large portefeuille d'applications métiers hébergées.

Les éditeurs de PGI doivent-ils réorienter leur modèle économique vers l'ASP/SaaS ?

Tous les éditeurs n'ont pas réussi à se positionner sur l'intégration, une activité où certains se sont même décrédibilisés. L'ASP, pourrait être pour certains éditeurs le moyens de se refaire une virginité sur un nouveau marché, plus ouvert que celui des PGI en mode internalisé où les grands éditeurs sont difficilement déboulonnables.

La question centrale qui se pose pour les acteurs de ce marché est de savoir si les entreprises seront à la recherche d'un seul et unique offreur disposant d'un large portefeuille d'applications. Plusieurs types de profils sont envisageables pour ce genre d'acteur.

 
Laurent Dherbecourt
(Orga Consultants)
 
 
 

On peut ainsi admettre que certains hébergeurs pourraient chercher à se repositionner plus en amont dans la chaîne de valeur en passant des accords avec plusieurs éditeurs et en développant leurs propres activités de services autour des modules PGI.

On peut également imaginer que le mode ASP devrait offrir des perspectives intéressantes aux leaders actuels de l'externalisation. Cela supposerait néanmoins qu'ils fassent évoluer leur modèle économique pour passer d'une optique de rentabilité au coup par coup à un modèle plus industriel dans lequel ils investiraient puis exploiteraient une plate-forme de fermes de serveurs et de licences en gros.

Etant à l'origine de la fourniture des offres, les éditeurs contrôleront probablement dans une large mesure le développement du modèle de distribution ASP. Cependant il faut aujourd'hui relativiser l'importance de cette révolution car voilà maintenant presqu'une dizaine d'année que les éditeurs parient sur ce mode de distribution et il est encore loin de constituer l'essentiel de leurs revenus.

 

Laurent Dherbecourt est directeur du centre de compétence stratégie et management des SI chez Orga Consultants.



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