La marque, un média à structurer
Par Edouard Rencker
PDG de Sequoia
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Vendredi 14 juin 2002 -
C'est
un fait, la marque est devenue un média. Sortie du simple univers
du marketing produit, elle s'est mise à construire un discours
à la fois de plus en plus riche et surtout de plus en plus complexe.
La raison de cette mutation profonde tient à la concordance de
trois phénomènes majeurs.
Premièrement,
l'indéniable évolution des moeurs des consommateurs. Pour continuer
à leur parler, la marque s'est adaptée à leurs nouvelles habitudes
culturelles et comportementales, et a mis définitivement l'ancienne
réclame au rancart. La "foule sentimentale" que nous
sommes en a marre du "y'a bon Banania" et attend des
marques un discours intelligent. Porter un produit meilleur que
ses concurrents ne suffit plus, la marque doit, en plus être éthique
et prôner le "développement durable" ; citoyenne et
graver dans l'airain la charte de ses valeurs ; transparente et
oser réfléchir sur le sens de la consommation.
Deuxièmement,
la marque se trouve à la tête d'un véritable appareil de diffusion,
débouché naturel de ses nouveaux et nombreux terrains de prise
de parole. À la publicité et au "hors-média" se sont
greffés en quelques années le marketing opérationnel, la communication
corporate, financière, environnementale etc. Parfois spectaculaire,
cet appareil de diffusion est, surtout, plus diversifié que celui
des médias traditionnels. Bref, la marque, non contente d'être
un média, est devenue un média puissant. Une preuve nous en est
donnée par les tirages et les taux de lecture des magazines de
marques, qui surpassent de loin ceux de la presse magazine classique.
Enfin, grâce
à ces magazines et à Internet, les marques ont, pour la première
fois de leur histoire, un accès direct au grand public. Elles
s'adressent à lui comme n'importe quel autre média, et non plus
uniquement via la publicité et l'affichage. Résultat,
qu'elles communiquent d'elles-mêmes ou que les consommateurs les
y obligent, les marques produisent de plus en plus de discours,
de plus en plus vite et dans toutes les directions.
Sont-elles
capables de gérer ce gigantesque flot d'information ? Pas sûr.
Le risque est grand d'arriver à saturation : une seule édition
du week-end du New York Times contient plus d'informations qu'un
gentilhomme lettré du XVIIIème siècle n'en recevait durant toute
sa vie. De même, un Européen moyen est quotidiennement assailli
par 20 millions de mots. Or, un lecteur moyen n'assimile que 1.000
mots à la minute ! C'est dire si ceux-là ont plutôt intérêt à
être soigneusement pesés.
L'exaspération
du manager sollicité cinq fois de suite sur le même sujet pour
cinq supports différents achève la démonstration : l'organisation
et la structuration de l'information qu'elles émettent sont une
urgence pour les marques, au risque de sombrer dans la cacophonie
généralisée. Comment ? En codifiant la production du discours,
et en associant un appareil éditorial à leur appareil de diffusion.
La solution passe par la mise en place d'un véritable workflow
d'informations, une méthode claire qui permette de se poser les
bonnes questions préalables : quelle info dois-je produire ? Comment
? En vue de quoi ? Avec quel degré de hiérarchisation ? Et surtout
pour quelle production de sens ?
À terme, on
se dirige nécessairement vers la création d'agences d'information
internes, seules structures capables de rationaliser les thèmes,
les sources, le choix des supports, des rythmes de diffusion,
etc.
E.R.
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