Propositions au futur Président
pour rejoindre le peloton de tête
européen de l'Internet
Par Jean-Michel Soulier,
Président de l'AFA
(l'Association des fournisseurs d'accès
et de services Internet)
-
mercredi 20 mars 2002 -
L'Association
des fournisseurs d'accès et de services Internet (AFA) vient de
publier le nombre d'abonnés à Internet en France au 31 décembre
2001, et les chiffres sont positifs. Alors que le contexte économique
est difficile tant pour Internet que pour l'économie en général,
les membres de l'AFA ont ouvert 798.500 comptes d'accès Internet
supplémentaires au seul dernier trimestre 2001, ce qui permet
de passer le cap des 7 millions de comptes actifs. Progressivement,
Internet rentre bel et bien dans les habitudes des Français.
Pour
autant, en comparant la performance de la France avec celles des
autres pays de l'Union européenne, on mesure le chemin qu'il reste
à parcourir. Si l'on prend les chiffres de la Commission européenne
à fin décembre 2001, le constat est sans ambiguïté : quand en
moyenne 37,7% des foyers sont connectés à Internet au sein de
l'Union, la France atteint péniblement les 30% de foyers connectés...
soit sept points sous la moyenne! Si
on regarde le nombre d'heures de connexion en bas débit, 73.640.000
heures consommées en décembre 2001 (soit 4.568.000 heures mensuelles
de plus qu'en septembre) est un bon chiffre alors que la sortie
de forfaits très longue durée est toujours bloquée par le coût
disproportionné du service universel. Mais décembre 2001 n'aura
fait que 2.247.000 heures de plus que mars 2001. La croissance
peine, visiblement.
Alors
que faire ? Que l'industrie sorte de nouvelles offres d'accès
Internet ? La profession s'y emploie, mais dans le contexte économique
actuel, il ne sera pas possible d'aller très loin sans baisse
des tarifs de gros de France Télécom et sans réforme du service
universel. Que l'industrie donne confiance aux utilisateurs ?
L'AFA gère depuis plus de trois ans la hotline contre les contenus
illégaux Pointdecontact.net,
elle participe activement au développement du logiciel de contrôle
parental ICRA,
qui devient public ce mois-ci, et elle vient de lancer avec AFNOR
le premier référentiel de bonnes pratiques des fournisseurs d'accès
Internet.
Mais il reste
un rôle important à jouer pour l'Etat. C'est pourquoi nous avons
élaboré une série de propositions au futur Président de la République,
qui intègre aussi bien des mesures fiscales que des mesures qui
relèvent des libertés publiques.
Premier exemple
parmi nos propositions : on parle beaucoup de "convergence". Or
quelle est la différence entre un contenu numérique qui passe
sur de l'Internet haut débit et le même contenu qui passe sur
de la télévision numérique ? Aucune, sauf la TVA : elle est à
5,5% pour la télévision, contre 19,6% pour Internet. Aligner les
taux de TVA est nécessaire dans le cadre de la convergence, et
ce ne sera pas forcément très coûteux pour l'Etat, car créer un
marché grand public à haut débit participera à la relance de la
consommation.
Autre exemple,
l'accès des familles à Internet. Alors que la formation à l'utilisation
d'un ordinateur est une condition de la compétitivité de la France
dans le monde, le retard de la connexion des familles n'est pas
tolérable. Nous proposons que l'Etat offre 300 euros de prime
de rentrée scolaire pour l'achat et la connexion d'un ordinateur.
C'est le signal politique et le coup de pouce financier qui peut
décider les familles - peut-être 100.000 d'entre elles - à s'équiper
et se connecter. Et 300 euros, ça n'est jamais que le montant
de la TVA sur un ordinateur vendu 1.500 euros.
Dernier exemple,
qui relève des libertés publiques : face à des citoyens qui ont
sur Internet une capacité inédite de communication et d'accès
à l'information, un certain nombre d'organisations qui défendent
des intérêts légitimes, qu'ils soient économiques ou éthiques,
veulent pouvoir agir vite. Pour ce faire, ces dernières souhaitent
définir elles-mêmes ce qui doit être accessible ou inaccessible
aux internautes, par des injonctions directes faites aux prestataires
techniques. La difficulté est que leur revendication est contraire
au principe fondateur de notre République, selon lequel le citoyen
est libre a priori, et est responsable a posteriori en cas de
violation de la loi. Dans ce schéma, la justice ne peut être rendue
que par le juge, et pas par des personnes privées, ni par des
intermédiaires techniques. Ces dernières années l'Etat n'a sans
doute pas réaffirmé avec suffisamment de force l'attachement qu'il
portait au principe républicain de liberté et de responsabilité
du citoyen. Il y a là un sujet essentiel d'intervention pour le
prochain Président de la République.
Jean-Michel
Soulier
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