"Entrepreneur du Web. Les grandes réussites françaises." Jonathan Benassaya, pilier de l'aventure Deezer

Cet entretien avec le cofondateur de Deezer Jonathan Benassaya a été réalisé en juin 2011.

Jonathan Lascar / Julien Konczaty : Pour revenir sur votre financement, vous faites rentrer Xavier Niel au capital de votre société, comment l'avez-vous sensibilisé ?

jonathan benassaya
Jonathan Benassaya © B. Méli / JDN

Jonathan Benassaya : Daniel Marhely, avec qui je travaillais, était en relation avec Jérémie Berrebi et lui a montré notre projet. Un jour, Jérémie lui fait un petit message sur Skype : "Le patron de Free voudrait investir sur un projet dans la musique, je vous fais une intro ?" Le lendemain nous le rencontrions, il nous a dit : "Ok, je vous mets 250 000 euros" [ndla : depuis, Xavier Niel et Jérémie Berrebi ont créé leur propre fond, Kima Ventures].  

J.L / J.K : Pour revenir sur ta précédente entreprise montée en Chine, tu la revends, tu rentres à Paris et tu te remets immédiatement sur un nouveau projet, y a-t-il eu un moment d'hésitation ?

J.B : En fait, je n'ai jamais hésité. Quand je sais que quelque chose va fonctionner, j'y vais à fond, c'est ce que j'ai fait avec mes trois autres sociétés. Au pire tu te plantes, mais tu as appris. Cela n'a pas de valeur ! Il n'y a qu'en France où se planter est interdit.

J.L / J.K : Tu demandes conseil autour de toi ?

J.B : Oui, sinon nous n'aurions jamais pu lancer Deezer. La difficulté principale est de séparer le conseil des autres de ses propres choix. Il faut trouver le juste milieu entre ses opinions et les conseils.

J.L / J.K : Revenons à Deezer, à quel moment t'es-tu rendu compte du potentiel ?

"Il n'y a pas plus puissant que le gratuit"

J.B : Dès le début, avant le lancement. Il y a peu de moments dans la vie d'un entrepreneur où tu sais que tu peux vraiment créer une disruption. Il n'y a pas plus puissant que le gratuit, et avec Deezer nous répondions à un vrai besoin. Dans tous les cas, je savais que cela serait challenging, mais le concept en lui-même était génial.

J.L / J.K : Pour poursuivre votre développement, où avez-vous trouvé les capitaux supplémentaires ?

J.B : Nous avons levé de l'argent, une levée de 5 millions d'euros auprès des fondateurs de Pixmania pour pouvoir financer les droits musicaux et le développement du site.

J.L / J.K : Les frères Rosenblum ?

J.B : C'est cela, le deal a été clôturé en février 2008 et les frères Rosenblum sont rentrés au conseil d'administration.

J.L / J.K : Dans quelle mesure avoir des investisseurs au board peu changer la gestion de l'entreprise ?

"un entrepreneur doit accepter qu'il perde le contrôle des choses"

J.B : A partir du moment, où tu fais rentrer des investisseurs dans ton capital, un entrepreneur doit accepter qu'il perde le contrôle des choses. Est-ce contraignant ? Non ! Si l'on partage la même vision, il n'y a pas de contraintes, la vrai contrainte, c'est quand la vision change, c'est quand les objectifs changent, là il peut y avoir des conflits.

J.L / J.K : Que se passe-t-il ensuite ?

J.B : Afin de continuer notre développement et d'absorber notre croissance, nous faisons une nouvelle levée de fonds mi-2009.

J.L / J.K : Auprès d'un nouveau partenaire ou bien les précédents investisseurs remettent au pot ?

J.B : Non, deux nouveaux fonds : AGF et CIC. L'objectif est de mettre en place une stratégie de stabilisation en France et d'internationalisation du modèle. Nous avions défini plusieurs axes de développements et l'axe qui a été privilégié ne me convenait pas. J'ai donc décidé de quitter la direction de Deezer. Un mois après qu'on m'ait dit non à ma stratégie, j'ai dit à mon board que je voulais sortir de la société. Cela a fait partie des décisions difficiles à prendre dans sa vie d'entrepreneur.

J.L / J.K : Et tes engagements vis-à-vis des investisseurs ?

J.B : Nous avons négocié pour que l'ensemble des actionnaires soit satisfait. J'ai accompagné le nouveau directeur général, Axel Dauchez, pendant huit mois en tant que président de la société puis j'ai quitté le board en novembre 2010.

J.L / J.K : Qu'as-tu ressenti au moment de partir ?

J.B : J'ai été sonné puis petit à petit j'ai commencé à sortir la tête de l'eau et me focaliser sur le futur. Je me suis occupé de ma famille car nous attendions notre fils. Et puis petit à petit, j'ai commencé à travailler sur mon nouveau projet entre la France et les USA.  

J.L / J.K : Donc tu quittes Deezer. Que fais-tu de tes parts ?

J.B : J'ai gardé mes parts, mais il faut savoir qu'à partir du moment où tu fais rentrer deux fonds d'investissement dans ton entreprise, tu deviens largement minoritaire.

J.L / J.K : Peux-tu nous parler de ton nouveau projet, Plizy ?

J.B : Plizy est né d'un constat très simple, l'année dernière, j'étais devant mon écran de télé, il était 10h du soir, j'étais avec ma femme et nous avons passé 45 minutes à chercher un truc intéressant à voir. J'ai été très agacé car je ne comprenais pas pourquoi on n'avait pas un système qui était assez intelligent pour nous suggérer des contenus à voir. C'est l'histoire de Plizy. Dans un premier temps, nous avons lancé une application Ipad pour voir du contenu Web, mais cela n'est que le début de toute la plateforme que nous sommes en train de mettre en place.

J.L / J.K : Concrètement, vous définissez des catégories et en fonction du profil de l'utilisateur, Plizy suggère un contenu à voir ?

"l'Ipad est le premier support à conquérir"

J.B : Il y a pas mal de choses, nous avons quelques croyances par rapport à ce que nous faisons et pour nous, l'Ipad est le premier support à conquérir. Mais nous savons aussi que l'Ipad n'est pas mass-market et par conséquent l'application telle qu'elle est aujourd'hui ne reflète pas complètement ce qu'on est en train de faire.

J.L / J.K : Donc là, vous êtes 15 personnes, vous avez déjà levé des fonds ?

J.B : Nous avons levé 1,2 millions de dollars au tout début en love money, plutôt auprès d'amis.

Ndlr : Né en 1980, Jonathan Benassaya est diplômé de l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers et de l'Essec, il débute sa carrière dans une banque d'affaires avant de fonder une régie publicitaire en ligne en Chine, Magic Party, en 2005. Il crée ensuite en France Blogmusik qui deviendra plus tard Deezer. Il en quitte la présidence en 2010.