TRIBUNE 
PAR GÉRARD HAAS
"Un jugement qui établit la primauté de la sphère commerciale sur la sphère privée"
Gérard Haas, avocat de Milka Budimir face à Kraft Foods dans l'attribution du nom de domaine Milka.fr, revient sur le jugement du tribunal en faveur de la multinationale.  (16/03/2005)
 
Avocat à la Cour, il a défendu Milka Budimir face à Kraft Foods, propriétaire du chocolat Milka, dans la bataille pour l'attribution du nom de domaine Milka.fr. Le procès a été perdu mais Milka Budimir compte faire appel.
 
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Le 14 mars 2005, la 2ème Chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a rendu un jugement dans un litige opposant le titulaire d'une marque et une personne ayant un prénom identique à la marque qu'elle utilisait pour son nom de domaine.

La question posée au Tribunal était de savoir si le titulaire d'une marque déposée pouvait interdire à un tiers la réservation et l'emploi d'un nom de domaine lorsque ce dernier était composé d'un terme qui était, par "coïncidence", le prénom de cette personne et la contraction de la marque en cause. Comme cette marque était notoire, c'est sous l'angle de l'article L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle qu'il convenait d'apprécier le litige en dehors de tout critère de spécialité.

Il faut tout d'abord observer que le simple enregistrement de nom de domaine reproduisant une marque notoire ne suffit pas, à lui seul, à engager la responsabilité de son auteur. Il faut que l'un des deux cas de l'article L 713-5 soit caractérisé pour que cet enregistrement fasse l'objet d'une sanction :
- soit il est de nature à causer un préjudice au titulaire de la marque,
- soit il constitue un emploi injustifié de celle-ci.

Certes, à suivre le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, un prénom peut être utilisé paisiblement pour l'identité d'une personne à titre d'état civil par exemple, toutefois, un prénom ne confère pas de monopole même s'il n'est pas répandu, et ce, à la différence d'une marque, dans la vie des affaires et la sphère commerciale.

En revanche, plusieurs personnes peuvent avoir des droits sur un même terme et peuvent aussi avoir vocation à utiliser le réseau internet. De même, il ne suffit pas qu'un nom de domaine soit disponible pour que cela donne à celui qui le réserve en premier un droit de priorité à son utilisation. En effet, le titulaire d'une marque notoire peut s'opposer à l'emploi de sa marque comme nom de domaine. Ceci sera plus facile à obtenir lorsque le tiers ne justifiera pas détenir un droit sur le terme pour une activité économique et lorsqu'il sera établi que son activité est de nature à banaliser la marque et à affaiblir son pouvoir distinctif.

A ce titre, cette décision est particulièrement importante puisqu'elle encourage les marques à investir massivement l'espace publicitaire et à engager des procédures pour les voir déclarer notoires. La lutte contre la banalisation et l'affaiblissement du pouvoir distinctif de la marque devient par conséquent un enjeu majeur .Quant aux personnes qui espéraient pouvoir utiliser leur prénom, elles risquent de se voir priver de toute existence sur le réseau internet.

Les propriétaires des marques utilisant, coïncidence ou non, des marques dont la contraction reprend un prénom, pourront bloquer toute utilisation de ces prénoms comme nom de domaine sur la Toile.

Cela revient à dire que le titulaire du site "Jennifer" ou du Weblog "Paul" ou de la passion de "Mercedes" ou encore de la croisade "d'Alice" n'auront qu'à bien se tenir car désormais les entreprises à imagination faiblardes qui reprennent des prénoms pour leur vendre leur produit pourront leur interdire l'accès au Web.

En clair, si vous voulez utiliser votre prénom pour un site Web, vérifiez qu'une marque ou un produit ne l'utilise pas déjà et si demain on utilise votre prénom pour une marque, battez-vous contre l'affaiblissement du pouvoir distinctif de votre prénom.

D'une manière générale, on peut regretter que lorsque la sphère commerciale percute la sphère sociale, ce soit la sphère commerciale qui emporte gain de cause. Humainement, il me semble que ce sont les droits de la personnalité qui doivent triompher sur les droits mercantiles. Il est peut être temps que l'on s'intéresse aux personnes ; les prénoms peuvent être sacrés, n'en déplaise aux marques. Rappelons que les évangiles portent les prénoms de leurs saints et non d'une marque !
 
 

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