Start-up : le nouveau vecteur d’inspiration pour les entreprises

Les grandes entreprises se tournent vers les start-up pour accroître et accélérer leur capacité à innover. Mais les règles du jeu ont changé : les start-up ne veulent plus de ces mentors qui les protègent pour mieux les absorber.

64 % des grandes entreprises déclarent qu’il est aujourd’hui important – voire, pour 23 % d’entre elles, vital– de travailler avec des start-up, selon une étude réalisée par imaginatik et Masschallenge en 2016. Deux raisons majeures expliquent ce pourcentage élevé :

  • La nécessité d’accélérer leurs cycles d’innovation pour répondre aux nouvelles attentes et exigences que la révolution digitale et "sociale" induit chez leurs clients à un rythme que les organisations internes dédiées à la R&D et à l’innovation peinent à suivre.
  • La crainte qu’un challenger fasse irruption sur leur marché, comme Uber et Airbnb ont réussi, en très peu de temps, à déstabiliser les taxis et l’hôtellerie traditionnelle en s’imposant, via une simple application, en tant qu’intermédiaire et tiers de confiance.

C’est donc non seulement à des fins pragmatiques d’innovation à court terme, pour faire évoluer/moderniser leurs offres de produits et de services, mais aussi de veille prospective et stratégique que les entreprises établies cherchent à se rapprocher des start-up et développent des initiatives dans ce sens. 

Ainsi, 23 des 25 grands groupes français faisant partie du Forbes Global 500 ont mis en place des programmes, souvent internationaux, s’adressant aux start-up. Ces programmes se matérialisent sous la forme de fonds d’investissement (Corporate Venture Capital), d’incubateurs et d’accélérateurs, mais aussi d’espaces de co-working et, bien sûr, de concours d’innovation. Cette dernière pratique tend d’ailleurs à se généraliser bien au-delà des plus grandes entreprises tant le besoin d’innovation "out of the box" moins chère, plus rapide et surtout plus en phase avec les attentes du marché en termes d’usage – se fait impérieux.

Les efforts des entreprises portent-ils leurs fruits ?

Pour répondre à cette question, il faut mettre les objectifs des entreprises en regard de ceux des start-up. Force est de constater que ces objectifs ne sont pas tout à fait alignés. Il s’est beaucoup dit, notamment en France, que l’ambition de tout créateur de start-up était de se faire racheter le plus vite possible par un grand groupe. Les études récentes montrent que ce n’est absolument pas le cas : en France comme à l’international, la grande majorité des start-up voient avant tout leur collaboration avec les entreprises comme un moyen d’accéder au marché. Cela signifie qu’elles recherchent davantage des clients et des partenaires qu’un éventuel acheteur ou un futur actionnaire.

C’est d’autant plus vrai que les dispositifs d’aide et circuits de financement, publics notamment, se sont considérablement structurés et diversifiés. En d’autres termes, pour financer les premiers pas puis la croissance de sa start-up, il n’est plus indispensable de faire partie de l’écurie d’un grand groupe – solution dont la contrepartie, explicite ou tacite, est souvent de ne plus pouvoir approcher librement les autres acteurs du marché. Or les start-up cherchent à s’ouvrir des portes et non à s’enfermer. Si elles ne boudent pas les dispositifs mis en place par les entreprises, elles ne veulent pas y être enfermées et passer à côté d’autres opportunités de mettre leur modèle économique, leur technologie ou leurs produits à l’épreuve des marchés qu’elles visent.

Cette structuration de l’écosystème, particulièrement remarquable en France, donne en outre aux jeunes pousses la possibilité de davantage décorréler le développement de leur "business" de la recherche de financement ou d’une forme ou une autre d’ "exit" (rachat ou, plus rarement, introduction en bourse). Mais la création d’un écosystème plus favorable a aussi pour effet une explosion du nombre de start-up. On en dénombre plus de 3 000 pour la seule Île-de-France. Il faut s’en réjouir, bien sûr, mais aussi reconnaître que, même pour les entreprises les mieux organisées, cette prolifération rend plus difficile l’identification des start-up avec lesquelles elles pourraient travailler sur une base "gagnant-gagnant".

De plus, que ce soit pour trouver la technologie qui leur manque, moderniser leur offre ou identifier en amont des innovations de rupture, les entreprises doivent évidemment regarder au-delà de leurs frontières. Si les plus grandes ont les moyens d’étendre leur veille et leurs processus de sélection à l’international, c’est plus rarement le cas des ETI qui ont, elles aussi, des besoins importants d’innovation et qui représentent un potentiel intéressant pour les start-up.

De la captation d’innovation au partenariat gagnant-gagnant 

Entre nécessité d’innover et crainte d’être "disrupté", les entreprises commencent à comprendre que la voie du partenariat est plus créatrice de valeur à long terme pour elle que la captation pure et simple de l’innovation produite par les start-up, ou la compétition frontale avec celles qui, repérées trop tard, leur prennent des parts de marché. Tous les groupes hôteliers se disent aujourd’hui qu’ils auraient pu être dans une relation "win-win" avec Airbnb s’ils avaient exploré en temps voulu les synergies possibles entre la plate-forme et leur cœur de métier…

Heureusement, des partenariats entreprise/start-up très constructifs voient aujourd’hui le jour dans tous les secteurs. Par exemple, en ayant intégré dans ses inhalateurs destinés aux asthmatiques un petit dispositif connecté conçu par une start-up, ce laboratoire pharmaceutique peut connaître les habitudes de ses patients (heure des prises, doses…) et engager avec eux une relation directe en leur proposant de nouveaux services via une application sur smartphone. On peut même parler ici de "triple win" : le laboratoire y gagne la connaissance client à laquelle son modèle B2B2C ne lui permettait pas d’accéder ; la start-up a trouvé un débouché marché qui lui permet de poursuivre ses développements ; l’utilisateur de l’inhalateur connecté bénéficie d’un service supplémentaire.

Autre exemple, dans la grande distribution, cette fois : l’expérimentation par cette enseigne d’un système innovant de lasers analysant automatiquement le contenu du Caddy est aussi un "triple win": validation de la technologie pour la start-up ; gain de temps et de confort pour le consommateur grâce à l’automatisation complète checkout ; et pour l’enseigne, gain d’efficacité et élimination de la fraude qui pouvait exister avec les autres systèmes de caisses automatiques.

Créer les conditions de la rencontre et de la création de valeur

La principale est qu’il y ait alignement entre les intentions/objectifs des entreprises en question et les leurs. Ce "strategic fit", où la convergence des valeurs entre aussi pour beaucoup en ligne de compte, est le critère fondamental de réussite d’une collaboration entre entreprise et start-up. Pour que le rapprochement soit possible et fructueux, il faut non seulement que les deux parties sachent ce qu’elles peuvent attendre l’une de l’autre, mais aussi qu’elles s’inscrivent dans un calendrier commun. Il est crucial pour les entreprises d’avoir en tête les points suivants :

  • Le temps n’a pas la même valeur pour une start-up que pour des organisations complexes comme un grand groupe international. 6 mois sont une éternité pour la plupart des start-up. Il faut donc accélérer les processus d’engagement, ce qui suppose de les simplifier.
  • Des start-up n’ayant qu’un an ou deux d’existence, voire quelques mois, ne peuvent matériellement pas satisfaire aux mêmes critères et exigences que des fournisseurs/partenaires classiques. Il faut donc aménager et assouplir les conditions d’éligibilité et de contractualisation et, le cas échéant, les aider à acquérir les certifications habituellement requises.
  • Les start-up les plus prometteuses sont aussi les plus courtisées. Ayant le choix, elles se tourneront toujours vers les entreprises qui leur offrent non seulement les meilleures conditions de collaboration, mais aussi le plus fort potentiel de création de valeur pour elles.

Clarifier les objectifs de l’entreprise 

Face à des start-up de plus en plus nombreuses et sachant de mieux en mieux ce qu’elles veulent, les entreprises doivent de leur côté en priorité clarifier et hiérarchiser les raisons pour lesquelles elles veulent travailler avec de jeunes entreprises innovantes. Cette clarification préalable est indispensable car les objectifs déterminent à la fois les modes de collaboration envisageables et le stade de développement des start-up auxquelles elles peuvent s’adresser.

S’il s’agit de s’inspirer pour de nouvelles offres ou de trouver de nouveaux concepts, l’entreprise a intérêt à se rapprocher de très jeunes start-up (seed) qui, à défaut de leur apporter une solution tangible, rafraîchiront le regard qu’elles portent sur leur marché et leurs propres clients. Une start-up technologique ayant déjà réalisé son premier tour de table sera un partenaire plus pertinent pour des projets de co-R&D à moyen terme. Si l’entreprise vise la croissance externe, elle s’intéressera plutôt à des start-up ayant déjà marqué des points sur le marché visé.

Pour ne pas disperser les efforts et les ressources, la première étape pour l’entreprise est donc de se situer dans une matrice prenant en compte ses objectifs à court, moyen et long terme et le stade de développement des start-up cibles. Par exemple, un de nos clients assureurs, souhaitant lancer une application digitale, recherchait des innovations avec 2 critères distincts pour 2 objectifs différents. Ainsi, la nécessité d’identification numérique de ses clients via le scan des documents d’identités fut sous-traité à une start-up de niveau avancé tandis que le besoin d’innovation disruptive a, elle, été permise par de la Recherche & Développement commune avec une start-up plus jeune.

Mélanger intrapreneurs et start-up

Etre en capacité d’identifier les besoins/objectifs d’innovation, ainsi que les start-up et les projets, ne garantit pas l’intégration étroite de l’innovation apportée par les start-up dans l’entreprise. C’est un moyen éprouvé de confronter les points de vue et de mettre en synergie la connaissance forte que les collaborateurs métiers ont de l’entreprise, de ses clients et de ses offres, et la créativité qui caractérise les start-up. Ces dernières sont d’ailleurs très demandeuses de ce compagnonnage qui accélère leur compréhension des problématiques de l’entreprise. De plus, donner à des salariés la possibilité d’entreprendre en interne, avec le soutien explicite du management et en relation avec des start-up, est aussi un formidable moyen de vivifier le potentiel d’innovation latent et favorise, en outre, la diffusion et l’enracinement d’une culture de l’innovation à tous les niveaux de l’entreprise.

Pour les besoins d’une grande banque, nous avons organisé dans une première étape un hackathon à destination des employés afin de faire émerger des innovations incrémentales grâce aux collaborateurs qui connaissent le mieux les offres et les clients. Puis, dans une seconde phase, nous avons intégré des start-up, ce qui a permis de dynamiser l’innovation disruptive. C’est ainsi, en couplant l’intrapreneuriat et les start-up, que la créativité d’innovation fut la plus riche et fructueuse.

Passer rapidement à la réalisation de pilotes

Enfin, pour atteindre ses objectifs d’innovation, l’entreprise doit très rapidement passer à la réalisation de pilotes avec les start-up identifiées. L’expérience montre que trois pilotes par sujet stratégique identifié permettent de tester la capacité des start-up retenues et des projets à délivrer des résultats concrets. En fonction du retour sur investissement attendu, l’entreprise peut comparer les résultats et passer en connaissance de cause à un test grandeur nature avec le partenaire/projet qui a obtenu les meilleurs résultats.

Un de nos clients e-commerce a, par exemple, fait le choix de l’innovation pragmatique en se forçant à tester 5 à 8 start-up par an afin de maintenir les équipes en recherche continue de l’excellence au service du client et de la performance interne.