TRIBUNE 
PAR BENJAMIN JOFFE
"Au Japon, le mobile paie... et garde la monnaie"
Benjamin Joffe, consultant Internet et mobile en Asie, installé en Chine et fondateur de la société Plus8Star, livrera régulièrement aux lecteurs du JDN ses impressions sur les dernières tendances IT asiatiques. Pour commencer, il fait le point sur la révolution du paiement sur mobile qui frappe le Japon.  (10/02/2006)
 
Fondateur de Plus8Star, consultant Internet et mobile en Asie
 
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L'argent dématérialisé, la carte de crédit sur mobile, le passe Navigo intégré… alors que la France expérimente, le Japon est entré de plain pied dans l'ère de la monnaie électronique. Le papier, le métal et le plastique sont peu à peu remplacés par une puce sans contact au cœur de l'appareil fétiche du monde développé : le téléphone mobile.

Mais où est passé mon portefeuille ?
Avec le "mobile porte-monnaie" émergent de nombreuses inquiétudes : est-ce sécurisé ? Que se passe-t-il si je perds mon mobile ? Près de deux ans après son lancement, il semble que l'expérience japonaise indique qu'il ne se passe…rien. Rien de plus que lorsque l'on perd son portefeuille. Et peut-être même moins : avec la présence d'un code PIN et la possibilité de bloquer à distance ainsi que d'appeler ou de localiser le mobile, les chances de retrouver son "portefeuille" n'ont jamais été aussi grandes. Et le shopping, le transport, et beaucoup d'autres services n'ont jamais été aussi simples.

Le mobile japonais d'aujourd'hui
Aujourd'hui, ce sont près de 43 % d'abonnés aux services mobiles à haut débit (de 144 Kbps a plusieurs Mbps), un téléphone "moyen" doté d'un écran couleur de 2,5 pouces de diagonale (6,35 cm) en QVGA (240 x 320 pixels) et des forfaits de connexion illimitée de plus en plus populaires (avec des paliers à 7,50 euros, 15,50 euros et 29 euros).

m-Commerce
Alors que la plupart des pays cherchent encore comment populariser les contenus pour mobiles, un pas a été franchi au Japon : ce qui se vend le mieux sur le mobile depuis 2005, ce ne sont plus des produits digitaux mais des produits physiques ou des services ! Que ce soit des produits de marque, des CD ou DVD, des billets d'avion ou des enchères en ligne, le total du marché pour 2005 est estimé à 1,5 milliard d'euros, dont environ 50 % viennent de sites marchands et 25 % de services d'enchères.

Pour faciliter les achats, l'opérateur KDDI a même monté une galerie marchande sous le nom de "au Shopping" ("au" est la marque mobile de KDDI) et propose le paiement de biens sur la facture mobile dans certaines limites, dépendant de l'âge et de l'ancienneté de l'utilisateur, et simplifiant grandement le paiement.

Enchères sur mobile
Les enchères sur Internet sont largement entrées dans les mœurs au Japon et le volume de transactions pour 2005 est estimé par Nomura Research à près de 100 millions d'euros. Ainsi, l'entrée pionnière de l'opérateur KDDI par le biais du mobile en janvier 2005 est un pas logique, facilité par son réseau haut débit, par le prix modique du MMS et la large diffusion des caméra-phones. Fin avril 2005, le service "au Auctions" comptait déjà 575.000 utilisateurs enregistrés (sur 20 millions d'abonnés) et plus de 25 millions de pages affichées par jour. Cette initiative a été rapidement suivie par NTT DoCoMo et Vodafone.

Paiement sans contact
Avec l'introduction dans les mobiles de la technologie sans contact Felica de Sony en juillet 2004, NTT DoCoMo a donné le coup d'envoi du m-paiement. La plate-forme Felica permet de faire le lien entre une fonction téléchargée par le réseau mobile et les lecteurs sans contact disséminés dans les points de vente et appareils des sociétés partenaires.

L'application la plus connue est la fonction de porte-monnaie électronique "Edy" (pour Euro/Dollar/Yen). La solution étant devenue un standard de fait, les opérateurs concurrents KDDI et Vodafone ont suivi le mouvement et ont tous deux lancé Felica en 2005. Il est à noter que la même plate-forme peut accueillir des applications comme des billets électroniques (train, vols intérieurs), des cartes de fidélité (location de vidéos, etc.), etc. Une extension prometteuse est le paiement par Internet sur des sites marchands au moyen d'un lecteur relié par port USB.

Fin décembre 2005, Edy comptait 3 millions d'utilisateurs mobiles, compatibles dans plus de 26.000 magasins et points de vente ainsi que 3.900 distributeurs de boissons. Le nombre total de transactions réalisé par la carte Edy depuis son lancement en novembre 2001 et par les mobiles compatibles a dépassé la barre des 100 millions en décembre 2005.

Complication intéressante pour Bitwallet, la société derrière Edy, dont les principaux actionnaires sont Sony et NTT DoCoMo : il est apparu sur les mobiles une solution de paiement concurrente utilisant la même technologie. A l'origine "simple" carte de transport sans contact, le passe "Suica" (pour "Super Urban Intelligent IC Card") de East Japan Railway s'est également invité dans les mobiles depuis janvier 2006 et intègre lui aussi des fonctions de porte-monnaie électronique.

De là est née une bataille territoriale entre Suica - utilisée par plus de 12 millions d'usagers du train - et Edy, très présente sous forme de carte dans les quartiers d'affaires et les galeries marchandes (le total cartes + mobiles a dépassé les 10 millions en mai 2005). Cela ressemblerait-il à la possible bataille à venir en France entre Navigo et Moneo sur le mobile ? Avec plus de 1,2 million d'utilisateurs, le passe Navigo semble être déjà une "killer application" et être à même de conquérir un vaste territoire par "capillarité".

Carte de crédit sur mobile
Un autre mouvement important est le lancement de la carte bancaire mobile. Liée à la solution de paiement sans contact, elle permet de recharger son compte Edy, d'effectuer des paiements directement par carte de crédit (les paiements importants nécessitant la saisie du code PIN), et bientôt de retirer de l'argent dans les distributeurs automatiques !

NTT DoCoMo a ainsi lancé en décembre 2005 un service de carte de crédit pour mobiles dénommé "iD" en partenariat avec la banque Mitsui Sumitomo. Celle-ci prévoit également de modifier 7.000 distributeurs. Pour contrer NTT DoCoMo, les concurrents KDDI et Vodafone se sont ralliés au consortium de compagnies de cartes de crédit, mené par le leader du marché JCB, pour développer et promouvoir une autre solution de paiement nommée "QuicPay", s'appuyant également sur la technologie de Sony.

Bientôt en France ?
En France, bien que certains obstacles réglementaires entravent la prise en charge de paiement par les opérateurs mobiles, ceux-ci remplissent déjà ce rôle pour le paiement de contenus digitaux comme la musique, les jeux, les sonneries sur mobile. Les essais menés par Orange s'effectuent avec la technologie NFC, sur un modèle similaire à Edy, tandis que Bouygues Telecom opte pour une stratégie de type Suica en s'alliant à la RATP autour de Navigo et la technologie d'Axalto. La RATP, réticente au départ, aurait été convaincue par un voyage d'étude au Japon. France Telecom, qui dispose d'un centre de R&D à Tokyo, et SFR dont l'actionnaire Vodafone est le troisième opérateur au Japon, ont, semble-t-il, abouti à une conclusion différente. Reste à voir à qui l'utilisateur français donnera raison !
 
 

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