"Génération pigeons", la révolte des entrepreneurs racontée par Jean-David Chamboredon "Une plus-value n'est pas un revenu du capital"

jeand-david chamboredon : 'il y avait un truc que je ne sentais pas'.
Jeand-David Chamboredon : "il y avait un truc que je ne sentais pas". © S. de P. ISAI Gestion

"À la rentrée de septembre 2012, il y avait un truc que je ne sentais pas, la France du business était à l'arrêt, désabusée par une campagne pour l'élection présidentielle pathétique dans son contenu et une kyrielle de rumeurs ou d'annonces anti-business, devant ou non se concrétiser dans le projet de loi de Finances.

Dès le mois d'août et le début des discussions sur le budget, je craignais une évolution de la législation fiscale. L'un des thèmes de la campagne de François Hollande – taxer les revenus du travail comme ceux du capital – me paraissait particulièrement inquiétant par ses risques lourds sur le financement des PME de croissance.

"Cette idée simple est populaire mais fausse : elle revient à surtaxer des revenus qui l'ont déjà été"

Cette idée simple est populaire mais fausse : elle revient à surtaxer des revenus qui l'ont déjà été. Ce n'est pas seule­ment la taxation de la plus-value réalisée par l'entrepreneur qui est visée, sinon je ne me serais pas mobilisé comme je l'ai fait. Je n'ai pas cherché à défendre ma situation personnelle. J'y vois surtout le risque d'une remise en cause complète pour mon métier de financeur de start-up, d'un coup d'arrêt de tout ce qui se construit en termes de chaîne de financement et de développement des entreprises de notre écosystème.

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Cette chaîne de financement est donc très dépendante de la fiscalité.

D'abord il y a la situation des créateurs. La plupart d'entre eux font des sacrifices très importants durant les premières années d'existence de leur entreprise et peu d'entre eux connaîtront un succès. Un taux de taxation de leur éventuelle plus-value qui pourrait dépasser 60% est confis­catoire et absurde. Il ne tient pas compte du risque pris. Il ne peut que décourager celui qui démarre.

Ensuite, il y a les financeurs personnes physiques. Ils savent qu'ils ont une chance sur deux de faire un investisse­ment non profitable. Si l'hypothétique plus-value est taxée à plus de 60%, c'est dissuasif. Ce n'est plus de l'investisse­ment mais du mécénat puisque l'espérance de gain devient négative !

Enfin, une plus-value n'est pas un revenu du capital comme le sont des intérêts, un loyer ou des dividendes. Une plus-value correspond à un désinvestissement (qui sera sans doute suivie d'un ré-investissement). Parler de revenu du capital est erroné. On pourrait peut-être qualifier cela de "revenu exceptionnel du capital".

Je crains donc que l'on mette tout cela par terre en appliquant sans discernement une promesse électorale par nature assez vague.

"Pendant tout le mois de septembre, je pose avec obstina­tion la question des plus-values de cession, dans le cadre de France Digitale. Pas de réponse."

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En septembre, le gouvernement annonce le maintien du dispositif ISF-PME. Bon point également car je sais maintenant que ce dispositif a clairement été menacé et que Fleur Pellerin a obtenu là un arbitrage favorable. Pendant tout le mois de septembre, je pose avec obstina­tion la question des plus-values de cession, dans le cadre de France Digitale. Pas de réponse."