Il
y a près d'un
an, les pouvoirs publics réalisaient que l'écart entre
les dépenses de R&D américaines et européennes prenait
des allures de fossé sans fond et tiraient la sonnette
d'alarme en fixant un objectif ambitieux de 3 %
du PIB pour le montant des dépenses de R&D européennes.
L'actualité,
en démontrant la toute-puissance économique des Etats-Unis,
rend le Plan Innovation encore plus nécessaire. Mais
il ne sera efficace que s'il est construit sur une réelle
compréhension des causes de notre retard économique.
Pourquoi notre économie est-elle moins puissante que
l'économie américaine ?
Il
y a 8 millions d'entreprises en Europe contre 5 millions
aux Etats-Unis. Mais 50 000 grandes entreprises
aux Etats-Unis contre 30 000 seulement en Europe.
Or ce sont ces grandes entreprises qui font la différence
sur les marchés internationaux, ce sont elles qui par
leur effet d'entraînement contribuent au développement
de l'ensemble du tissu économique.
Il
manque à l'Europe 15 000 grandes entreprises pour
que nos dépenses de R&D atteignent l'objectif de 3 %
et que notre économie soit aussi puissante que l'économie
américaine. Pourquoi notre système économique ne génère-t-il
que si peu de grandes entreprises ? Plus de 80 %
des grandes entreprises européennes qui sont apparues
depuis 1980 étaient le fait de fusion d'entreprises
déjà grandes, alors que 75 % des nouvelles grandes
entreprises américaines étaient de véritables nouveaux
entrants, des PME qui avaient réussi à se développer.
Relancer
la R&D
Le tissu des PME européennes n'arrive pas à générer
les nouvelles grandes entreprises dont nous avons si
cruellement besoin. Il est composé de très petites entreprises
(les entreprises de moins de 10 personnes représentent
34 % des emplois européens contre 11 % seulement
aux Etats-Unis) qui n'innovent pas assez : en moyenne,
les dépenses de R&D d'une PME européenne sont près de
huit fois moins élevées que celles d'une PME américaine.
Il
est devenu crucial de permettre aux PME qui en ont le
potentiel de se développer. Or aujourd'hui
l'environnement règlementaire et fiscal pèse
lourdement sur le développement des jeunes entreprises
et
les investisseurs privés, échaudés par les
déboires des start-ups fuient les PME innovantes.
Le
Plan Innovation contribue à répondre à ces deux problèmes.
Les mesures concernant les business angels et le statut
de jeune entreprise innovante nous semblent tout à fait
positives.
Ouvrir
les marchés publics
Mais il oublie un point essentiel : les PME innovantes
françaises sont aujourd'hui virtuellement exclues de
l'achat public. Or ce secteur pèse plus de 10 %
du PIB, ce qui représente un volume considérable de
commandes, en particulier dans les domaines fortement
innovants des NTIC, de la santé, du spatial, de la défense,
de l'aviation civile et du nucléaire.
De
plus, l'effet d'entraînement est considérable :
· ces commandes renforceraient l'attractivité des PME
aux yeux des investisseurs privés,
·
dans le domaine crucial de la R&D, elles
permettraient aux PME de bénéficier de financements
bien plus adaptés que les aides publiques dont les conditions
d'accès sont complexes et restrictives,
·
ouvrir les marchés publics aux PME dans l'ensemble des
pays de l'Union européenne permettrait de poser les
premières pierres du marché unique européen, qui reste
encore une chimère pour les PME innovantes, plus de
80 % de leur chiffre d'affaires étant encore réalisé
sur leur marché national.
Une
ouverture équitable de l'achat public aux jeunes entreprises
innovantes pourrait donc créer le cercle vertueux qui
rendrait possible leur développement. C'est d'ailleurs
sur cette base qu'est construite la politique PME menée
aux Etats-Unis depuis 50 ans.
2 500
nouvelles grandes entreprises françaises, 15 000
en Europe : c'est possible - nos PME en ont le potentiel
- et cela ne demande pas de crédits supplémentaires.
Le Plan Innovation comprend de réelles avancées qu'il
faut souligner, mais il n'est pas suffisant. Nous appelons
à une nouvelle politique en faveur du développement
des PME innovantes qui permettra à la France et à l'Europe
de revenir au niveau économique des Etats-Unis.
[leprince@comite-richelieu.com]
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