Ne tuez pas l'e-mailing!
Par Eric Tenin, PDG de Textis
- Mercredi 13 décembre 2001 -
Messieurs
les ministres européens,
Bra-vo
! Dans votre grande sagesse, vous venez de condamner l'envoi d'e-mails
non sollicités. Grâce à vous, ma messagerie va être beaucoup moins
encombrée... Mais, franchement, je vous trouve un peu trop timorés.
Dans votre quête pour ma tranquillité de consommateur, si j'étais
vous, j'interdirais aussi les pubs dans les magazines (elles me
gênent quand je lis les articles), les pop-ups sur les sites Internet
(ils encombrent inutilement mon écran), les spots de pub pendant
les films à la télévision (ils me font perdre le fil de l'histoire),
les affiches dans la rue (elles me déconcentrent quand je conduis).
Dans
la foulée, Messieurs les ministres
européens, ayez également la bonté d'interdire à Cofidis de m'inonder
de mailings tous les deux mois pour me proposer des crédits à
des taux d'usuriers, au Reader's Digest de remplir tous les 15
jours ma boîte aux lettres pour me proposer des ouvrages qui feraient
passer ceux de la collection Harlequin pour un chef d'oeuvre de
littérature, et profitez-en pour empêcher aux Restos du coeur
d'en appeler à ma générosité, chaque année, à l'approche de l'hiver.
Mais,
surtout, surtout, Messieurs les ministres
européens, interdisez aux fâcheux d'essayer de me vendre des produits
bancaires au téléphone le soir, au moment même où Navarro va révéler
le nom du coupable, aux pompiers de me fourguer leur calendrier,
aux éboueurs de réclamer des étrennes... Je n'ai jamais demandé
à tous ces gens de me solliciter !
Et
encore, je ne vous parle que de ma vie privée... Au bureau aussi,
vous pouvez faire quelque chose pour moi. Il ne se passe pas un
jour sans qu'on essaie de me vendre de l'espace publicitaire,
des fournitures de bureau, des missions d'intérim, des consommables,
etc. Soyez gentils, interdisez-les aussi et pendant que vous y
êtes, interdisez aussi le commerce, vous n'aurez plus à statuer
au coup par coup à chaque fois qu'une nouvelle technique publicitaire
verra le jour.
En
quoi un e-mail commercial non sollicité est-il plus condamnable
qu'un publipostage non sollicité ?
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Sérieusement
Messieurs les ministres
européens, pourriez-vous m'expliquer en quoi un e-mail commercial
non sollicité est plus condamnable qu'un publipostage non sollicité
? En quoi un e-mail commercial non-sollicité est moins acceptable
qu'un prospectus non sollicité dans une boîte à lettres ? En quoi
un e-mail commercial non sollicité est plus dérangeant qu'un coup
de fil commercial non sollicité ?
Depuis
que le commerce existe, les marchands n'ont rien trouvé de mieux
que de faire de la publicité pour attirer le chaland. Entre le
rémouleur qui proposait ses «prestations» en criant dans les rues
et l'entreprise qui cherche à vendre ses produits par e-mails,
il n'y a finalement pas beaucoup de différence : les deux dérangent
les gens au hasard en espérant en accrocher quelques-uns, les
deux n'ont que ce moyen pour prospérer, les deux répondent au
besoin de certains clients, lorsqu'ils tombent au bon moment.
Chacun utilise les moyens de son époque, c'est tout...
Aujourd'hui,
Messieurs les ministres
européens, un nouvel outil est né, l'e-mailing. Pourquoi vouloir
le tuer, alors qu'il n'est ni meilleur, ni plus mauvais que les
autres ?
etenin@textis.com
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