Pourquoi les start-up tech repoussent-elles leur introduction en bourse ? Quand est-il judicieux d'entrer en bourse?

Pour Marc Oiknine, trois critères sont déterminants pour évaluer la pertinence d'une IPO pour une start-up tech –mis à part le fait que ses CEO doivent être déterminés à rester indépendants et ne lorgnent pas un rachat.

Category leader

D'abord, la start-up doit être leader incontesté sur son segment. "Si elle crée une brique technologique qui marche bien, mais ne peut pas empêcher la concurrence de la rattraper, elle s'imposera en indépendant pendant quelques années seulement sans que cela ne puisse durer... Et elle ne tiendra pas le coup une fois introduite en bourse." Dans ce cas, mieux vaut se tourner vers des capitaux-risqueurs et tenter de vendre. Mais un leader dans sa catégorie, qui prend le marché et peut y rester de manière indépendante et incontestée peut aller en bourse. C'est par exemple le cas de Criteo.

Croissance et rentabilité

Le critère de la rentabilité vient en second lieu et compte bien moins que la croissance. "Blablacar, par exemple, est un 'category-killer', mais ne remplit pas encore les conditions de taille critique de chiffre d'affaires, note Marc Oiknine. La start-up explose en usages, en commissions prélevées, mais il faut sans doute des masses incroyables pour qu'elle rentre dans les cases des financiers pour une bonne valorisation en bourse."

Quand les trois critères sont réunis, de belles réussites en ligne de mire, comme celle de Facebook, dont l'action vaut aujourd'hui deux fois le niveau de son introduction en bourse.

Teads prépare son IPO fin 2015 aux Etats-Unis

Pierre Chappaz, CEO de Teads, compte bien faire partie des IPO à succès. Le spécialiste de la publicité vidéo entrera sur le Nasdaq ou le NYSE "à partir du dernier trimestre 2015". Pour lui, l'introduction en bourse a un autre avantage que celui de trouver des financements : "L'intérêt principal, à part le fait de lever des fonds pour accélérer le développement de Teads au niveau mondial et principalement en Asie, c'est de gagner en visibilité sur le marché américain. Il doit bientôt devenir notre premier marché, en 2015 ou 2016."

"L'essentiel, c'est d'afficher un gros taux de croissance, d'avoir atteint une taille critique suffisante et d'être capable de dégager des profits, ajoute Pierre Chappaz, confiant. Nous pensons pouvoir encore beaucoup grandir dans notre secteur actuel car nous sommes un acteur très particulier par rapport aux autres. La plupart se battent sur le marché du pré-roll, alors que nous créons de nouveaux formats publicitaires pour les diffuser dans un environnement qualitatif, dans les médias, avec un reach de 700 millions de visiteurs uniques par mois."

Entrer en bourse pour faire un coup

"Chercher une meilleure valorisation qu'au rachat"

Dans certains cas, pourtant, des sociétés entrent en bourse sans remplir les critères de réussite, pour faire "un coup". "Elles espèrent qu'avec une bonne communication, elle sortiront très cher, avec une meilleure valorisation que pour un rachat", déplore Michel de Guilhermier qui cite les exemples de Groupon et Zynga. "Ce sont les défauts du système. Les IPO permettent notamment aux banques d'affaires et aux avocats qui les gèrent de gagner beaucoup d'argent." Et Marc Oiknine d'ajouter : "La cotation des entreprises tech est obscure."

D'autant que certaines start-up se tournent aussi vers la bourse quand elles ont échoué à lever auprès du private equity. "Si les fondateurs n'ont pas envie de vendre, ils peuvent annoncer une entrée en bourse... Et espérer entre temps attirer des industriels pour un rachat en leur faisant penser que le cours de l'action risque de monter rapidement, ou bien finalement attirer des VC", note Marc Oiknine.

Viadeo s'écroule en bourse

Ainsi, Viadeo est entré en bourse en 2014, les comptes quasiment à sec : le réseau social brûlait alors près de 1,4 million d'euros par mois et avait besoin de se refinancer de toute urgence (lire Pourquoi Viadeo précipite son introduction en bourse, du 18/06/14). Mais, étouffée par la concurrence de Linkedin, ses comptes dévoilés (lire Viadeo, ces chiffres qui peuvent inquiéter les investisseurs, du 28/05/14), la société a lourdement chuté pour son entrée en bourse. Introduite à 17,10 euros, dans le bas de la fourchette fixée, l'action vaut désormais 5,52 euros. "Ils auraient dû relever des fonds en private equity, avec des investisseurs qui s'inscrivent dans la durée et ne s'attachent pas tant aux résultats par semestre", observe Marc Oiknine.