Frédérique Grigolato (Clic and Walk) "Nos 90 000 utilisateurs gagnent de l'argent en donnant leur vision consommateur"

Clic and Walk collecte auprès de 90 000 consommateurs, en temps réel, des données commerciales géolocalisées. Frédérique Grigolato, sa CEO, vise plusieurs millions de chiffre d'affaires fin 2015.

JDN. Après une carrière dans la grande distribution, vous avez fondé Clic and Walk en 2012. La société propose de récupérer des données marketing et commerciales directement auprès de consommateurs, qui sont rémunérés pour prendre des photos et donner leur avis via une application. De quelle nature peuvent être les missions ?

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Frédérique Grigolato a fondé Clic and Walk en février 2012. © S. de P. Clic and Walk

Frédérique Grigolato. Nous avons plusieurs cordes à notre arc et les missions dépendent de ce que veut la marque. Par exemple, notre client peut chercher à savoir si un produit ou une affiche sont bien présents dans l'un de ses points de vente. Pour s'en assurer, quelques répondants suffisent. On leur demande de se rendre dans le point de vente puis on leur pose des questions qualitatives : est-ce visible ? Est-ce bien posé ? Ils doivent aussi prendre le présentoir en photo. Par exemple, nous avons lancé une mission pour Auchan, pour évaluer la perception consommateur sur sa campagne de baisse des prix. Mais on peut demander aux clients de répondre à des questions chez eux, pour expliquer comment ils utilisent un produit. Par exemple, on leur demande quel déodorant ils achètent, pourquoi,  ce qui les a persuadé de le choisir... Les réponses ouvrent des possibilités d'innovation et de développement pour le client. Attention, Clicandwalk n'est pas un outil promotionnel qui servirait à amener du trafic en magasin. L'application sert à collecter des informations commerciales et des outils marketing, à avoir une vision consommateur. Les clicwalkers répondent à des QCM, mais donnent aussi des réponses qualitatives et prennent des photos, c'est là notre force.

Combien les missions rapportent-elles au clicwalkers ?

Une mission à effectuer à la maison rapporte en général entre 50 centimes et un euro. Mais pour une mission à l'extérieur, dans un point de vente par exemple, les missions rapportent souvent 5 euros environ. A ce moment-là, on n'a souvent besoin que de quelques répondants. L'application est géolocalisée, donc ce type de mission n'apparait que si vous êtes dans un rayon de 50km du point de vente en question. Quand un nombre suffisant de clicwalkers a accepté la mission, elle n'est plus visible pour les autres.

Comment garantir le sérieux des réponses ?

Toutes les missions sont contrôlées individuellement et validées ou non par nos équipes. Les photos sont aussi contrôlées une par une.

Combien comptez-vous de clicwalkers ?

Nous avons une communauté de 90 000 personnes en France, mais aussi de 20 000 clicwalkers en Angleterre et 20 000 en Allemagne.

Sous quelle forme les informations sont-elles remontées aux clients ? Garantissez-vous l'anonymat des clicwalkers ?

"Les données restent anonymes"

Nous remontons les informations aux clients de façon parfaitement anonyme. On ne donne jamais les données personnelles des utilisateurs, seulement un profil (sexe, âge, profession...). Le nom n'apparaît jamais et les photos sont aussi envoyées anonymement. C'est notre force. Les informations personnelles ne sont pas accessibles au client et nous ne reviendrons jamais sur ce point.... Bien qu'on nous ait déjà demandé plusieurs fois de vendre notre base de données personnelles. Je crois que le business model de Clic and walk est le business model de demain : on se positionne sur les données que nous offrent les consommateurs, pas sur leurs données personnelles.

Qui comptez-vous parmi vos clients ?

FDJ, Renault, Ikea, Castorama, des enseignes de distribution alimentaire comme Franprix et Auchan...

Quels sont vos futurs axes de développement ?

Nous travaillons constamment sur des offres complémentaires, parfois à la demande des clients. Nous voulons par exemple développer la vidéo, que ce soit en magasin ou à domicile, pour avoir tout un déroulé de l'expérience consommateur. Au lieu d'une série de photos saccadées, on aurait un 360° d'un rayon, par exemple.

Vous n'avez pas peur d'avoir un taux moindre de répondants ? C'est encore plus intrusif que des photos...

Non, car tout est clair. On n'est pas là pour donner des informations que les consommateurs ne veulent pas donner. La communauté nous fait confiance. Même si c'est plus intrusif, ce ne sera jamais exploité de façon malhonnête.

Combien coûte la prestation et à quel point analysez-vous les données ?

Notre business model est plutôt ouvert aux grosses PME et aux grand comptes. Soit nous rendons les données brutes, soit elles sont pré-analysées, soit nous délivrons une synthèse pointue, selon la demande du client. Mais nous ne faisons jamais de recommandations, comme le ferait un cabinet d'études marketing traditionnel. L'étude moyenne coûte entre 7 000 et 10 000 euros. Cela dépend du nombre de questions ouvertes, qui demandent plus d'analyse, mais aussi du nombre de répondants. Nous avons aussi une formule d'abonnement : on détermine un nombre de missions à l'année, avec des tarifs privilégiés.

Quelques données sur votre développement ?

Des centaines de milliers d'euros déjà versés aux clicwalkers

Nous ne sommes pas encore rentable. Nous avons levé 750 000 euros auprès de Breega Capital en juillet 2013 pour devenir le leader européen de la collecte de données marketing et ouvrir le service à l'étranger. Depuis la création de Clic and walk, des centaines de milliers d'euros ont été reversés aux clicwalkers. Notre objectif est d'arriver à plus de 300 000 clickwalkers en Europe d'ici à fin 2015 et quelques millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous voulons aussi ouvrir le service dans un autre pays en 2014 ou 2015. Nous pensons à la Suisse, ou peut-être à la Pologne. Et nous envisageons de boucler une nouvelle levée pour accélérer notre croissance.

Vous devez faire face à plusieurs concurrents en France, et notamment à Localeyes, qui repose sur le même principe...

Localeyes a un positionnement beaucoup plus store-check : on demande par exemple à l'utilisateur si une affiche est bien posée ou non. Il s'agit plus d'un contrôle. C'est une méthode plus standard, moins personnalisée, et donc plus adressée à des PME. Nous n'avons pas forcément la même cible et ne répondons pas exactement aux mêmes besoins. Notre approche est plus qualitative, destinée à donner la vision du consommateur et pas seulement à faire de la vérification.

Diplômée de l'ESC Nice-CERAM, Frédérique Grigolato passe près de 20 ans dans le secteur de la grande distribution, à des postes opérationnels et centraux. Lors de sa carrière chez Auchan puis Castorama, elle avait remarqué que les annonceurs n'avaient aucun contrôle sur leurs campagnes de publicité sur le lieu de vente : retard dans la mise en place des banderoles, oubli des offres promotionnelles.... En février 2012, à 40 ans, cette mère de 4 enfants fonde Clic and Walk, spécialisée dans la collecte en temps réel d'informations Commerciales.